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Chroniques
La force de la loi ou la loi de la force
Par Marouen Achouri
25/06/2025 | 15:59
4 min
La force de la loi ou la loi de la force

 

Il y a près de 1.400 ans, le calife Omar Ibn Khattab a envoyé une lettre au gouverneur de l’Irak et juge de l’époque, Abou Moussa Al-Achaari. Cette lettre est devenue un document de référence concernant la loi, la justice et le rôle des magistrats. Parmi les principes édictés dans ce texte, figure le rapport entre la force et la loi : « Il est inutile de parler de droit, s’il ne s’exerce pas ». Au vu de ce qui se passe au niveau international, ce principe n’a jamais été aussi pertinent.

 

La force supplante la loi : un monde sans règles

De manière unilatérale, arrogante et irresponsable, les forces américaines et sionistes se sont alliées pour agresser volontairement un pays étranger – l’Iran – en bombardant des installations censées abriter son programme nucléaire. Cette fois, le gendarme du monde n’a même pas pris la peine de se draper, ne serait-ce qu’un peu, dans le torchon appelé droit international.

Ces forces font absolument ce qu’elles veulent, en dehors de toute considération légale, et parfois même de toute considération humaine. Lorsqu’on affame un peuple – en l’occurrence quelque deux millions de personnes dans la bande de Gaza – et qu’on profite de leur rassemblement, à l’occasion de la distribution d’aides alimentaires, pour les exécuter, toutes les limites morales et humaines sont dépassées. Le monde assiste, depuis des mois, à un acte d’extermination et d’épuration ethnique largement documenté, tandis que les grandes puissances couvrent le génocidaire et trouvent des excuses à toutes ses exactions. Naïvement, certainement, certains pays comme l’Afrique du Sud pensaient qu’en mobilisant le droit international et ses plus hautes instances, il y aurait moyen de mettre un terme aux actes de l’État sioniste. Mais les détenteurs de la force n’étaient pas de cet avis, et donc la loi ne s’appliquera pas.

 

L’hypocrisie occidentale à l’épreuve du sang et des bombes

Il peut sembler évident de dire qu’on ne peut appliquer la loi sans avoir la force nécessaire pour le faire. L’entité sioniste a, depuis longtemps, violé toutes les lois, tout en étant protégée par les États-Unis d’Amérique, leaders du monde libre, chantres de la démocratie et autres blagues du genre. Mais tout le monde espérait un regain de moralité, un sursaut de dignité devant l'épuration mise en place en Palestine.

À défaut de moralité, certains espéraient un peu de mesure et de responsabilité, avant d’oser s’attaquer à une force militaire et civilisationnelle comme l’Iran. Finalement, il n’y a eu ni l’un ni l’autre. Ni moralité, ni dignité, ni même un soupçon de responsabilité. La force est devenue officiellement le seul langage d’un monde dirigé par des harceleurs de cour d’école.

La loi de la force l’emporte largement sur la force de la loi, malgré les discours hypocrites qui nous parviennent d’Europe, notamment. Des pays autrefois respectables demandent à l’entité sioniste d’arrêter de tuer des enfants, tout en continuant à lui vendre des armes. Des pays qui demandent à l’Iran, bombardé par des forces sionistes et américaines, de faire appel à la raison et de revenir aux négociations.

 

Le droit international relégué au rang de relique

Au moins, le nouveau chancelier de l’Allemagne – pays qui s’obstine à écrire du mauvais côté de l’Histoire – a eu un brin de sincérité en disant que les sionistes font le sale boulot dont ils ont besoin, à savoir tenter de détruire l’Iran. Et c’est avec un aplomb incroyable que ces mêmes pays, qui couvrent, financent et justifient un génocide en bonne et due forme, parlent encore de droit international et de droit des peuples. Les Européens n’ont plus aucune crédibilité auprès de ce que l’on appelle le Sud Global, particulièrement dans les contrées arabes et africaines.

Ils font face au dédain, de plus en plus clairement exprimé par l’Amérique de Donald Trump, et ne sont même plus des interlocuteurs de poids dans le conflit russo-ukrainien, par exemple. À un moment de l’Histoire, l’Europe pouvait invoquer la force de la loi. Mais ce temps est révolu. Et aujourd’hui, elle ne peut même plus invoquer la loi de la force. Un égarement qui rappelle les heures les plus sombres de son Histoire.

Maintenant que le monde ne jure plus que par la loi de la force, il n’est pas exclu que ce soit ainsi que les prochains conflits se régleront. D’autres guerres peuvent éclater partout dans le monde – le vrai monde, pas celui des grandes puissances – et se régler par la force. Ce qui est certain, c’est que les gadgets comme le droit international et les institutions multilatérales seront durablement relégués au second plan. Aujourd’hui, les pays augmentent leurs budgets de défense et se réarment en prévision de périodes sombres. Dans un tel contexte, la force de la loi n’aura plus aucun impact, et il s’agira d’être du bon côté de la loi de la force.

Par Marouen Achouri
25/06/2025 | 15:59
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