
« Tout responsable défaillant devra quitter immédiatement ! » s'est exclamé le chef de l’État lundi 10 mars, face à ses ministres de l’Intérieur et de l’Environnement.
Dans l’une de ses vidéos habituelles, au discours bien chronométré et prévisible, le président Saïed a, comme toujours, publié tard le soir sur la page de Carthage une nouvelle mise en garde. Il a réitéré ses menaces contre tous ceux qui, selon lui, auraient failli.
Les deux ministres présents – Khaled Nouri et Habib Abid – sont en poste depuis seulement quelques mois. Leurs prédécesseurs ont été remerciés sans ménagement, accusés de « manquement ». Mot fourre-tout. Sentence expéditive. Ils rejoignent une longue liste de dirigeants éjectés pour incompétence supposée.
À son ministre de l’Intérieur, le président a signifié qu’il était impératif « d’appeler les responsables à accomplir leurs devoirs ! », ajoutant que « toute défaillance sera sanctionnée ». Face à lui, le ministre lui-même ignore s’il sera encore en poste dans quelques mois. Son prédécesseur, Kamel Feki, pourtant fidèle à la ligne présidentielle, n’a pas échappé à l’éjection.
Depuis son arrivée au pouvoir, Kaïs Saïed a limogé près d’une centaine de personnes. 97, pour être précise, si l’on ne compte que les hauts dirigeants de l’État : ministres, chefs de cabinet, directeurs généraux… Le limogeage est devenu la réponse immédiate et quasi automatique à chaque crise ou défaillance.
Une frénésie de limogeages en accélération
Mais cette hécatombe administrative n’a jamais été linéaire. Certaines années sont plus meurtrières que d’autres. Si 2022 s’en était sorti avec « seulement » seize têtes coupées – loin de la vingtaine de 2021 et 2024 –, l’année 2023 a été un véritable bain de sang : plus de trente hauts responsables ont été limogés.
Qu’en sera-t-il pour 2025 ? Plus le temps passe, plus les limogeages se multiplient et semblent s’imposer comme la solution ultime face à une situation de plus en plus délétère. Tout porte à croire que la cadence s’accélère. Plus la situation empire, plus la lame est affûtée. Le président l’a d’ailleurs confirmé hier en affirmant : « pas une heure de plus » ne sera accordée à un responsable en cas de manquement.
Les choses ont-elles changé ?
Depuis des mois, le scénario se répète. Chaque scandale, chaque crise, chaque bourde administrative est suivie d’une exécution politique immédiate.
Sans justification. Sans procès. Juste un communiqué lapidaire, une annonce sèche dans le Journal officiel. Un nom qui disparaît. Un autre qui apparaît. Et le cycle continue.
Il faudra se contenter de spéculations, de suppositions et de recoupements pour comprendre pourquoi certains noms ont été évincés. Tous n’auront pas la « chance » de subir la colère présidentielle en direct, comme Najla Bouden ou Sihem Nemsia, humiliées dans une vidéo diffusée sur la page de Carthage.
Si le pouvoir affectionne tant la méthode des limogeages-minute, c’est parce qu’ils apportent une réponse immédiate, populaire et spectaculaire. Ces décisions sont applaudies, car elles donnent l’illusion que le cœur du problème a été arraché.
En réalité, elles ne font que trouver un bouc émissaire à des problèmes qui nécessitent des solutions longues et complexes. Il est plus facile de limoger un responsable tout désigné que de s’attaquer à une véritable stratégie d’assainissement de l’administration et des infrastructures publiques.
Mais les applaudissements se feront moins nombreux. La foule adore le sensationnel et les décisions coup de poing.
Une logique de purge
Car si ces limogeages se multiplient et s’intensifient, ils n’arrangent rien au cœur du problème. Et nous connaissons tous ce problème, inchangé depuis des décennies : la mauvaise gestion de l’État.
Mais au-delà de la politique du bouc émissaire, ces limogeages en masse s’inscrivent dans une logique plus profonde, celle du pouvoir complotiste qui cherche un ennemi désigné à abattre.
On la retrouve dans la désertification de la classe politique – regardez combien d’opposants croupissent aujourd’hui en prison –, dans l’intimidation des médias, et dans le discours institutionnel décomplexé qui martèle qu’un ennemi veut du mal au pays et que des têtes doivent tomber pour que la nation puisse « respirer ».
Un climat de violence politique
Au-delà des limogeages, le discours des « têtes qui tombent » s’intensifie et s’impose insidieusement dans le débat public.
Surveillez les réactions des internautes à chaque décision judiciaire contre une personne arrêtée ou condamnée pour diffamation, corruption ou blanchiment. Regardez ces appels à la peine de mort pour quiconque exprime une pensée contraire. Des appels qui s’invitent même au sein du Parlement…
Mais après 97 têtes tombées, une question persiste : Qui est réellement défaillant ?
Et jusqu’où nous mènera ce discours des « têtes à couper » ?

Il est au pouvoir depuis 2019'?' à un pouvoir quasi absolue depuis 2021'?'
Il sera responsable de quelque chose un jour ou jamais?
Le pb c est qu il aussi une maniere d appliquer les conseils de machiavel
D ailleurs je disai qu il etait préférable pour les gens competent de ne pas salir son cv et sa carriere avec ce regime .
Ce qui est bien c est que KS n aime pas les carriéristes incompetent qui ne peuvent pas combler ses lacunes , et quand il s en rend compte il pique une colere .
Je suis impatient de voir sa fureur de fin d annee quand la "croissance" sera negative, que le chomage explosera ( faute d investissement) , qu il sera obligé de choisir entre payer la moitié des salaires / pension ou dévaluer le dinars
PS. Où est la cour constitutionnelle ?
Le défaillant patauge, il est limité d'esprit. L'Ingénierie institutionnelle lui faut défaut.
Il est le premier qui doit partir, Amen!
Les purges politiques : Les limogeages massifs ne seraient pas seulement des décisions administratives, mais une manière de concentrer le pouvoir en éliminant ceux qui pourraient représenter une menace ou une alternative politique.
La répression des opposants : L'emprisonnement des figures politiques adverses est un signal fort, non seulement pour les dissidents, mais aussi pour tous ceux qui pourraient être tentés de contester le pouvoir.
Le contrôle des médias : L'intimidation journalistique empêche l'émergence d'un contre-discours, maintenant ainsi un monopole sur la narration officielle des événements.
La rhétorique complotiste : Le pouvoir entretient l'idée qu'un ennemi de l'intérieur menace la nation. Cette stratégie permet de justifier des mesures autoritaires sous prétexte de sauvegarder l'unité et la stabilité du pays.
L'expression « pour que la nation puisse respirer » est particulièrement évocatrice : elle laisse entendre que l'élimination de ces « ennemis » est présentée comme un impératif vital, justifiant des actions drastiques. Cela rappelle des régimes qui, à travers l'histoire, ont instrumentalisé la peur pour renforcer leur emprise.

