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Chroniques
Chokri Belaïd, sacrifié sur l’autel du consensus
06/02/2018 | 16:00
2 min

On commence à s’habituer, petit à petit, à la mort de Chokri Belaïd. Doucement mais sûrement, Chokri devient non plus le symbole de ces voix libres qu’on a voulu éteindre, mais celui d’un assassinat qu’on risque de ne jamais voir élucidé.

Doucement mais sûrement, on s’habitue au fait que son assassinat demeurera non résolu, que les auteurs, les commanditaires et tout le plan qui est derrière seront et resteront inconnus. Mais n’est-ce pas ça le plan justement ?

Au lieu de se rappeler de lui comme une figure de la gauche, militante et libérée, qui n’a pas sa langue dans sa poche, et qui est mort en servant son pays, Chokri se retrouve aujourd’hui la mémoire malmenée et sacrifiée sur l’autel du consensus.

 

Ceux qui accusaient, il y a 5 ans, Ennahdha d’être l’instigatrice de ce crime odieux, marchent aujourd’hui à ses côtés et lui serrent la main dans une sorte de partenariat perfide.

Ne nous leurrons pas. Si le crime qui a coûté la vie à Chokri Belaïd, un sombre 6 février il y a 5 ans, demeure aujourd’hui encore un mystère, c’est que tout est fait pour qu’il le reste. L’absence de volonté politique pour que les auteurs des faits soient identifiés et comparaissent devant la justice n’est pas un mythe. De même que l’existence d’une réelle volonté politique pour étouffer l’affaire.

S’il est vrai que ce genre de dossiers d’assassinats politiques figure parmi les plus compliqués à résoudre, les pataugements observés dans celui-là en particulier inquiètent. Un juge d’instruction plus que controversé chargé du dossier, sur lequel planent des soupçons de complicité de meurtre et de dissimulation de preuves. Un juge d’instruction qui est promu Procureur de la République alors même qu’il est chargé d’une enquête qui n’avance pas. Un juge qui est remplacé par un autre qui ne maîtrise pas du tout son dossier et qui n’a pas peur de s’en vanter.

Nous nageons en plein délire. Que ceux qui croient encore, naïvement, que la justice est en train de suivre son cours, doucement mais sûrement, se réveillent de leur torpeur. Ceci est loin d’être le cas.

 

Il suffit de voir les promesses non tenues de tous ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir. Qui ont fait de la révélation de la vérité sur l’assassinat de Chokri des slogans de campagne, des discours lyriques emprunts de faux patriotisme de circonstance. Ceux-là même qui baissent les yeux quand on aborde le dossier aujourd’hui. Il est facile de faire des promesses. Il est encore plus facile de les esquiver quand ses intérêts sont en jeu.

 

Plus personne ne crie au scandale aujourd’hui. On commémore, on manifeste chaque semaine, on donne son nom à des établissements, on pose des plaques commémoratives, puis on passe sa route et on oublie. Plus personne ne s’indigne hormis des proches et un comité de soutien à la voix essoufflée qui préfèrent aujourd’hui se murer dans le silence face aux écueils qui font que leurs efforts sont noyés.

 

Si l’assassinat de Chokri, il y a 5 ans, a plongé la classe politique dans la haine et le désarroi, ce n’est pas ce consensus factice qui les en a sortis. Ce consensus, opaque et scellé à huis clos, n’a fait qu’envenimer la crise qui sévit depuis, au sein de la classe politique. Un consensus dont les protagonistes eux-mêmes ignorent les règles. Un consensus qu’on fait et qu’on défait au gré des réunions et des envies.

Instauré au nom d’une stabilité politique, jusque-là non atteinte, ce consensus est né grâce à la mort de Chokri Belaïd. Il est aujourd’hui responsable de l’évanescence de sa mémoire mais aussi de l’étouffement des idéaux de justice et de vérité auxquels nombreux aspirent encore, naïvement…

 

06/02/2018 | 16:00
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