
Par Houcine Ben Achour
Le sujet a surgi à la faveur des remous suscités par l’alourdissement puis le retour au statu quo de l’imposition sur les bénéfices des grandes surfaces, des enseignes et franchises internationales. Plaidant un alourdissement, certaines voix ont mis en avant le phénomène de désindustrialisation qui semble prendre de plus en plus d’ampleur dans le pays. Avaient-ils si tort ? Pas tout à fait lorsqu’ils évoquent le désengagement de plus en plus prononcé de certains cavaliers de l’industrie en faveur du commerce et de la distribution qui plus est donne la part belle aux produits d’importations. Cependant, devrait-on tant s’en alarmer ?
La révolution numérique a provoqué un changement radical de configuration dans la division internationale du travail. Les avantages comparatifs de la Tunisie d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier menant l’économie tunisienne vers une tertiairisation de plus en plus poussée, capable de répondre à une nouvelle forme d’industrialisation sur le concept d’entreprise 4.0 alors que notre tissu industriel s’identifie au mieux à l’entreprise 2.0, l’investissement immatériel et en sophistication y est minime. Selon certaines estimations, près de la moitié des emplois vont disparaître ou être profondément transformés par le numérique d’ici deux à trois décennies au profit, notamment, de nouveaux emplois dont on ignore pour beaucoup le profil exact.
Dans les années 1970, on a tenté de rattraper la révolution industrielle, née une trentaine d’années plus tôt. Force est de constater qu’on a raté ce train à l’inverse d’autres nations, comme Singapour ou la Corée du Sud ou encore l’Inde. Le pays n’a pas fait preuve de rigueur durant ses périodes de relative prospérité en fructifiant ses acquis et autres avantages par le développement d’une audacieuse stratégie de maîtrise de filière industrielle et ne pas se suffire d’un segment. L’économie du pays serait-il condamnée à adopter cette même démarche, ne tirant qu’un maigre profit de la formidable révolution technologique qui a saisit ce village planétaire?
Aujourd’hui, plus que jamais le pays doit prendre place dans cette nouvelle division internationale du travail provoqué par l’extraordinaire développement des technologies de l’information et des communications (TIC) et l’émergence d’une nouvelle économie ; l’économie numérique. Celle-ci ne se limite pas à un seul secteur d’activité mais concerne un ensemble de secteurs qui s’appuient sur les TIC, producteurs comme utilisateurs. Certes, cela concerne les entreprises dont les activités s’exercent dans les domaines de l’informatique, de l’électronique et des télécommunications. Mais pas seulement. L’économie numérique, ce sont aussi les entreprises dont l’existence est liée à l’émergence des TIC comme les services en ligne, le e-commerce, les médias et les contenus en ligne…. Ce sont également les entreprises qui utilisent les TIC dans leur activité afin de gagner en productivité et en compétitivité.
Il ne faut pas s’en cacher. Le pays jouit de certains atouts pour s’insérer dans la transformation digitale. Quelques données l’attestent. Le nombre d’abonnements aux réseaux téléphoniques fixes et mobiles a augmenté de plus de 30% en 5 ans. Le nombre de ménages connectés à Internet a été multiplié par 4 depuis 2010. Un ménage sur deux est équipé d’un ordinateur en 2017 alors qu’il ne représentait que 19% en 2010, soit 2,5 fois plus. Le nombre d’abonnements internet mobile via le téléphone mobile dépasse aujourd’hui les 8 millions alors qu’il ne représentait que 2,5 millions en 2013. On recense presque 1 million d’abonnés à Internet fixe (Adsl et Box Data) en 2018 alors qu’ils n’étaient que 600 000 environ en 2013. Seulement voilà. Sur le million d’abonnés à l’internet fixe, on ne compte qu’un peu plus de 80 000 abonnements professionnels, soit à peine 12% du tissu entrepreneurial du pays (agriculture, industries et services) que dénombre le Répertoire national des entreprises de l’INS. Seulement voilà, cette explosion dans l’utilisation des TIC n’a pas créé les synergies espérées, ni fait émerger des clusters. Pourtant, le pays regorge de ressources humaines qualifiées aptes à s’approprier les évolutions numériques et digitales et à les exploiter.
Le pays s’est bien évidemment attelé à la mise en œuvre d’une stratégie de développement du numérique. Ses progrès demeurent toutefois poussifs. Car les freins sont nombreux aux premiers desquels un cadre incitatif rebutant par ses conditions et ses procédures, à rebrousse poil de ce qui est logiquement attendu. A cet égard, le Plan national stratégique « Tunisie Digitale 2020 » semble prendre de plus en plus du plomb dans l’aile. En tout cas, les objectifs qui lui sont assignés sont devenus trop ambitieux, difficilement réalisables en l’état. Pourtant, il y a réellement urgence.



Commentaires (3)
CommenterVos données sont exacts Mais?
@Jilani: Bonjour!
des familles de sous-développement!