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Chroniques
Dix ans, ça suffit !
Par Houcine Ben Achour
18/12/2020 | 08:00
7 min
Dix ans, ça suffit !

 

Une décennie s’est écoulée depuis la révolte de décembre 2010. Et si, aujourd’hui, un dialogue national gagnerait à être engagé, c’est précisément sur le bilan de cette période avant d’envisager la moindre perspective d’avenir. L’exigence de « redevabilité » de ceux qui ont gouverné le pays et géré les affaires de l’Etat constitue un pré-requis minimal si l’on souhaite qu’un dialogue national sur l’avenir permette de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve actuellement le pays.  

En tout cas, en termes d’acquis économiques et de progrès sociaux, les résultats sont bien maigres. Et, c’est un euphémisme. Durant cette décennie, la croissance économique a perdu 3 à 4 points de pourcentage par an comparativement à la décennie 2000 qui d’ailleurs ne fut pas si performante, n’en déplaise à ceux qui le claironnent. L’investissement, ce moteur de la croissance, est demeuré en panne. Il s’est même dégradé comme l’illustre la chute inexorable du taux d’investissement du pays. L’inflation n’en a pas fini de rogner le pouvoir d’achat du citoyen faisant basculer les uns dans la pauvreté et amené les autres à réduire jusqu’à sa plus simple expression leur épargne. Durant dix ans, les ressources de l’Etat ont été dilapidées en indemnisations de toute sorte, en augmentations de salaires à tout va et en subventions en veux-tu, en voilà. Durant cette décennie, l’enveloppe annuelle d’investissement de l’Etat s’est réduite de presque un tiers à dinars constants. Le constat éclaire sur l’état de délabrement de l’infrastructure de base (routes, réseaux électriques, d’eau potable, d’assainissement, etc.) et la décrépitude des équipements collectifs du pays (écoles, collèges, lycées, facultés et instituts universitaires, dispensaires et hôpitaux, aires sportives, maisons de culture et bibliothèques,…). Tout au long de cette période, l’image extérieure de la Tunisie s’est progressivement dégradée et sa crédibilité mise de plus en plus en doute, comme l’illustrent les notations successives des principales agences internationales de rating qui ont fait passer la Tunisie du grade « Investment » à celui de « fortement spéculatif ». L’endettement du pays est tel, que les portes de l’emprunt extérieur et probablement demain celles de l’emprunt intérieur ont commencé à se refermer alors qu’elles étaient grandement ouvertes à la Tunisie.

Quant au progrès social, il faudra revenir. La courbe du chômage ne s’est pas inversée et la pauvreté a regagné du terrain. La récente publication de l’Indice de développement humain (IDH) du PNUD (Programme des Nations Unis pour le Développement) classe la Tunisie au 95e rang en 2019, lui faisant perdre 4 places. En 2010, le pays se positionnait à la 81e place et à la 90e place en 1990, année de la première publication de cet indice par le PNUD.

Le plus malheureux, c’est que cette descente aux enfers est la résultante d’une gouvernance exercée durant toute cette décennie par ceux qui promettaient le paradis. Pire, ils continuent de plus belle. La loi de finances complémentaire 2020 et la loi de finances 2021 en sont une illustration supplémentaire.

 

En effet, rarement un projet de loi de finances n’a été autant escamoté que celui qui vient d’être adopté par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour l’exercice 2021. Entre la première mouture déposée par le gouvernement à la veille du délai constitutionnel du 15 octobre et le projet adopté en séance plénière, rien n’a été fait dans les règles de l’art. Les plus pessimistes n’en attendaient pas moins compte tenu de la tournure qu’ont prise les débats en commission des Finances, puis en séance plénière sur le projet de loi de finances complémentaire 2020. Certes, l’ARP a finalement adopté ce dernier projet. Cependant, il semble qu’il n’ait satisfait personne en dépit des modifications apportées au budget de l’Etat afin de rendre celui-ci un peu plus viable que le projet initial. En tout cas, cela n’a pas satisfait les députés d’Attayar qui ont saisi l'instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de lois, invoquant l’inconstitutionnalité de deux articles sur les cinq constituant la loi de finances complémentaire. Et pour cause. Ces dispositions n’auraient pas fait l’objet d’un examen en commission des Finances avant leur passage en séance plénière. De plus, elles n’auraient, selon les auteurs de la saisine, aucun lien avec la loi de finances telle qu’elle est définie par la loi organique du budget. Autrement dit, on n’en a pas encore fini avec la loi de finances complémentaire.

Quant aux péripéties traversées par le projet de loi de finances 2021, elles sont encore plus cauchemardesques. La décision de la commission des finances de suspendre l’examen des articles relatifs au budget de l’Etat et, sans attendre, d’entamer la discussion des autres articles afin de boucler le marathon budgétaire dans les délais constitutionnels fixés au 10 décembre, était visiblement opportune. En outre, elle permettait au gouvernement de revoir sa copie sur les prévisions de ressources et des dépenses du budget de l’Etat pour l’année prochaine. Or, c’était sans compter sur la masse d’amendement et d’ajout de dispositions supplémentaires déposés par les députés. On en comptera plus d’une centaine. Devant l’impossibilité de les examiner en totalité en commission, cette dernière a néanmoins décidé de les présenter directement au débat et au vote en séance plénière. Pourtant, certains amendements et rajouts avaient un lien sinon un impact évident sur la structure du budget. La commission en a fait fi, mettant du coup en porte-à-faux l’effort du gouvernement d’avoir opéré des économies de dépenses de plus de 800 MD par rapport au budget initial et, partant, d’avoir réduit les besoins d’emprunt, même s’ils demeurent malgré tout à des niveaux encore préoccupants (environ 18, 6 milliards de dinars en 2021). En tout cas, cela a permis de diminuer le déficit budgétaire et le ramener à un niveau comparable aux années du règne de la Troïka, à 6,6% du PIB contre 7,3% initialement fixé.

Toutefois, il reste à savoir si ces économies budgétaires vont être effectivement réalisées. Car, au vu des rajouts de dispositions adoptées en séance plénière, rien n’est moins sûr. La baisse du taux de l’impôt sur les bénéfices des sociétés, assujettis auparavant au taux de 25%, à 15% au lieu de 18% initialement fixé par le gouvernement va logiquement impacter les recettes fiscales de l’Etat. Ce sera sans doute le cas de la disposition obligeant le gouvernement à recruter l’année prochaine 10 000 chômeurs de longue durée parmi les diplômés de l’enseignement supérieur, comme le prévoit d’ailleurs la loi portant dispositions dérogatoires pour le recrutement dans le secteur public. Le gouvernement a déjà prévu le recrutement de 16 500 fonctionnaires dont l’enveloppe de rémunération est évaluée à près de 270 MD. Prés de 9 500 des nouvelles recrues seraient issues des écoles de formation des ministères de l’Intérieur et de la Défense et donc incompressible. Le reste concerne non pas de nouveaux recrutements mais des titularisations en attente de maîtres et professeurs auxiliaires.

Fort heureusement, d’autres dispositions fiscales proposées par les députés n’ont pas été adoptées. Certaines sont particulièrement édifiantes. Exemple : l’exonération de droit de douane pour l’acquisition par les ménages de leur premier véhicule. Une mesure totalement surréaliste et inapplicable en l’état dont, curieusement, les initiateurs sont ceux qui ont proposé et fait voter il y a deux ans une disposition de loi de finances imposant au taux de 1% toute transaction financière opérée par les banques, mesure tout aussi farfelue qu’inapplicable.

En matière de populisme, on a fait encore mieux. Alors que l’Etat peine à dégager des ressources, des députés ont proposé d’introduire de nouvelles taxes à l’importation, d’autres une nouvelle taxe à l’exportation de dattes, d’autres encore à la prise en charge par l’Etat de la part patronale de cotisation à la sécurité sociale au titre des salariés pour toutes les entreprises tant que les mesures de restriction anti-Covid demeureront en vigueur.  D’autres encore, pour éponger les dettes inférieures à 7 000 dinars des agriculteurs et inférieurs à 5 000 dinars pour les artisans.  Tous ceux-là n’ont pas compris qu’une politique redistributive de revenu serait vaine si elle n’est pas génératrice de valeurs. Durant dix ans, ils ne l’ont pas compris. Ça suffit !

 

 

Par Houcine Ben Achour
18/12/2020 | 08:00
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Commentaires
Toun5
Et d'un
a posté le 24-12-2020 à 21:02
N.karoui 1
2 l'autre fou jihadiste
3 le patron des jihadistes
4 les jihadistes et confreres
Puis retour à la base depart de sous zero pour arrver a 4% de croissance dans 15 ans ou plus
Taoufik
Censure
a posté le 20-12-2020 à 10:56
Monsieur nous sommes dans un pays démocratique et la liberté d'expression est valable pour tous pourquoi vous me censurez avec une petite* qui remplace le mot'terroristes' ' au sein du parlement oui il existe des Terroristes parmi certains groupes et vous le savez bien vous pouvez encore me censurer agir de cette façon me persuadé que le journaliste couvre ces individus et les cautionne je demande que votre journal m' explique pourquoi j'ai été censuré
C'est dommage car je suis un fidèle de BN mais je crois que je vais aller voir ailleurs où la liberté de l'expression existe


BN : Merci de vous conformer aux règles de modération
Karim
Yestehlou les gueux
a posté le 19-12-2020 à 08:32
Les Tunisiens gueux méritent nahdha + kakarama + karoui ils ne marchent qu'au populisme pas de cerveau ! Ils aiment la médiocrité la voilà ! Qu'est ce que vous voulez de plus, les autres pays envoient des satellites en tunisie le niveau c'est selon jaziri les femmes devraient se marrier à 14 ans ou les femmes célibataires sont des traînées selon affes le pseudo docteur de kakarama ! Vous vous rendez compte du niveau de connerie atteint ? Et les gueux qui votent pour eux c'est normal pour vous ? Les tunisiens n'ont que ce qu'ils meritent et attendez 2021 crise économique qui va s'aggraver même en europe donc la Tunisie sera balayée. Vivement qu'abir moussi prenne le pouvoir ou des militaires pour virer ces racailles !
Sebei
L'esprit est prompt mais la volonté est faible
a posté le 19-12-2020 à 00:33
Dieu ne change l état d une nation que lorsqu elle change soi même tant que nous préservons le même système de valeurs et de croyances de marché que nous adoptons rien ne changera même si nous apporterons le plus juste au monde nous gouvernent, le modèle qui privilège l occupation du savoir, les positionnements de profit, le lobbying d intérêt, le favoritisme... plus que la méritocratie la réalisation, le travail, la compétence...
Anyssa
L'adverbe manquant...
a posté le 18-12-2020 à 19:24
" Dix ans, ça suffit MAINENANT !! "

Totalement d'accord avec vous Mr Houcine Ben Achour, rien que le titre résume à lui seul la situation. Le temps est venu pour faire les comptes.
Taoufik
Dialogue national
a posté le 18-12-2020 à 18:17
Monsieur Ben Achour
Vous parlez de dialogue national mais avec qui ?
Peut être avec les mafieux, les *** et les incompétents du parlement qui ont mis la Tunisie à genoux ?
Non jamais !
Allez proposer cela à Madame Abir Moussi et vous verrez sa réponse
Taoufik
Dialogue National
a posté le 18-12-2020 à 18:09
Monsieur
Vous avez parlé de dialogue national mais avec qui ? Avec les mafieux et *** du parlement ?
Non jamais ! Allez proposer cela à Madame Abir Moussi
DHEJ
Pourquoi
a posté le 18-12-2020 à 18:06
Le voeux du peuple tunisien a été exaucé !

Le peuple ne veut plus de ZABA alors il est parti;

Le peuple accepte le pain et l'eau, alors il a encore le pain et l'eau.
cesarios
nos vaillants économistes et nos organisations nationales doivent...........
a posté le 18-12-2020 à 17:50
ce n'est pas seulement ça suffit, c'est trop, c'est trop, tout est catastrophé, tout est en décadence continue, tout est en rouge, nos actuelles et nos futures générations ne nous pardonnent jamais, c'est le moment ou jamais de tout revoir de rectifier, d' ajuster, il faut bien savoir exploiter et profiter de ce que la légalité et les lois de ce que nous le permettre, et sans hésitation, il faut sauver ce qui est pourra être sauvé en urgence avant de mourir de remords, nos vaillants économistes et nos organisations nationales de la société civile doivent courageusement prendre leurs responsabilités et intervenir par tous les moyens justificatifs bien pensés, bien étudiés et bien établis pour éviter la banqueroute et prendre le chemin le moins caillouteux selon une vision et un programme à court et à moyen terme et évaluer leurs résultats selon un calendrier bien déterminé
Gg
une nouvelle taxe à l'exportation de dattes
a posté le 18-12-2020 à 16:57
L'exportation de dattes, tout un symbole! On rêve de voir la Tunisie exporter des éléments d'avions, de voitures, fabriquer des téléphones comme jadis les decodeurs Canal + etc...
Aujourd'hui c'est de l'huile et des dattes.
Quel crève-coeur!
Zohra
Plus de matière grise
a posté le à 17:16
Bonjour Gg,

Absolument, ils ne profitent même pas de leurs compétences, pourtant, ils n'ont jamais manqué de matière grise. Il faut croire que leur matière grise a déserté ce pays.

Bien à vous