
Le plus controversé des ministres, Brahim Chaïbi, a été cinglement limogé vendredi dernier de son poste des Affaires religieuses. Un poste qu’il a bien terni par sa gestion mêlant autoritarisme et niaiseries.
Contrairement aux quelques rares ministres nommés par Kaïs Saïed, sortis la tête haute ou discrètement, Brahim Chaïbi quitte le gouvernement sur un scandale, la tête baissée. Les réactions hilarantes et moqueuses suivant sont limogeage n’ont rien d’injuste, elles sont bien méritées.
Que restera-t-il dans les mémoires, et dans les archives éternelles du web, de Brahim Chaïbi nommé le 11 octobre 2021 et limogé le 21 juin 2024 ?
Au sein du ministère, il ferait l’objet d’un triste record de recours devant le tribunal administratif déposés par ses anciens agents qui lui reprochent son autoritarisme et ses abus.
Il serait également le ministre qui a déposé le plus grand nombre de plaintes judiciaires fallacieuses contre des journalistes et des blogueurs dans l’objectif de les faire taire et d’envoyer des messages à tous ceux à qui viendrait l’idée de le critiquer. Il a fait l’objet de plusieurs rapports et communiqués accablants, dont celui de l’Observatoire des atteintes à la liberté d’opinion et d’expression.
On ne lui connait aucun véritable projet d’envergure concrétisé.
Son mandat s’accompagne du plus triste des records, celui du nombre de morts au pèlerinage. Selon les chiffres officiels, il y aurait eu soixante décès parmi les pèlerins tunisiens.
Son autre record, des plus ridicules, est le nombre de photos qu’il diffuse, continuellement, sur la page officielle du ministère. Ses photos au sourire niais et son pouce levé se comptent par centaines.
Ce singulier parcours de Brahim Chaïbi fait que son limogeage a été applaudi par tout le monde. Aussi bien les adversaires du régime de Kaïs Saïed que ses partisans. Il était temps que le président de la République mette un terme aux agissements d’un ministre gominé dont les actes ressemblent davantage à ceux d’une instagrameuse stupide qu’à un homme politique sensé.
Il y a lieu cependant de s’interroger si ce limogeage est suffisant, à lui seul, pour en finir avec un tel personnage ?
Le président de la République qui appelle, dans tous ses propos, à l’équité et la justice ne devrait-il pas se pencher un peu plus sur le dossier de son ministre déchu ? Quand on sait que d’anciens ministres et personnalités politiques sont accusés sans preuves et détenus sur la base de poursuites fallacieuses, ne faut-il pas qu’il montre un peu d’égalité dans le traitement du dossier de son ministre ? Le deux poids deux mesures est insupportable et la reddition des comptes est incontournable. Exactement comme les autres ministres des anciens régimes. M. Chaïbi a trop de casseroles pour s’en tirer avec un simple limogeage.
Il y a de cela plus d’un an, nos confrères Mouna Arfaoui et Mohamed Boughalleb ont épinglé le népotisme du ministre dans plusieurs dossiers, dont notamment celui de la désignation des fonctionnaires faisant partie de la délégation officielle du pèlerinage.
Au lieu d’ouvrir une enquête sur ces accusations, et en dépit des preuves accablantes présentées par les journalistes, le parquet a lancé une instruction contre ces derniers, sur la foi d’une plainte du ministre déposée sur la base du décret 54 liberticide. Ils risquent jusqu’à dix ans de prison.
Il est impossible de ne pas revenir sur le travail des journalistes qui avaient pointé les défaillances du ministre et du hajj, maintenant qu'il y a soixante décès. Non, l’État ne peut pas rester les bras croisés et fermer les yeux sur ce drame qui a frappé soixante familles. Si ça se trouve, et c’est à la justice et uniquement à la justice, de dire si cela est vrai ou pas, le népotisme du ministre est en partie responsable de ce drame.
Brahim Chaïbi a-t-il envoyé les gens qu’il faut à la Mecque ? La désignation des fonctionnaires s’est-elle faite sur la base des compétences, comme cela doit être fait, ou du copinage comme l’accusent les journalistes ? En tout état de cause, le minimum que l’État puisse faire, c’est d’ouvrir une instruction judiciaire pour déterminer les responsabilités. À ce jour, nous ne sommes pas au courant que le parquet ait ordonné quoi que ce soit et on n’a pas entendu le président parler du sujet. Le chef de l’État qui sort de ses gonds pour une supposée profanation du drapeau tunisien, fait totalement l’impasse et ne dit pas un mot sur la mort de soixante Tunisiens.
On ne sait pas si Brahim Chaïbi porte une responsabilité juridique ou pas dans ces drames et on doit le savoir. Pour ce faire, il n’y a que la justice qui puisse répondre.
Outre cette hypothétique responsabilité juridique, il y a une responsabilité politique pour le ministre. S’expliquant sur les 35 premiers décès, il a affirmé que la majorité de ces pèlerins ne font pas partie de la délégation officielle.
En classant les pèlerins en deux catégories, ceux partis en délégation officielle et ceux partis en touristes, le ministre dresse un clivage insupportable. Il se présente comme s’il était le directeur d’une agence de voyage qui ne serait responsable que de ses clients. Il oublie qu’il est un ministre de l’État tunisien, responsable de tous les Tunisiens présents à la Mecque, qu’ils soient officiels, touristes ou même clandestins. Il n’a pas à diviser les pèlerins en catégories, surtout qu’il y a des morts dans l’histoire
Mais là où Brahim Chaïbi a atteint le fond des abysses, là où il n’y a pas de lumière au fond de l’océan, c’est avec les centaines d’images qu’il prenait durant son voyage et qu’il partageait sur la page officielle du ministère des Affaires religieuses. Le ministre a frisé l’indécence et l’absence totale d’humanité en publiant ses photos, au même moment où il y avait des dizaines de Tunisiens morts et disparus. À Tunis, on criait au scandale, on cherchait les disparus, on pleurait les morts et on invitait le ministre à cesser la publication des photos et à s’occuper du dossier. Les témoignages des défaillances du ministre vont d'ailleurs dans le même sens. L'un des pèlerins s'est exprimé dans une déclaration aux médias affirmant que le ministre avait participé aux rituels du pèlerinage sans prendre la peine de rendre visite aus pèlerins malades et aux personnes en détresse.
Répondant à la polémique, il a accusé des parties occultes à chercher à ternir son image et à s’en prendre injustement à sa personne.
Par ailleurs, il y a lieu de s’interroger sur les photos que le ministre ne cesse de diffuser, y compris aux pires moments. Pourquoi fait-il cela ? Quand un instagrameur ou une instragrameuse publie des photos à la pelle, c’est qu’il ou qu’elle cherche une notoriété ou à promouvoir un produit. Mais qu’est-ce qui pousse une personnalité politique à inonder les réseaux de photos ? Si l’on observe ce qui se passe ailleurs dans le monde, les seules personnalités politiques qui publient leurs photos en masse sur les réseaux, sont celles qui candidatent pour des élections, locales, régionales ou nationales.
N'ayant pas de notoriété à acquérir, n’ayant pas de produit à promouvoir, Brahim Chaibi cherche à embellir son image. Auprès de qui ? Certainement pas auprès du président de la République qui ne consulte ni Facebook, ni Instagram et a certainement mieux à faire que d’admirer les photos d’un ministre. Avec ses photos, Brahim Chaïbi cherche à séduire les citoyens et aurait vraisemblablement, des ambitions nationales pour plus tard. Des ambitions dont il rêverait tous les jours en se rasant.
Il ne s’agit que d’hypothèses, elles peuvent être justes ou fausses, mais elles sont justifiées. On ne publie pas des centaines de photos sur la page officielle d’un organisme de l’État gratuitement, sans une idée derrière la tête.
Avec toutes ces casseroles, tous ces morts et toutes ces interrogations, Brahim Chaïbi ne peut pas s’en tirer avec un simple limogeage. Ce serait une insulte envers tous ces défunts et leurs familles, envers les journalistes qui ont tiré les premiers la sonnette d’alarme et envers tous les Tunisiens.
Kaïs Saïed qui crie tout le temps sur tous les toits être quelqu’un de juste, commettrait une grosse injustice en laissant son ministre partir librement sans reddition de compte aucune.


Dire qu'on abandonne des pèlerins Tunisiens parce qu'ils sont irréguliers est un manque flagrant de patriotisme et un acte de haine envers ces Tunisiens. Aussi, le ministère public devrait se saisir de l'affaire pour non assistance à des personnes en péril (loi n° 66-48 du 03 juin 1966, relative à l'abstention délictueuse)..
Aussi, le haut comité du contrôle administratif et financier devrait enquêter sur le sort des deniers publics.
Amusant..
Mais est-ce qu'il est responsable des presque 52 degrés de température
Si les autorités locales font la chasse aux pèlerins "clandestins", que pouvait-il faire? Les chercher et couvrir leur présence illégale ?
Devant un tel danger climatique, surtout pour les malades et personnes âgées, c'est criminel de les envoyer en pleine canicule dans la nature. La préservation des vies passe avant les devoirs religieux.
PS : Je ne connais pas ce ministre et j'estime que ce ministère est complètement inutile.
Comment un ministre quel QI il soit peut littéralement « nuire à l Islam » (à moins de prendre tout le monde pour moins intelligent que vous)?
Des limogeages pas très clean:
Un limogeage n'est certainement pas comparable à un assassinat, mais il y a tout de même un point qui relit les deux actes: l'après. Un tueur professionnel pense à l'après crime, il prévoit les conséquences de son acte, il calcule, il simule, il tient que le meurtre soit propre.
Le régime s'arrête au limogeage, il n'a jamais pensé aux conséquences d'un limogeage, malgré une expérience de 80 congédiements déjà (tbarkallah, allahomma la 7assad). Combien de MI ont été limogés d'une façon humiliante et après de loyaux services et qu'on a laissés ensuite s'installer à l'étranger? Ces MI détiennent des informations top secrètes sur la Tunisie que les services secrets du monde entier se bousculeraient pour acheter. Dans le temps on offerait des postes d'ambassadeurs aux MI limogés pour s'assurer de leur loyauté et éviter qu'ils aillent chercher ailleurs.
Tout ça pour dire qu'il n'y aura pas un après limogeage pour Chaibi. Il ira faire sa vie tranquillement dans l'un des pays du Golfe.