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Baisse du taux directeur, c’est l’épargne qui trinque
Par Houcine Ben Achour
02/10/2020 | 08:24
4 min
Baisse du taux directeur, c’est l’épargne qui trinque

  

Il convient, au moins dans un premier temps, de saluer l’attitude de la Banque centrale de Tunisie (BCT) d’avoir invité les médias le lendemain même de sa décision d’abaisser de 50 points de base son taux directeur de 6,75% à 6,25%. L’autorité monétaire s’est soumise de bonne grâce à un devoir d’explication sur une décision qui, somme toute, concerne tout le monde, du moins ceux qui ont des rapports avec des institutions financières (banques, sociétés de leasing, institutions de micro-finances, sociétés de gestion de fonds de placement, compagnies d’assurance, etc.). C’est dire l’importance d’en tenir informé l’opinion publique en général et les opérateurs économiques en particulier sur ses tenants et aboutissants. A cet égard, le gouvernement gagnerait sûrement à emboîter le pas à la BCT en organisant une rencontre similaire pour présenter, au moins dans leurs grandes lignes, les projets de loi de finances complémentaire 2020 et de loi de finances pour l’exercice 2021. Ces projets ne sont-ils pas d’une tout aussi haute importance pour le quotidien du citoyen et l’activité du pays ? N’exigeraient-il pas eux aussi un devoir d’explication de la part du gouvernement d’autant que l’un dévoile où nous en sommes et l’autre ce que le gouvernement compte entreprendre pour améliorer notre quotidien ?

Baisser une fois de plus son taux directeur, la BCT y aurait été amenée tôt ou tard. Elle a choisi de réajuster son taux directeur compte tenu des multiples risques que l’économie du pays plonge dans une récession durable, au-delà de 2020. Hormis, la prudence qui la caractérise l’aurait amené à maintenir inchangé son taux directeur. Certes, l’inflation semble marquer le pas. Cependant, cette amélioration demeure encore fragile, semble indiquer l’autorité monétaire. Certes, quelques signes de reprise d’activité semblent se manifester çà et là. Mais cela demeure également encore incertain. La BCT l’avoue d’ailleurs à demi-mots lorsqu’elle estime d’une part que « les récentes prévisions indiquent un redressement graduel de la croissance économique, durant la deuxième moitié de l’année 2020, quoiqu’à un rythme encore faible sous l’effet de la poursuite de la crise sanitaire. Ce redressement ne permettrait de compenser que partiellement la baisse historique de l’activité enregistrée au premier semestre 2020, de -11,9% par rapport au premier semestre 2019 » et,  d’autre part, que « l’investissement demeure entouré de fortes incertitudes, nécessitant une multiplication des efforts de la part de toutes les parties prenantes pour assurer la stabilité sociopolitique et la mise en place des réformes structurelles nécessaires à l’amélioration du climat des affaires, condition sine qua non pour une vraie relance de l’investissement ».  Autrement dit, l’institut d’émission ne veut pas aller plus loin tant que le gouvernement n’aura pas dévoilé ses objectifs.

En tout cas, la prudence de la BCT est telle, qu’avant même de décider la baisse du taux directeur, elle a relevé le taux des réserves obligatoires afin d’éviter toute fuite en avant des banques dans leur politique de crédit. Certes, l’institut d’émission n’hésite pas à rappeler que sa politique de refinancement demeure expansive. Cependant, il ne faut pas qu’il feigne d’ignorer que sa démarche sert aussi sinon surtout à satisfaire les besoins de financement du budget de l’Etat. Car, en fait, la BCT ne vise pas seulement à garantir la stabilité des prix, mais cherche aussi à revenir à certains fondamentaux qui font une saine politique de financement de l’économie, à savoir entre autres que c’est l’épargne qui finance l’investissement. Or, le taux d’épargne du pays a atteint un plancher historique. En 2017, dernière donnée disponible de l’INS, le taux d’épargne affichait 8,9% alors qu’il atteignait les 20,8% en 2010 ; taux jugé trop faible à l’époque. Certains l’estiment aujourd’hui à environ 3% du PIB.

Or, la relance de l’épargne passe nécessairement par une offre de taux d’épargne qui serait supérieure à l’inflation. Ce qui est loin d’être le cas depuis 2010. L’inflexion du taux d’intérêt réel dans un périmètre positif n’est constatée qu’à partir de 2019. Pour le moment, son effet ne s’est pas fait ressentir sur l’épargne. En revanche, cela a provoqué un ralentissement des besoins de refinancement des banques auprès de la BCT. De 15 Mds de dinars en 2018, ce besoin est retombé à 11 Mds de dinars à la fin de 2019 et poursuivait une trajectoire baissière jusqu’à l’apparition de la pandémie.

Avec un taux d’inflation de 5,4% prévu par ses services, la BCT s’est permis une baisse de son taux directeur à 6,25%, maintenant de la sorte le taux d’intérêt réel dans un espace positif. Le gouvernement en fera-t-il de même pour relancer l’épargne rabaissant la fiscalité de l’épargne de 35% à 25% comme c’était le cas avant la survenance du Covid-19 ? Seul le projet de loi de finances 2021 permet de la savoir. Qu’attend le gouvernement pour en dévoiler le contenu ?

 

 

 

 

 

Par Houcine Ben Achour
02/10/2020 | 08:24
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Commentaires
Crow85
Au contraire!!
a posté le 06-10-2020 à 16:16
La situation des entreprises et des ménages est plus que précaire....qu'est-ce qu'ils vont épargner rien de rien.
Baisser les taux vise à dynamiser l'investissement et à diminuer la charge d'intérêt de tout ceux qui remboursent un crédit
tati
20% c'est tout !
a posté le 02-10-2020 à 18:46
la fiscalité de l'épargne c'est 20%,appliquer en une retenue à la source.
ni 35 % ni 25% ?
Chakib
@rocco
a posté le 02-10-2020 à 17:11
Juste pour info, dans le lexique de la finance 0.5% c'est 50 points c'est comme ca...
Donc c'est pas une erreur arithmétique ou autre
rocco
point ?
a posté le 02-10-2020 à 13:35
Baisser de 50 points et passer de 6,75 à 6,25 ?
C'est une arithmétique terrestre ou stratosphérique où 0,5 % = 50 point, c'est comment ?
Les concepts, les verbes, les mots etc., on s'en fout d'accord ! mais les chiffres, les simples nombres monsieur ? Pitié !!
Tunisino
Mesure faible
a posté le 02-10-2020 à 09:38
En temps de crise, réduire le taux directeur pour encourager l'investissement et augmenter la consommation, ou augmenter le taux directeur pour encourager l'épargne et réduire la consommation, ne sont que des ruses techniques. Il faut aller vers l'audace, la vision, et la discipline pour gagner du temps et surmonter lentement mais surement la crise. Il est le temps ou jamais d'instaurer la culture de planification stratégique, réelle, à travers un comité d'experts contractuels qui planifie pour le présent et le futur des tunisiens, et qui supervise la conduite de ses plans. Les membres de ce comité sont à retenir selon leurs aptitudes mentale, technique, humaine, et sociale. On ne peut pas empêcher les faibles d'arnaquer la foule ou de gouverner, mais on peut les pousser, d'une manière ou d'une autre, à profiter des vraies compétences pour le bien de tous les tunisiens, du présent et du futur.
Narjess Larnaout
Toute l Europe ou presque est a moins 0% et tout au plus a 1%
a posté le 02-10-2020 à 09:04
Une decision juste et correcte....et ce n est pas suffisant.Cela signifie que si la BC diminue son taux, elle veut favoriser les crédits et donc relancer les investissements . Si elle l'augmente, c'est qu'il y a un risque d'inflation (trop d'argent circule, les prix augmentent trop rapidement) et qu'elle souhaite contrôler la situation...les banques vont répercuter cette hausse sur le coût des crédits qu'elles accordent. Les agents économiques (ménages, entreprises, '?tats) vont être plus réticents à emprunter et vont alors réduire leur consommation ou leurs investissements.En théorie, lorsque la masse monétaire augmente, le taux d'intérêt diminue, ce qui permet d'augmenter l'investissement et donc de relancer la croissance (en augmentant la demande agrégée). ... A l'inverse, lorsque les taux sont hauts, ils achètent des bons du trésor, réduisant ainsi la demande de monnaie.Donc le role principal de la BC est en premier lieu d'assurer la stabilité du système bancaire et financier ....