Dilemme, dilemme
Par Synda Tajine
Près de 800 listes ont été déposées aujourd’hui pour les municipales. Environ 90% de celles appartenant à des partis politiques portent les noms soit d’Ennahdha soit de Nidaa Tounes. Prévisible, dites-vous. Evidemment que oui, mais aussi très décevant dans la mesure où l’électeur aura face à lui le triste dilemme de choisir entre la peste et le choléra. Encore.
Même si c’est très peu probable, la tendance pourrait bien s’inverser à la dernière minute. Il reste 3 jours et plusieurs partis attendent le jour J et même l’heure H pour déposer leurs listes tant attendues. Ceci pour rester optimistes, mais les chances que la tendance s’inverse sont évidemment très minces.
Plusieurs partis se heurtent aujourd’hui aux dispositions de la loi mais, aussi, font face à la « pauvreté » de leur base populaire et relationnelle. Certains sont encore, à l’heure actuelle, en train de démarcher des personnes « d’influence » dans leur circonscription afin de les inscrire en tête de liste. Visiblement, les heureux propriétaires du poste rechigneraient à faire le sale boulot. Le fait d’être obligé de s’acquitter de ses obligations fiscales ou de devoir assumer, in fine, le travail municipal est tellement rebutant, qu’il n’y a pas, ou peu, de candidats.
Peu de gens sont intéressés aujourd’hui par la course aux municipalités qui peine à créer l’engouement suscité par les élections législatives ou la présidentielle. C’est dire la méconnaissance des enjeux que cela représente et des pouvoirs, immenses, qui seront conférés à ceux qui seront élus. Ces élections représentent, pourtant, le pouvoir le plus proche des citoyens et de leurs préoccupations courantes et palpables, au quotidien.
Cela Ennahdha et Nidaa l’ont bien compris et comptent bien en tirer profit, autant que faire se peut. Pour ça, on ne lésine pas sur les moyens, on fait les yeux doux à la communauté juive, on essaye de débaucher des membres d’autres partis pour les inscrire sur ses listes. L’essentiel est de faire du chiffre et d’attirer un maximum de votes. D’ailleurs, les seuls partis dont les listes sont presque bouclées - presque oui - sont les deux formations « fortes » du pays qui se disputeront, à elles seules, la guerre aux municipales. Les autres partis, eux, continuent à reproduire les mêmes erreurs.
« Nous sommes en surcharge de candidats dont nous pourrons faire don, s’ils le désirent, aux partis irrités s’ils sont en incapacité dans certaines municipalités » avait déclaré Sofiene Toubel aujourd’hui avec l’arrogance qu’on lui connait. Si le parti a de quoi se vanter comparé aux autres, beaucoup moins nantis, ce que dit Toubel n’est pas totalement vrai. En effet, dans certaines régions du pays, moins exposées, le parti peine encore lui-aussi à remplir ses listes.
Même si dans deux jours, le délai de dépôt des candidatures pour les municipales sera bientôt clos, ce n’est pas cette échéance électorale qui suscite l’intérêt des citoyens à l’heure actuelle.
L’opinion publique se déchaîne, dans le vrai sens du terme, suite à la retentissante affaire d’agression des jeunes enfants dans un centre pour autistes. Je ne m’étalerai pas sur le sujet car il est navrant, même si tout aussi prévisible, de voir tout le déchaînement qui lui est consacré, sans rien de concret pour faire avancer les choses. Comme à chaque fois, on s’éloigne de la clé du problème pour discuter de futilités.
On lynche publiquement sur les médias et réseaux sociaux les institutrices incriminées et on relance le débat sur la peine de mort et les potences à installer dans les places publiques. Entre temps, des institutions destinées aux enfants échappent encore à tout contrôle et continuent d’évoluer en marge de tout cadre légal.
C’est, en effet, à la loi, seule, de déterminer s’il y a eu manquements et d’en punir les responsables. C’est à la loi de déterminer ce qui doit être fait, loin du lynchage public et des discussions stériles sur les réseaux.
Les gens ont, toujours, du mal à garder la raison lorsqu’il s’agit d’enfants agressés, surtout lorsque ces enfants sont malades et démunis. Il est normal de se déchaîner lorsque l’on touche à des enfants sans défense. Mais le lynchage public n’avance en rien. Il ne fait qu’alimenter l’agressivité et la rancœur et mettre à nu les dérives d’une société remplie de haine et de violence.
Des citoyens se déchaînent, des institutrices passent aux aveux et des parents d’élèves sortent manifester pour les défendre. De quoi alimenter davantage un flou qui ne sert à rien. Pour ne rien arranger, parmi les parents protestataires, figure la députée Mbarka Brahmi. Là encore, au lieu d’agir en élue du peuple et de parler loi et justice, on tombe dans le sentimentalisme et on se laisser trainer dans des débats stériles.
La loi devra prendre son cours et la loi devra aussi protéger les enfants afin que ce genre d’incidents ne se reproduise plus et que les établissements qui ouvrent pour les accueillir soient tous réglementés et rigoureusement contrôlés. Rien de plus, rien de moins.