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Feuille de route ? Quelle feuille de route ?
Par Houcine Ben Achour
28/01/2021 | 19:15
4 min
Feuille de route ? Quelle feuille de route ?

 

Qu’on ne s’y trompe pas. La Tunisie est à genou. Voila le véritable et amer constat d’une décennie. L’échec est patent alors que les moyens n’ont pas manqué. On les a tout simplement dilapidés. Le plus malheureux, c’est qu’on semble ne pas vouloir ou pouvoir dévier de ce mauvais chemin qui risque d’hypothéquer l’avenir de ce pays et ses générations futures. Aucun des gouvernements qui se sont succédé durant cette période n’a eu l’audace de mettre le holà à une dérive qui, à mesure du temps, s’est transformée en une dangereuse fuite en avant.

Ces dernières années, chaque gouvernement y est allé de son diagnostic sur l’état du pays, sur l’instabilité politique et la détérioration sans précédent de la situation socioéconomique. Mais aucun gouvernement n’a eu le courage de pointer du doigt les responsables d’un tel désastre. Et pour cause, la viabilité de ces gouvernements dépendait largement de ces derniers. Du gouvernement de Habib Essid jusqu’à celui d’Elyes Fakhfakh, ce ne fut que remake d’un mauvais scénario. Tous ont évoqué les mêmes difficultés et promis d’y remédier, mais n’ont jamais osé désigner qui en est la véritable source pour l’écarter et tenter de se procurer un soutien politique alternatif. Et Hichem Mechichi, l’actuel chef du Gouvernement n’échappe pas à cette règle, demeurant dans cette sordide continuité. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il ne faudrait pas s’attendre à un miracle, ni même à de spectaculaires performances de ce gouvernement.

 

Le maigre espoir sur les capacités du gouvernement Mechichi à redresser le pays s’est volatilisé après son discours sollicitant le soutien d’une majorité parlementaire à son remaniement ministériel, quatre mois seulement après avoir constitué son premier gouvernement. La confiance obtenue, aura-t-il pour autant les coudées franches ? Rien n’est moins sûr. Et quand bien même cela lui serait possible, le contenu de son discours d’investiture bis laisse véritablement pantois.

On attendait un discours offensif du chef du Gouvernement dès lors qu’il est supposé s’être libéré de toutes les tutelles. Un discours plus tranchant que celui de la première investiture ou surtout celui qui a donné le coup d’envoi aux débats budgétaires. Il n’en fut malheureusement rien. Ce ne fut que propos creux et insipide. Pas un message à ceux qui souffrent. A ces entreprises qui ferment en cascade. A ces salariés mis brusquement au chômage. A ces ménages qui ont brutalement basculé dans la pauvreté. Pire. En prenant exemple sur la gestion de la crise du Covid pour plaider le savoir-faire de son gouvernement, citant l’accroissement remarquable des lits de réanimation et les efforts consentis pour lancer au plus tôt une campagne de vaccination, il semble avoir fait un mauvais choix compte tenu du nombre de contaminations et surtout du nombre de décès.

 

On pouvait comprendre que le Chef du gouvernement ait souhaité privilégier l’avenir au présent, en annonçant « une feuille de route » et « une vision stratégique claire de réformes et de refonte du modèle de développement ». Mais, on a beau chercher en quoi celles-ci pouvaient tenir, on a eu droit à un ersatz de promesses déjà formulées par les gouvernements précédents, mais rarement matérialisées.

On voudrait bien croire M. Mechichi lorsqu’il parle de développement régional, d’environnement d’investissement, de transition numérique et énergétique, de levée de verrou administratif, de réforme de la politique de subvention, etc. Sauf que le doute demeure solide compte tenu d’une part de la versatilité de ses soutiens et d’autre part de la faiblesse quand ce n’est pas l’absence de capacités techniques et de moyens financiers que cela nécessite. Or, une feuille de route, c’est avant tout cela, accompagnée d’un calendrier précis de réalisation. Quant à la vision stratégique que le chef du Gouvernement a voulu esquisser à travers quelques objectifs, elle désoriente plus qu’elle n’éclaircit l’horizon. L’objectif d’une contribution de l’activité numérique à la croissance de 4% à 6% en 2025 est très loin de répondre aux attentes compte tenu des potentialités. A l’inverse, la transition énergétique, qui fixe un seuil de 30% de la production énergétique provenant des énergies renouvelables et qui s’assigne une réduction de la consommation d’énergie de 30% à la fin de 2030, est trop ambitieuse pour être crédible. Que dire alors de la politique de subvention au sujet de laquelle Hichem Mechichi promet une refonte radicale dans la mesure où d’ici la fin de l’année on passerait de la subvention du produit à la subvention de revenu. On croit rêver.

 

Le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Appui à l’investissement, Ali Koôli aurait pu saisir l’occasion d’un entretien accordé ce jeudi 28 janvier 2021 à la radio Express Fm pour affiner « la feuille de route » et éclairer davantage sur la vision stratégique. Ce ne fut qu’atermoiements et tergiversations. Va-t-on solliciter le FMI ? Pas pour le moment, mais il se peut, a-t-il répondu en substance. S’achemine-t-on vers une loi de finances complémentaire ? Pas pour le moment, peut être plus tard, a-t-il indiqué. Autrement dit, on demeure dans le flou artistique pour ne pas dire total. Que dire alors du climat de l’investissement, de la réforme de la fiscalité, de la lutte contre la corruption, etc. C’est motus et bouche cousu.

En abordant sa « vision stratégique » Hichem Mechichi a posé un préalable selon lequel « il n’est pas possible de construire une économie nouvelle avec des instruments obsolètes ». On serait aussi de lui dire que cela n’est encore plus pas possible avec des soutiens politiques aussi obsolètes, et c’est le moins que l’on puisse dire.

Par Houcine Ben Achour
28/01/2021 | 19:15
4 min
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Commentaires
Tunisino
Suite
a posté le 29-01-2021 à 14:17
L'objectif final est naturellement mettre le pays sur les rails du progrès (un travail purement technique) pour un développement continu et durable (faire mieux que la première république), ainsi les tendances politiques ne peuvent en aucun cas empêcher le progrès du pays (faire mieux que la deuxième république).
Tunisino
On a besoin de plus de profondeur
a posté le 29-01-2021 à 10:06
On a besoin de plus de profondeur, c'est tout le système qui est à voir, en particulier:
1. On ne peut pas construire une Tunisie forte sans objectif stratégique.
2. On ne peut pas construire une Tunisie forte sans institutions solides.
3. On ne peut pas construire une Tunisie forte sans limiter le rôle des politiciens, naturellement incompétents et arnaqueurs, à uniquement servir le projet stratégique et respecter les institutions.
D'autres mesures sont aussi utiles:
4. Réduire le nombre des partis politiques a trois: Gauche, Centre, et Droite.
5. Faut-il trouver un moyen institutionnel pour favoriser le Centre, naturellement modéré, à la gauche, naturellement anarchiste, et à la droite, naturellement criminelle?
Cela reviendra finalement à une version scientifique de la première république, littéraire. Bourguiba était sur le bon chemin sauf que sa république a été bâti pour vivre à court terme.
DHEJ
Et toujours on oublie le pouvoir judiciaire
a posté le 29-01-2021 à 09:41
Quel rôle pour l'Avocat général aux services judiciaires du ministère de la Justice pour garantir la liberté du travail, la liberté de la circulation OU les LIBERTES INDIVIDUELLES?
Nephentes
Excellente analyse
a posté le 29-01-2021 à 08:15
Toujours remarquable l'analyse de Si Houcine

et toujours une populace inconsciente et passive
SidiBou
Nouveau parlement
a posté le 28-01-2021 à 22:56
L'analyse de cette chronique est tellement vraie que je n'aiplus rien à ajouter sauf que,
Il faut impérativement, le plus rapidement possible dissoudre ce parlement.
Il n'y à pas d'autre solution que le pleuple soutien Notre robot président à le faire.