
La justice tunisienne a estimé que le pays serait plus sûr si le président de l’ordre des médecins vétérinaires, Ahmed Rejeb, était placé en détention. Le médecin a eu le malheur de faire une déclaration à la presse relatant certaines revendications de la corporation qu’il représente. Il a tout de suite fait l’objet d’une plainte de la part du ministre de l’Agriculture, Abdelmonem Belati, sur la base du fameux décret 54, décidément fait à la mesure de nos ministres. Le ministre estime que Ahmed Rejeb a propagé de fausses informations susceptibles de nuire à autrui.
Pourtant, le président de l’ordre des médecins vétérinaires n’a fait qu’alerter sur les dangers de la non-vaccination en citant un nombre de maladies qui existent déjà dans notre pays. Il a également demandé que les tarifs pratiqués soient révisés à la hausse pour que le vétérinaire s’y retrouve et ne participe aux campagnes de vaccination sur sa propre caisse.
Personne, ni parmi les vétérinaires, ni parmi les professionnels de la presse, n’a trouvé quelque chose à redire sur l’article ou n’y a décelé la moindre attaque visant la personne du ministre. Encore une fois, il s’agit du président d’un ordre qui exprime les revendications du secteur qu’il représente, ni plus ni moins. Cela a suffi aux services de l’agriculture pour déclencher une plainte. Nous aurions pu penser que le ministre et ses équipes seraient bien trop occupés avec les problèmes d’eau et de coupures, des filières agricoles qui périclitent, des prix qui atteignent des niveaux inédits, de la problématique des fourrages et autres sujets sérieux. Toutefois, ils ont quand même trouvé le temps pour aller déposer plainte.
Interrogé sur le sujet en plénière à l’Assemblée, Abdelmonem Belati a botté en touche disant qu’il ne pouvait s’exprimer sur une affaire devant la justice. Cela ne l’a pas empêché, dans la même intervention, de dire que son ministère combat la corruption et a présenté plusieurs dossiers à la justice concernant des lobbies. Quand c’est pour mettre en valeur le ministère, on peut s’autoriser à évoquer des dossiers devant la justice.
Il s’agit là d’un précédent très dangereux selon lequel le représentant d’une corporation donnée ne pourra plus relayer les revendications de son secteur ni faire de reproches au ministère de tutelle. C’est comme si Naoufel Amira, président du Syndicat des pharmaciens d’officine de Tunisie, se retrouvait en prison parce qu’il déclarerait que certains médicaments manquent, ou que Zied Dabbar, président du Syndicat des journalistes, était mis en garde à vue pour avoir déclaré que la situation des médias est préoccupante.
Une nouvelle limite a été franchie par l’emprisonnement de Ahmed Rejeb qui aurait été tout à fait capable de répondre des accusations du ministre tout en gardant sa liberté. Quelle urgence y avait-il à convoquer le président de l’ordre des médecins vétérinaires un dimanche, pour l’auditionner le lundi et le mettre ensuite en garde à vue ? Quel est cet État qui tremble à la moindre déclaration et qui panique à la moindre critique ? Sont-ils conscients qu’en multipliant les poursuites ils donnent une image reflétant l’exact contraire de l’image de fermeté et de sérieux qu’ils pensent dégager ? L’appareil judiciaire n’a-t-il pas d’autres chats à fouetter au lieu de se retrouver obligé de restaurer l’orgueil fragile de certains ministres ?
Par ailleurs, Ahmed Rejeb est connu pour son intégrité, son honnêteté et son patriotisme. Il a refusé, à plusieurs reprises, des propositions d’expatriation très alléchantes et a préféré continuer à exercer son métier et enseigner dans son pays. Il jouit du respect et de l’estime de ses confrères qui ont choisi de le placer à la tête de l’ordre pour les représenter. L’État « récompense » le parcours de ce monsieur en lui faisant passer quelques nuits en prison pour une déclaration à la presse.
Cette pression et cette atmosphère d’insécurité et de suspension poussent plusieurs cerveaux à quitter le pays, de plus en plus. Comme le disait Kamel Sahnoun, président de l’Ordre des ingénieurs tunisiens, près de 6500 ingénieurs quittent le pays chaque année. Près de 900 médecins quittent le pays chaque année aussi d’après un chiffre donné en janvier 2023 par le syndicat tunisien des médecins libéraux. Des professeurs de différentes disciplines, des journalistes, des intellectuels et autres quittent également leur pays à cause de cette persécution qui prend différentes formes. Comme le dit si bien le président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), Bassem Trifi, les Tunisiens « évitent de s’exprimer par crainte d’être emprisonnés ». Devant l’ensemble de ces facteurs, beaucoup ont choisi l’exil et ont préféré débarquer du bateau Tunisie. Les actes semblent les convaincre beaucoup plus que les promesses du régime.
Bien malin celui qui pourra convaincre Ahmed Rejeb de rester en Tunisie, maintenant qu'il est sorti de prison. Bien malin celui qui pourra endiguer cette large vague d’émigration régulière et irrégulière. Ils ont choisi de laisser les dirigeants du pays se morfondre dans une nostalgie stérile des années 60 alors que nous sommes en 2024. Pendant ce temps-là, le président de l’ordre des médecins vétérinaires croupit toujours en prison malgré la polémique autour de cette mise en garde à vue. Cela montre bien que le pouvoir est sûr de son droit et qu’il ne s’agit nullement d’un excès de zèle ou d’une mauvaise interprétation. Les membres du gouvernement ont également défendu, à plusieurs occasions, le décret 54 malgré les réserves émises par la société civile tunisienne et internationale. Faut-il une preuve supplémentaire de l’orientation de ce régime ?


Un vétérinaire est un professionnel de santé qui exerce une profession honorable, certes, mais cela n'en fait pas une sommité au point de susciter votre indignation dont je flaire une sensibilité de classe.
Vous prenez le parti de qui vous ressemble, et cela se conçoit.
Vote homme est libre.
Alors, gratifiez-nous d'un article aussi longuet prenant la défense d'un miséreux injustement maltraité.
Cela doit exister.
C'est cela l'équilibre, l'équité, le respect du citoyen quel que soit son statut.
Même si ce n'est pas un cerveau.
N'allez pas en prendre ombrage et croire à une attaque ad hominem, il s'agit tout bonnement de ma réaction face à votre réaction.
Chacun son parti, sa classe sociale, et du point de ses intérêts chacun opine.
La justice est faite par les hommes et ce sont eux qui la disent.
Il se trouve qu'aussi bien les juges sont portés à ce tropisme, préférer leurs semblables.....
Moi, aussi.
Oublions les critiques, les analyses approfondies , penser , suggérer... terrible offense... c "'est direct le goulag !
Les incompétents et les médiocres se cachent derrière le Décret 54
Beau temps pour les tire- au- flanc !
Très très bien !!

