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Chroniques
Des médecins à sauver
Par Synda Tajine
25/06/2019 | 15:59
4 min
Des médecins à sauver

 

7 nouveau-nés sont morts ces derniers jours à l’hôpital Mohamed Tlatli à Nabeul, selon un bilan préliminaire. 4 d’entre eux sont nés prématurément et les autres étaient déjà malades avant leur admission.

La ministre de la Santé préfère ne pas parler de « scandale » et évoque des « causes déjà connues » affirmant qu’ « aucune enquête n’est indispensable ». Et pourtant, la ministre par intérim se déplace sur les lieux, constate des manquements et annonce des « mesures urgentes qui seront prises en faveur de l’hôpital de Nabeul ».

 

Il fallait qu’un drame éclate afin que des mesures soient prises. Comme à chaque fois. Pourtant, nul ne peut ignorer l’état déplorable des établissements tunisiens de la santé publique et les conditions de travail parfois inhumaines dans lesquelles médecins et personnel soignant travaillent tous les jours.

La campagne # balance ton hôpital avait, il y a quelques mois, provoqué un véritable séisme sur la toile. Le temps qu’elle a duré… des jeunes médecins, internes et résidents pour la plupart, ont dénoncé un manque d’équipement, l’absence des règles élémentaires d’hygiène, les conditions déplorables des patients entassés et des professionnels dépassés et à bout.

 

Ces conditions « inhumaines » nous sont décrites quotidiennement. Celles qui poussent une interne à accoucher durant sa garde en service de gynécologie; qui font qu’une jeune médecin tente de mettre fin à ses jours, après une garde interminable et un cadre de travail « inhumain »; que plusieurs médecins sont agressés durant leur travail; et que des centaines d’autres quittent le pays à la recherche de conditions de travail plus « dignes ». Mais ceci ne touche pas que les jeunes, les « seniors » aussi n’arrêtent pas de dénoncer.

Début mars, deux chefs de service de l’hôpital Tlatli de Nabeul claquent la porte. Il s’agit du chef de service de pédiatrie et de celle du service de maternité. Tous les deux estiment ne pas pouvoir continuer à travailler dans des services qui ne « garantissent pas le minimum de sécurité aux patients » et dénoncent « un nombre trop élevé de malades ».

De son côté, le chef de service par intérim n’a pas arrêté de dénoncer les conditions de travail et d’hospitalisation des patients, sans réaction de la part des autorités de tutelle. Des semaines plus tard, 7 nouveau-nés décèdent, et la ministre décide de se rendre sur les lieux et d’annoncer des mesures « urgentes ».

La professeur au service de réanimation pédiatrique à l’hôpital d’enfants de Bab Saâdoun a crié sa colère, il y a à peine quelques jours, contre le « harcèlement » du ministère de la Santé qui tente d’imposer des patients dans un service saturé. Des appels pour que le projet du nouveau service de réanimation pédiatrique, en stand-by depuis un moment, voie enfin le jour, ne parviennent pas à se faire entendre.

 

En plus des hôpitaux délabrés dans lesquels les patients ne sont pas en sécurité et des services surchargés dans lesquels il est parfois impossible de prodiguer des soins de qualité, les médecins dénoncent le harcèlement professionnel dont ils sont victimes tous les jours.

A l’ARP, est discuté ces derniers jours en commission, le projet de loi relatif aux « droits des patients et responsabilité médicale ». Un projet de loi qui devra donner un cadre juridique prenant en compte les spécificités de cette profession très particulière. Ainsi, seront définis, entre autres, la faute médicale, l’accident médical non-fautif, ainsi que la responsabilité des soignants et des établissements de santé publics et privés. De quoi protéger à la fois les patients, tout en respectant leurs droits, mais aussi le personnel soignant, exposé à des risques non négligeables dans l’exercice de son métier. Un métier à risque, en effet, compte tenu des conditions dans lesquelles, médecins et personnel soignant travaillent et des nombreux drames qu’on constate fréquemment.

 

En attendant, des commissions d’enquête se forment, mais ne donnent aucun résultat; des têtes tombent, mais sont remplacées par d’autres toujours aussi impuissantes à apporter un changement. Pendant ce temps-là, les compétences quittent le pays et vont voir ailleurs, là où les choses bougent vraiment. Ceux qui restent sont épuisés, dépités et ont de moins en moins de marge de manœuvre…

Par Synda Tajine
25/06/2019 | 15:59
4 min
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Commentaires (8)

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Microbio
| 26-06-2019 12:48
Liebe le déçu !
Un grand Merci pour les propositions faites pour sauver notre santé publiques.
Pour reformer notre santé publique, pour la prochaine campagne électorale, vos recommandations peuvent répresenter une base solide pour formuler un programme politique de santé.
Pour une réforme réaliste et honnête de la santé publique,
Il est conseillé, surtout à nos stratèges politiques, de lire minutieusement deux fois ces suggestions..

Bonne journée!

Ali Baba au Rhum
| 26-06-2019 11:34
cela s'appelle le libéralisme économique transposé au secteur de la santé; et c'est l'Etat qui en est responsable.

raspoutine
| 26-06-2019 07:37
les medecins sont devenus les bêtes noires à abattre . la corporation est faible.il ne savent plus de défendre en expliquant le pourquoi des choses.
la presse à sensation y est pour beaucoup.
à ce jour on na plus de médecins formateurs au sein des institutions et sans qq années le tunisien de fera soigner s'il a de l'argent chez la ouagaa ou le daggaz et sans rouspeter

le déçu
| 26-06-2019 06:54
Outre la necessité de faire un tres gros effort de financement, il convient de toute urgence de proceder à une restructuration de la gestion:
_en premier lieu remettre le malade et le medecin à la base de toute la politique sanitaire publique
_renforcer l'autorité du chef de service dans la gestion de son service et mettre un holà à l'intervention perturbatrice et clientéliste du syndicat dans le planning et la discipline des services
_ informatiser l'ensemble des services et leur gestion
_sanctionner durement tout manquement quelque soit la personne et son grade et mettre fin au laxisme ambiant générateur de dépassements de toutes sortes
-externaliser de toute urgence l'activité privée complémentaire ,en dehors des établissements sanitaires.ELLE EST SOURCE DE COMPROMISSIONS 0 PLUSIEURS NIVEAUX

Nour
| 26-06-2019 04:44
Votre lettre decrit bien la situation catastrophique. Je viens de lire sur tunisie numerique, la lettre de l'ancien ministre de la santé : m.salah ben ammar ; elle est criante de vérité sur tout ce qui se passe. Tout est dit sur l'inconscience generale en Tunisie.
Vous devriez diffuser cette lettre sur votre site,

Forza
| 25-06-2019 21:47
Des facteurs se sont conjugué pour mener à cette situation. Pertes énormes a cause de l'arrêt de la production du phosphate, du pétrole et du gaz, probablement dans les 40 milliards de Dinars sur les 8 ans. De plus, le terrorisme, un phénomène mondial nous a obligé d'investir massivement dans la sécurité au detriment d'autres priorités. Il est temps de mettre de nouveau l'éducation et la santé dans le centre des priorités.

mansour
| 25-06-2019 21:27
depuis 2011 et la troika islamiste des freres musulmans salafiste d'Ennahdha à aujourd'hui avec le gouvernement Ennahdha-Youssef Chahed

DHEJ
| 25-06-2019 21:06
Avant hier un ami me racontait comment il voulait convaincre son enfant Dr. spécialiste pour ne pas "brûler " en destination de la France....