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Chroniques
390.000 pauvres de plus en 2020
Par Houcine Ben Achour
20/06/2020 | 10:00
5 min
390.000 pauvres de plus en 2020

 Par Houcine Ben Achour


Il faut bien l’admettre, jamais auparavant un gouvernement ne s’est trouvé face à une pression aussi grande. Ni Mohamed Mzali en 1984, ni celui de Hédi Nouira en 1971 et encore moins celui de Behi Ladgham en 1963, lorsque le pays fit appel pour la première fois au Fonds monétaire international (FMI).

Il est vrai que la situation des finances publiques est désastreuse. Ses perspectives le sont aussi. Ce n’est d’ailleurs pas dans un objectif de faire peur que le chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, a émis l’hypothèse, lors de sa récente interview télévisée, que l’Etat pourrait être amené non pas seulement à reporter tout recrutement et autres avancements dans l’administration et la fonction publique, mais, le cas échéant, de réduire les primes et les salaires. Autrement dit, le scénario grec d’il y a dix ans.

Cela fait une dizaine d’années que le pays est en crise. Cette situation aurait pu perdurer, au mieux s’améliorer quelque peu. La crise du Covid-19 a eu le malheur d’aggraver brutalement la crise, mais également d’avoir révélé l’inexorable dégradation des capacités de résilience de l’économie tunisienne parce que les gouvernements successifs n’ont pas osé braver l’impopularité. N’est pas Churchill qui veut.

 

Certes, c’est la première fois que le pays subit simultanément un double choc, d’offre et de demande. D’un côté, l’arrêt quasi-total de l’activité productive et, de l’autre côté, un brusque recul de la demande globale. Ce qu’il faut craindre maintenant, c’est la vague du chômage et de la pauvreté qui va déferler, charriant toute sorte de violence.

Une étude conjointe du PNUD (Programme des Nations-Unis pour le Développement) et du ministère du Développement et de la Coopération internationale sur « L’impact économique du Covid-19 en Tunisie » avec un focus particulier de l’impact sur les ménages d’une part et les micro-entreprises et très petites entreprises (moins de 6 salariés), d’autre part.

 

En se fondant sur un scénario de baisse de l’offre, de baisse de la demande et de baisse de l’investissement, l’étude aboutit aux mêmes prévisions établies par le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale. Le recul de croissance serait de l’ordre de 4,4%. En revanche, l’étude semble plus optimiste en termes d’exportation avec un recul de 8% alors que le FMI estime à 14,2% la baisse en volume des exportations. Elle l’est aussi au niveau du recul des importations qu’elle estime à 10% alors que le FMI prévoit un recul de 21,6%. Quant à l’investissement, il devrait connaître une baisse de 5%.

Jusqu’ici, il n’y a rien de plus que ce que l’on présupposait déjà. La nouveauté, ce sont les conséquences d’une telle crise sur l’emploi et les conditions de vie que l’étude quantifie. Ainsi, on devrait assister à une envolée du chômage qui atteindrait 21,6% contre une moyenne d’environ 16% sur toute la décennie 2010. Il faudrait remonter aux dix premières années de l’indépendance pour retrouver un taux de chômage aussi élevé. La relation de cause à effet : l’envolée du chômage va inéluctablement réduire les revenus et faire plonger dans la pauvreté un pan entier de la population du pays.

A ce propos, les estimations auxquelles aboutit l’étude du PNUD concernant la pauvreté sont du même profil que les estimations de la Banque mondiale publiées en mai dernier. Le rapport du PNUD estime en effet que le taux de pauvreté va bondir à 19,2% contre 15,2% établit par l’Enquête nationale  sur le budget, la consommation et le niveau de vie des ménages de 2015. Un taux qui est sensiblement le même que prévoit la Banque mondiale. Dans sa dernière note de suivi de la crise dans la région du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord (MENA Crisis Tracker- May 2020), l’institution de Bretton Woods précise que la population vivant avec 1,5 dollar par jour (en parité de pouvoir d’achat 2011) devrait croître de plus de 20% en 2020. Autrement dit, on comptera plus 380.000 nouveaux pauvres qui viendront s’ajouter aux 1,7 million établis par l’enquête de l’INS de 2015 .

La Banque mondiale va encore plus dans le détail en indiquant que la population qui vit avec 3,2 dollars par jour va augmenter de 15,6%  et que celle qui vit avec 5,5 dollars par jour va afficher une hausse de plus de 10%. Le plus préoccupant, c’est que cet accroissement de la paupérisation ne va pas s’estomper l’année prochaine. La Banque mondiale estime que le taux de pauvreté en Tunisie ne baissera d’autant en 2021, mais seulement de 1,1%. On demeurera avec une population pauvre dépassant les 2 millions de personnes alors qu’on ne recensait que 1,7 million de pauvres en 2015.

Petit bémol, la Tunisie derrière l’Egypte, est la mieux lotie dans la région MENA. Il n’empêche que tous les efforts consentis durant cette décennie 2010, peu importent les visées, c’est après tout la communauté nationale qui en a payé le prix, pour réduire la pauvreté dans le pays ont été balayés d’un revers de Covid-19. « Ce résultat a ramené le pays 10 ans en arrière », remarquera Steve Utterwulghe, représentant résident du PNUD en Tunisie, lors d’une conférence de presse de présentation des résultats de l’étude.

 

A ce stade, l’explosion du nombre de familles nécessiteuses semble inévitable, gonflant d’autant les besoins de financement du Fonds national d’aide aux familles nécessiteuses (Pnafn). Est-ce que le gouvernement y pense, à l’heure où il est en train d’élaborer le projet de loi de finances complémentaire?

Aux centaines de millions de dinars de dépenses supplémentaires en aides et autres soutiens, il faudra rajouter quelques dizaines de plus pour le Pnafn. Et les nécessités de dépenses à n’en plus finir. C’est à se demander si le gouvernement aura les moyens pour réduire les risques d’un effondrement socioéconomique ?

Le prix à payer sera considérable et le gouvernement semble avoir fait le choix de ne pas le faire supporter par les générations futures mais par les actifs actuels et les retraités. Le projet de loi de finances complémentaires contribuera-t-il à gérer l’important déséquilibre budgétaire entre les ressources et les dépenses ?

 

C’est ce défi qui semble avoir provoqué ce moment de faiblesse de Nizar Yaïche, le jeune ministre des Finances, devant la Commission des Finances de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) sur l’état des finances publiques et de ses perspectives. C’est là un tout dossier à ouvrir, la prochaine fois. 

 

Par Houcine Ben Achour
20/06/2020 | 10:00
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Commentaires
Givago
Le compte est faut
a posté le 23-06-2020 à 06:24
390 000 pauvres de plus et des terroristes qui perçoivent un salaire toute en étant au maquis,c'est à désespére de la politique,
A4
Merci
a posté le 20-06-2020 à 22:34
A Ghazi, Kol, G D ID et hourcq.
Hélas, l'état du pays et l'état de ses finances ne me permettent pas de dire que j'apprécie les actions de ces politicards qui sont sans principes, sans politiques et sans programmes. L'action politique ne se juge que par ses résultats et "leurs" résultats sont désastreux !
Il y a lieu de rappeler que ben ali et ses trabelsi étaient eux aussi tunisiens. Comme les terroristes qui ont coupé la tête du berger Mabrouk Soltani, comme les assassins de Lotfi, Chokri, Mohamed et quelques dizaines de militaires.
Désolé, je ne peux pas "respecter" un "tunisien" quand il est incompétent, voleur ou assassin !!!
A__Zut !
Les "ondes positives" des "Printemps zarabes" !
a posté le 20-06-2020 à 21:27
Ne serait-ce pas plus gai de nous décompter les nouveaux riches ?!
hourcq
Merci à A4...
a posté le 20-06-2020 à 21:10
...qui nous gratifie de ses beaux poèmes de circonstance.
Et pour ceux qui ne savent pas distinguer un hexasyllabe (6 pieds) comme le poème de A4 et un alexandrin (12syllabes), voici deux courts poèmes de mon crû:
-un hexasyllabe.
Semez, semez la haine
Je connais vos façons
Vous avez pris la graine
Il n'y a plus de moisson.
Et un alexandrin:
La nuit le rêve passe et triste le réveil
Fini les temps de fête et bonjour le pain sec
Nous sommes dans l'impasse sans rayons de soleil
Vivant comme des bêtes avec les poches à sec.
Rien à voir avec la situation en Tunisie telle qu'elle est décrite dans l'excellente chronique de Houcine Ben Achour!!
G D ID
CALOMNIE
a posté le 20-06-2020 à 18:29
Se prenant pour un poète
utilisant de faux alexandrins
pour calomnier de façon toute bête
sans arguments fussent ils bénins

Inventant des faits sans queue ni tête
pour calomnier des gens sains
haineux se mettant A4 pattes
pour dire du mal de ses concitoyens .

Impoli,Il va jusqu'à se prendre la tête
utilisant tout pour arriver à ses fins .
moi aussi je n'ai rien d'un poète
je ne maîtrise ni syllabe ni quatrin.

ceux qui dans les boîtes font la fête
musulmans juifs athées ou chrétiens
frequentant chacun son lieu saint
ont tous mon respect parce qu'ils sont tunisiens.
Kol
@A4: superbe!
a posté le 20-06-2020 à 18:25
Ce que je trouve navrant c'est la lenteur avec laquelle ce gouvt d'incompétents tarde à ouvrir les frontières et à laisser entrer touristes et devises!
Ils font des spots publicitaires et des coms à la con, alors que l'Espagne, l'Italie, et autres des plus touchés ont déjà commencé à dire 'pls just come over'?'
Il attend quoi justement Fakfak? Qu'une horde de gens vivant sous le seuil de pauvreté débarque a la Kaaba pour le lyncher?
On marche sur la tête?!
Le pays a déjà en faillite bien avancée et monsieur nous bassine avec son conflit d'intérêt de merde. Les députés chleyk à la Karoui et autre makhkouf avec leurs clowneries dégoûtantes. Quand au corbeau du perchoir, il est en train de vendre ce qui reste du gâteau au turcs en leur permettant d'installer une base de renseignement à Djerba.
Gouvt de merdeux et parlement d'incompétents
Inshallah nhar tkhalsouh hatha il kol ou bil wafi
Allah la trabahkom
Ghazi
@ A4| 20-06-2020 12:02 - Merci
a posté le 20-06-2020 à 12:48
Chaque ligne que vous avez écris dans ce poème est à développer, on en sortira avec un bouquin qui englobe ces 10 malheureuses années que vous avez qualifiés de pleurs.
En lisant ce court poème tout est dit et avec la finesse habituelle de A4.
A4
A lotfi, abdellatif, nizar et les autres ...
a posté le 20-06-2020 à 12:02
PLEURS
Ecrit par A4 - Tunis, le 08 Avril 2020

Ils ont pris le pouvoir
Comme on prend un gâteau
Avec un seul espoir:
S'empiffrer au plus tôt

Ils ont pris le pouvoir
Comme de vrais affamés
Qui n'ont rien dans la poire
Qu'une cervelle cramée

Ils ont pris le pouvoir
Rigolé et gloussé
Fiers et contents de voir
Leurs gros ventres pousser

Ils ont pris le pouvoir
Avec sourire benoît
Vidant tous les tiroirs
Volant les dons chinois

Ils ont pris le pouvoir
Comme on prend un butin
Mais le choc du devoir
Les transforme en pantins

Ils ont pris le pouvoir
Les voilà égarés
De déboires en déboires
Ils se mettent à pleurer ...



DHEJ
Des chiffres et des nombres !
a posté le 20-06-2020 à 11:27
Notre ADMINISTRATION n'est pas forte dans l'analytique, pauvre en statistique

Alors tous les chiffres balancés dans l'article sont FAUX!