Après l’arrestation de son PDG et du chef de son syndicat en juillet, le ministère du Transport vient d’annoncer le limogeage de quatre hauts responsables de la compagnie aérienne nationale Tunisair. L’ambiance dans la compagnie aérienne nationale est des plus moroses et on crie à l’injustice. L’État lui aurait donné les moyens qu’il faut, Tunisair ne serait jamais dans cette situation.
Tunisair va mal et cela se voit à l’œil nu. Les clients rouspètent sur les retards fréquents, allant de quelques minutes à plusieurs heures. Les actionnaires minoritaires (à hauteur de 20%) s’arrachent les cheveux sur ses déficits récurrents depuis des années. L’État tunisien actionnaire majoritaire doit trouver une solution radicale et il ne la trouve pas. Le personnel est divisé en deux, ceux qui lorgnent ailleurs où la concurrence (notamment les compagnies du Golfe) paient des salaires trois et quatre fois supérieurs et ceux attachés à leur Tunisair qu’ils voient péricliter de jour en jour. Un tel tableau laisse imaginer la situation. Ne laissons pas de place à l’imagination et regardons ce qu’il en est concrètement.
Alors que les conseils d’administration et les assemblées des sociétés bien gérées préparent leurs bilans et penchent sur les rapports de leurs commissaires aux comptes dans les six premiers mois de l’année suivante (au pire au second semestre), pour Tunisair il a fallu attendre le conseil d’administration du 10 octobre 2023 pour pencher sur son bilan consolidé arrêté au 31 décembre 2019. C’est-à-dire plus de trois ans de retard.
Généralement, les réserves des commissaires aux comptes, là où ils mentionnent ce qui ne va pas dans une société, ne dépassent pas quelques lignes pour les sociétés bien gérées. Au pire, quelques pages pour les grosses boites. Pour Tunisair, les deux commissaires aux comptes ont noirci près de douze pages dans le bilan du groupe.
À la lecture des réserves de MM. Abderrazek Souei et Yahia Rouetbi, on a froid au dos et on s’interroge comment cette compagnie exerce encore ! Le groupe Tunisair enregistre en 2019 un déficit de 209,038 millions de dinars pour un chiffre d’affaires de 1,935 milliard de dinars. Les chiffres des années 2020, 2021, 2022 et 2023 ne sont pas encore communiqués, ce qui est totalement contraire à la loi régissant les sociétés et les sociétés cotées en bourse.
Dans leurs réserves, les deux commissaires aux comptes révèlent l'existence d'une incertitude significative susceptible de jeter un doute important sur la capacité de Tunisair SA à poursuivre son exploitation. En d’autres termes, si l’on doit suivre l’opinion de MM. Souei et Rouetbi, Tunisair doit mettre la clé sous la porte. Ils justifient cette opinion par le fait « qu’à la date du 31 décembre 2019, les capitaux propres du groupe Tunisair sont négatifs, soit -864 millions de dinars, à cause des pertes cumulées qui ont atteint -970 millions de dinars, en raison des difficultés économiques, techniques et sociales qui ont perduré sur plusieurs années successives ».
Pour Tunisie Catering, c’est pire. Cette filiale est en redressement judiciaire. « Le tribunal de première instance de Tunis a ordonné en date du 6 avril 2015 l’ouverture de procédures de règlement judiciaire et la désignation d’un administrateur judiciaire et d’un expert en diagnostic. Sur la base des travaux de l’administrateur judiciaire et du rapport de l’expert en diagnostic le principe de poursuite des activités de la société a été consacré et un plan de redressement a été adopté. Ceci s’est traduit à la fin des travaux de l’administrateur judiciaire par le jugement en référé du 15 janvier 2016 et la nomination d’un directeur général par le conseil d’administration du 21 janvier 2016. Toutefois, il convient de signaler que les comptes de passifs n’ont pas été ajustés au 31 décembre 2019 selon le jugement ci-dessus indiqué. Le tribunal de première instance de Tunis a émis un jugement commercial en date du 10 juillet 2019 en vertu duquel la société est tenue de procéder à l’augmentation de son capital de dix millions de dinars selon les modalités et les proportions prévues par le jugement précité. La société n’a pas entamé les actions préconisées par le plan de poursuite de l’activité prévoyant cette modification des statuts et ce en application de l’article 457 de la loi 2016-36 du 29 avril 2016 relative aux procédures collectives », signalent les commissaires aux comptes.
Loin des chiffres officiels et froids des experts-comptables et leurs opinions glaçantes, Tunisair peine à concurrencer les autres compagnies aussi bien mondiales que celles exerçant en Tunisie. Elle est à des années-lumière des Turkish Airlines, Emirates et Qatar Airways et de plus en plus distancée par Air France, la RAM et Air Algérie.
La solution à tous ces marasmes est très simple et a été appliquée avec succès un peu partout dans le monde : la privatisation. Tant que l’État est actionnaire majoritaire de Tunisair, tant que la compagnie aérienne ne peut pas voler de ses propres ailes. Le capital de Tunisair est détenu à hauteur de 64,86% par l’État tunisien directement et 9,56% indirectement (via la CNSS, la CNRPS et la Cnam), soit 74,42%. Air France détient 5,58% et le reste, 20%, est détenu par des boursicoteurs ayant moins de 5%.
Quand bien même il y va de l’intérêt de Tunisair, de ses passagers et de la Tunisie, l’État tunisien refuse de procéder à une privatisation et ce pour des raisons idéologiques. Le président de la République l’a mentionné plus d’une fois. Non seulement il refuse la privatisation, mais il joue le protectionnisme en refusant l’ouverture du ciel tunisien, comme un peu partout dans le monde. Un protectionnisme qui n’encourage nullement la compagnie à travailler d’arrache-pied pour être concurrentielle. Ce protectionnisme aurait pu être salvateur si la compagnie était bien gérée. Sauf que ce n’est pas le cas et cela est dû à plusieurs boulets que traine la compagnie.
Premier boulet, le sureffectif. Dans une déclaration donnée à Business News en 2020, feu Elyes Mnakbi ancien PDG de Tunisair a indiqué que Tunisair doit licencier plus de la moitié de son personnel si elle veut rétablir son équilibre financier. Sur les 7800 salariés de la compagnie, 4800 devraient être remerciés, selon lui.
Selon les standards internationaux, une compagnie aérienne doit avoir 80 employés par avion. Tunisair compte 280 employés par avion en 2020.
Une privatisation aurait résolu le problème et c’est pour cela qu’Etat et syndicats refusent cette solution radicale.
Deuxième boulet de Tunisair, son syndicat. « Certains membres de syndicats agissent comme des voyous, nous témoigne une hôtesse de l’air de la compagnie. Ils refusent de travailler, ils viennent en retard, ils rouspètent, ils protestent… Tunisair a eu les meilleurs PDG et directeurs de la Tunisie, mais que peuvent-ils faire face à des gens qui refusent de travailler ? ».
Troisième boulet de Tunisair, son statut d’entreprise publique qui l’empêche de travailler comme ses concurrents internationaux privés. Ses dirigeants doivent composer avec une législation rétrograde et une bureaucratie anachronique.
Cet État-actionnaire l’empêche de bien travailler mais l’empêche aussi de licencier les salariés inutiles, paresseux et improductifs. Enfin, il refuse de lui injecter les fonds nécessaires pour éponger ses dettes et grandir afin d’être véritablement efficiente et concurrentielle.
Cet État-actionnaire, s’additionnant aux difficultés financières et de trésorerie empêche le fonctionnement normal d’une compagnie aérienne qui, de ce fait, ne peut pas être réactive pour envoyer un avion de remplacement à Montréal quand un autre est en panne, comme c’était le cas cette semaine.
Quatrième boulet, son environnement direct. On reproche souvent à Tunisair sa ponctualité (de 48% au T3 2024 contre 36% au T3 2023), mais on oublie que les retards ne sont pas toujours à cause d’elle et de son personnel. Il suffit qu’un douanier ne soit pas derrière son scanner à bagages ou qu’un bagagiste traine le pied pour que toute la chaîne accuse du retard.
En dépit de tous ces boulets, qui ne résument qu’une toute petite partie des problèmes de Tunisair, certains personnels mettent les bouchées doubles pour satisfaire les passagers et honorer leur compagnie. Commandants de bord et pilotes font partie des meilleurs au monde et sont souvent sollicités par les compagnies étrangères. Le personnel navigant est très souvent chaleureux et bien accueillant, contrairement à ce que l’on peut voir dans d’autres compagnies, y compris les plus grandes. Ses directeurs généraux et ses directeurs centraux ont toujours bénéficié d’une excellente presse. Cela va de Nabil Chettaoui à l’actuel Khaled Chelly (en prison préventive pour une affaire rocambolesque dans laquelle il ne serait nullement impliqué) en passant par Sarra Rejeb, Ali Miaoui et feu colonel Elyes Mnakbi. Le personnel intermédiaire n’est pas moins professionnel et semble efficient majoritairement. Il y a cependant quelques personnels qui paraissent comme un cheveu dans la soupe et attirent, par leur manque de professionnalisme, toute l’attention du public et de la presse.
Parmi ces personnels, un chauffeur nonchalant de Tunisair Catering est rentré cette semaine dans l’aile d’un avion. Scandale immédiat, inévitablement.
Comme de coutume, sous ce régime de Kaïs Saïed, il faut des boucs émissaires sur lesquels l’État essuie les erreurs.
Dans un communiqué mercredi 6 novembre, le ministère du Transport a annoncé le limogeage de cinq grands directeurs, à savoir le remplaçant de M. Chelly, chargé de la gestion de Tunisair (nommé tout récemment) ; le DG de Tunisair Technics ; le DG de Tunisie Catering ; le secrétaire général de Tunisair ; et le chargé de la direction centrale du produit.
Quelle est leur faute ? On l’ignore. Sont-ils vraiment responsables des incidents récents ? Non ! Avaient-ils une véritable solution entre les mains ? Non ! Y aurait-il eu ces incidents si l’État-actionnaire avait donné à ces directeurs limogés les moyens nécessaires pour accomplir leur travail ? Non ! Ces limogeages vont-ils résoudre les problèmes structurels et conjoncturels de Tunisair ? Certainement pas !
En limogeant cinq directeurs, qui bénéficient tous d’une bonne réputation parmi leurs pairs, le ministère du Transport offre des bouc-émissaires au public et fait du populisme. Non seulement, il n’a résolu aucun problème, mais il va envenimer la situation au sein de la compagnie. Le ministère doit maintenant nommer de nouveaux responsables capables de diriger les différents départements et ceux-là ne courent pas les rues. On ne compte plus les hauts techniciens de l’aviation aérienne partis sous d’autres cieux plus cléments, plus reconnaissants et plus rémunérateurs. En dépit du sureffectif de Tunisair, plusieurs postes techniques sont aujourd’hui vacants, car on n’a pas trouvé les personnes idoines pour les occuper. Et il n’est pas dit que les personnes que l’on va sélectionner pour les postes vont accepter la mission. Quand on voit que son PDG est en prison et que ses prédécesseurs ont été sèchement limogés pour une erreur qu’ils n’ont pas commise, on n’est pas pressé d’accepter une promotion, synonyme d’un cadeau empoisonné.
Quand le ministère va trouver les remplaçants aux directeurs limogés, il y aura inévitablement un long temps de latence avant que les nouveaux désignés comprennent leur mission et commencent à être productifs. Autant de temps perdu pour Tunisair et ses filiales.
Non seulement l’État n’admet pas ses propres erreurs et refuse d’assumer ses responsabilités d’actionnaire majoritaire, mais il envenime la situation avec des décisions arbitraires, impulsives et injustes.
Le résultat est qu’il y a actuellement une chape de plomb sur Tunisair. Le personnel, y compris le plus méritant, se trouve démobilisé, ce qui aura forcément une incidence négative sur les prestations et les comptes. Une véritable spirale négative qui n’arrange aucune partie.
Raouf Ben Hédi
Ayez le courage de finir correctement cette dernière, (comme pour l etat il faut purger purger purger purger , mais il faut etre courageux et pas lache comme notre cher K. . . . .)notre ch K?. . . ,Veiller remplir la suite,
Si par malheur vous ne répondez pas à l'insinuation, vous serez taxé de lâcheté suprême, et couilles molles !
Il manque un rivet sur le Carling disait une touriste à sa collègue, en montrant du doigt l'endroit ou il manque, une autre lui disait qu'elle n'était pas rassurée de voler avec ce vieux coucou, donc ca commence plutôt mal pour ceux qui ont peur en avion. Néanmoins, j'admets que le personnel navigant était aux soins des voyageurs, le service est impeccable, collation et sourires étaient au rendez-vous.
Le plus comique dans cette affaire est le mot sensé rassurer du commandant de bord, après la présentation d'usage, il nous souhaitait textuellement « bonne chance » comme si on partait dans une aventure en terre inconnue, dont l'issus parait incertain, s'ensuit un brouhaha et des répliques du genre, il n'est pas gonflé celui-là, cela prouve qu'on matière de communication le choix des mots, quand on s'adresse au publique est primordiale.
Hamdoullah.
Un avion entier dans l'eau avec ses passagers sous en Ali...
J'espère que la gazelle continuera à voler, malgré les cieux plus que maussades , en Tunisie grâce à qui l'on sait, et ailleurs où la guerre s'étend.
Triste évolution à l'image du pays.
Comment pourrait-il en être autrement? C'est dans la feuille de route de notre guide qui la suit en bon assistant bien appliqué.
Mais bon, en cas défaut affectant la sécurité, les aéroports d'accueil ont le droit d'immobiliser un avion. C'est sûrement ce qui s'est passé à Montréal.
Mais ces services aeroportuaires ne voient pas tout...
'? leur tour, ceux qui seront choisis devront constituer dans les meilleurs délais l'équipe sur laquelle ils devront compter pour réaliser les objectifs fixés.
Comme ça c'est l'équipe entière qui sera tenue pour responsable en cas d'échec ou de faute grave.
Et puis si tout ça ne marche pas, il faudra sérieusement songer à faire entrer des compagnies mieux outillées dans le capital de Tunisair, KLM, Alitalia et bien d'autres compagnies prestigieuses l'on fait, alors faudrait pas se prendre la tête et accepter de céder une partie du capital de la compagnie au lieu de la voir sombrer...
comme pour l etat il faut purger purger purger purger , mais il faut etre courageux et pas lache comme notre cher K
Le Président Saeid ne respecte pas la préemption d'innocence, il ordonne de mettre en prison et de limoger des hauts fonctionnaires sans preuve.
Le premier à limoger serait lui qui en 5 ans a aggravé la situation du pays.
-Syphaxairlines: déclarée en faillite depuis décembre 2023/Arrêt définitif d'activité;
-Nouvel Air: Sous mandataire de justice.