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Chroniques
Un pouvoir qui a peur de M6
Par Nizar Bahloul
04/03/2024 | 15:59
6 min
Un pouvoir qui a peur de M6

 

Enquête exclusive, l’émission de la chaîne de télévision française M6 présentée par Bernard de la Villardière, a consacré son épisode du dimanche 3 mars 2024 à la situation désastreuse que vit la Tunisie actuellement. Le racisme supposé du président de la République, les poursuites iniques contre les opposants politiques et les journalistes, la migration des compétences, l’inflation, les pénuries, le chômage, etc.

L’émission n’avait rien d’exclusif (pour nous, Tunisiens) et, sur le pur plan journalistique, rien d’extraordinaire. M. De la Villardière n’est pas connu pour ses grandes prouesses dans le milieu. N’empêche, il a le mérite d’avoir produit une émission que ses pairs tunisiens n’ont plus le courage de réaliser, à cause du climat toxique qui plombe le milieu médiatique depuis le putsch du 25 juillet 2021 et, particulièrement, depuis la promulgation du décret 54 liberticide en septembre 2022.

Avant sa diffusion, l’émission a bénéficié d’une large campagne de médiatisation sur les réseaux sociaux tunisiens et ce n’est pas M6 qui est à l’origine de la campagne, ni de mystérieux complotistes dans les chambres obscures qui travaillent à discréditer le régime.

 

À l’origine de la médiatisation de l’émission, Ahmed Hachani, le chef du gouvernement qui, lors d’un point de presse avec son homologue français Gabriel Attal, a évoqué le sujet pour tancer ces journalistes qui veulent du mal au pays. La Tunisie a beau être au fond du gouffre, ses gouvernants brillent par leur compétence de creuser davantage pour nous faire tomber encore plus bas.

On sait déjà qu’Ahmed Hachani ne sait pas parler en arabe. Depuis son point de presse à Paris, on découvre qu’il ne sait pas parler en français non plus. Le sujet a été traité par Ikhlas Latif dans sa chronique hebdomadaire du vendredi. Ceci sur la forme. Sur le fond, on découvre ébahis qu’il ne sait pas parler du tout. Il se serait exprimé en dialectal tunisien, il aurait quand même mis les pieds dans le plat.

« Il est vrai que certaines parties malfaisantes ont peut-être joué un rôle latent à colporter des contrevérités. On m’a parlé d’une émission qui va passer dans deux jours qui ne vient pas par hasard, c’est du moins mon avis, pour essayer d’enrayer la machine qui s’est bien remise en marche entre la France et la Tunisie », a déclaré M. Hachani à propos d’Enquête exclusive.

C’est à partir de cette malheureuse phrase que les Tunisiens ont appris que M6 allait diffuser une émission à propos du pays et c’est à partir de là que plusieurs ont renouvelé leur abonnement pirate et/ou réorienté leur parabole pour pouvoir capter de nouveau les chaînes françaises.

 

Quelle mouche a piqué Ahmed Hachani pour qu’il tombe si bas ? Un chef du gouvernement qui évoque une émission télé est un chef du gouvernement mal dans sa peau, en manque de confiance, ignare du fonctionnement des médias indépendants et qui vit encore dans le mitan du XXe. Plus encore, il est adepte, comme son président, de la théorie du complot.

À vrai dire, cela n’étonne guère. Le régime de Kaïs Saïed, représenté à Paris par Ahmed Hachani, a peur des médias. En pondant le décret 54, il a réussi à mettre au pas l’ensemble des médias publics et la majorité des médias privés. On ne compte plus les poursuites judiciaires intentées par le régime contre les journalistes tunisiens

Journalistiquement parlant, Enquête exclusive du dimanche 3 mars aurait pu être produite par un certain nombre de journalistes tunisiens. Ceci n’a pas été fait par manque de courage politique et par peur d’un appareil judiciaire lui aussi au pas.

En intimidant et en faisant taire les médias tunisiens, le régime de Kaïs Saïed a pensé, naïvement, étouffer la réalité. Par manque d’expérience politique et de connaissances basiques en matière de communication et de journalisme, il a cru que les journalistes étrangers allaient se taire aussi sur ce qui se passe dans le pays. Il a pensé qu’il lui suffisait de dire que le ciel est beau et que les oiseaux gazouillent pour que ce soit repris aveuglément par ces journalistes. Balivernes ! Le discours propagandiste ne marche qu’avec les médias publics tunisiens, même pas avec les médias privés et encore moins avec les médias étrangers.

 

Au fond d’eux, Kaïs Saïed et Ahmed Hachani savent que la majorité des journalistes sont des indociles et qu’ils sont là pour les attendre au tournant et les piéger. C’est pour cela qu’ils les (nous) fuient comme la peste et ne veulent plus avoir affaire qu’aux thuriféraires. À ce jour, M. Hachani n’a accordé aucune interview à un média (ni tunisien, ni international) et n’a organisé de point de presse qu’à l’étranger. Presque autant que M. Saïed. Les deux n’ont pas de directeur de communication, comme l’exige le b.a.-ba de leurs professions.

Quand, par hasard, un ministre rencontre des journalistes, il fait de telle sorte qu’ils soient des propagandistes ou, au moins, qu’ils ne soient pas hostiles et contradicteurs. Nabil Ammar, ministre des Affaires étrangères, a organisé deux conférences de presse et s’est débrouillé pour en éliminer les insoumis. Le même a donné une interview à un média étranger pour lui servir un discours tellement propagandiste que l’intervieweuse a décidé de jeter tout le travail à la poubelle. La réaction du ministre a été torride, il a utilisé les moyens de communication du département pour la réprimander vertement et publiquement.

 

En étalant publiquement sa peur des médias, jusque lors d’un point de presse à Matignon, le régime montre qu’il n’est pas convaincu de sa politique et de ses orientations idéologiques, mais aussi qu’il n’est pas maître des informations et des chiffres. Il le serait, il n’aurait pas peur des contradictions et de la vérité.

Kaïs Saïed a beau dire qu’il a des projets pour l’humanité tout entière, il est incapable de supporter la contradiction, il est incapable de présenter des projets crédibles et convaincants, il est incapable de distinguer les millions des milliards, il s’entremêle les pinceaux, il est convaincu qu’il sera étrillé devant le peuple par n’importe quel journaliste un chouia expérimenté lors d’un direct. Idem pour Ahmed Hachani qui a avoué plus d’une fois ne pas lire ce qui s’écrit ni écouter ce qui se dit.

Sur le plan local, le régime a adopté une politique répressive, avec un certain succès puisqu’il a réussi à bâillonner un large pan des médias nationaux. Cette politique a cependant ses limites puisqu’elle ne saurait être appliquée à des médias étrangers, d’où la peur d’une émission des plus ordinaires sur M6.

 

 

Postscriptum qui n’a rien à voir : après El Teatro et le Madart, les deux dernières semaines, le talentueux Hatem Karoui sera sur les planches du Rio ces 8 et 9 mars 2024 pour son spectacle Boomerang. Un stand-up à voir absolument pour les amoureux du genre et dans lequel M. Karoui ironise sur la société tunisienne, ses hommes, ses femmes, ses imams, ses journalistes, ses écrivains, mais aussi son président de la République. Rire intelligent garanti.

Par Nizar Bahloul
04/03/2024 | 15:59
6 min
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Commentaires
Abidi
Merde
a posté le 05-03-2024 à 14:22
Je le dis sans gêne,ce qu'a présenté M6 était une m** rien de plus et tout le monde c'est rendu compte de cela sauf vous,si ce que nous vivons est une dictature alors l'ère de Ben Ali était et pourquoi personne n'a osé ouvrir son bec a cette époque, j'espère bien que nous allons vers un régime totalitaire comme celui de s** et H**
Nephentes
C'est un complot
a posté le 05-03-2024 à 10:38
Nous sommes tellement tombés dans la déchéance que nous sommes incapables de nous regarder en face; Si en effet le pseudo reportage de M6 est une m**rde, il faut se demander pourquoi alors de bruit. Que cache cette série d'indignations vertueuses si ce n'est une volonté de paraitre ce que l'on n'est pas c'est à dire un état de Droit ?


Le petit e*** de M6 a au moins le mérite de nous rappeler que nous vivons dans une basse cour sordide peuplée d'aliénés schizophrènes qui sont en train de faire de la Tunisie un cas d'école en matière de mauvaise gouvernance et de déchéance collective d'une nation à haut potentiel.
Bouba
Rabâcher
a posté le 04-03-2024 à 20:24
Mr Bahloul ,vous êtes contents qu'on dise de votre pays qu'il est antisémite,etraciste ,je peux comprendre votre aversion envers KS ,mais force de constater que lui aumoins n'est pas hypocrite comme la plupart des politiques pour révolution,lui aussi moins n'a pas versé des larmes de crocodiles pour une dame qui n'a pas mangé de viandes depuis 1 année ,lui est entrain de faire bouger des choses qu,'aucun n'a osé faire avant lui comme éteindre Enbahdha qui pour rappel s'est alliée a feuBCE et ses acolytes pour piller ce pays et son peuple ,
Saleh
Pas d'amalgame
a posté le à 12:37
Je n'aime pas qu'on dise du mal de mon pays, mais dire du mal du tortionnaire du peuple tunisien et du destructeur de mon pays, j'adhère à 100%. Ks n'est pas la Tunisie.
Optim
Hypocrite
a posté le à 04:29
Donc être raciste et antisémite signifie qu'on n'est pas hypocrite ?

Ouvrez les yeux bon sang.
Chelbi
Mauvaise Adresse
a posté le à 22:56
Personne n'est content qu'on dise des mauvaises choses sur notre pays. Sauf que, et comme d'habitude avec les débilités des pro-dictature, on laisse l'auteur de l'acte et on s'attaque à celui qui y en parle. Si l'image du pays vous tient à coeur, vous auriez du dire quelques mots à celui qui a collé une théorie complotiste suprémaciste aux subsahariens. Si l'image du pays vous tient à c'?ur, vous auriez du dire quelques mots contre les pratiques dictatoriales de ce régime. Si l'image du pays vous tient à coeur, vous auriez dû lancer quelques mots contre l'incompétence et l'amateurisme flagrants de ce régime qui ont donné 0 croissance et 16% taux de chômage sans oublier les pénuries successives de denrées.
Qu'il vous plaise ou pas, la Tunisie était nettement meilleure quand Bajbouj (Allah Yar7mou) et Nahda étaient la. Au moins, ce genre de reportages ne verrait pas le jour.
Le pays va mal très très mal aussi. Vas-y, faites nous monter votre patriotisme. Mais sincèrement, C'est pas le pays ou son image qui vous tient à coeur, mais le fait d'exterminer tout avis différent pour satisfaire les démons qui vous possèdent.
Gg
Manque d'expérience
a posté le 04-03-2024 à 19:33
Peur? Peut être pas, car peur de quoi? Que les étrangers sachent ce qu'il se passe? De toutes façons, ils savent, ne serait ce que par les tunisiens qui voyagent.
Mais inexpérience, certainement. M. Hachani aurait dû ignorer royalement ce reportage, personne n'en aurait parlé. Diffusé en 3eme partie de soirée, seuls les noctambules l'auraient regardé.
Au lieu de quoi la réprobation publique du ministre lui a assuré une pub inespérée ! L'audience a sûrement doublé par rapport aux habitudes de l'émission.
C'est donc un petit raté de la part du ministre, sans conséquence aucune sur l'image de la Tunisie à l'étranger si ce n'est que maintenant, tout le monde sait qu'en tunisie les journalistes ne sont pas libres!
MFH
Crédibilité des enquêteurs en jeu.
a posté le 04-03-2024 à 17:58
Ce n'est pas facile de construire sur les restes de 10 ans de gestion sauvage Nahdhaouie.
Pour dénigrer, ils sont champions ces journalistes à 2 sous.
A4
C'est la faute à l'ami Gabriel qui n'a pas été un ange ...
a posté le 04-03-2024 à 17:00
LE BADAUD ET LE TROUILLARD
Ecrit par A4 - Tunis, le 11 Juin 2023

Maître Trouillard dans son palais retranché
Grelottant de peur dans son triste isoloir
Sent que ses vieilles guiboles vont bientôt flancher
Et que sa tête ne produit que des cauchemars
Prit la décision, toutes alarmes déclenchées,
De déclarer la guerre à tous les bobards

Maître Badaud qui flânait là par hasard
Caressa soigneusement ses grosses moustaches
S'est dit tout content: "Ciel, ça sent le caviar !"
Et se mit à aiguiser couteaux et haches,
"A moi de jouer avec finesse et art
Pour envoûter à fond ce naïf potache !"

Et c'est ainsi que notre Maître Badaud
Echafauda plein de plans machiavéliques
Pour mettre désastres et malheurs sur le dos
De ceux qui ne font pas partie de sa clique
Et se dépêcha avec son commando
Pour tout rapporter aux bidasses et aux flics

Le surlendemain, en maître des offices
Notre Trouillard, de derrière ses barricades
Ordonna la soumission à ses caprices
Et lança Maître Badaud et ses brigades
Aux trousses du père, de la voisine et du fils
Dans tous les villages, patelins et bourgades

"Ce sont eux !", lui déclara le charlatan
En lui montrant les comploteurs arrêtés,
"Ils ont salé toutes les eaux des océans,
Ont supprimé la pluie hiver comme été
Et se préparent avec un pinceau géant
A peindre le ciel en gris désargenté !"

Envoûté par tant de bravoure et courage
Maître Trouillard reconnaissant et content
Se mit derrière le Badaud, dans son sillage
En lui promettant un éternel printemps
Caviar à gogo, cadeaux et avantages
Et s'il le désire, sa couronne de sultan !
Lamjed
M. Hachani parle bien français
a posté le 04-03-2024 à 16:37
Bien que je n'éprouve pas de sympathie pour ce pouvoir, j'ai été surpris de découvrir que M. Hachani parle très bien français. Certes, il n'est pas fluide dans ses discours, il ne trouve pas facilement les mots, mais honnêtement, il est correct, voire meilleur que nos hommes politiques et plus particulèrement le président de la république qui devrait se contenter d'un discours en arabe dans ses déplacements dans les pays francophones.
Optim
Oxymore
a posté le à 04:25
Il parle bien mais il n'est pas fluide et ne trouve pas ses mots. Bel oxymore.
Alya
Repose lemjed
a posté le à 21:54
Le français est la langue maternelle de hachani . Sa mère est simplement française. Il est est peut être peu éloquent,
A4
Langue maternelle
a posté le à 18:12
C'est sa langue maternelle vu que sa mère est Française !