
2023, un monde parallèle. Les noms, les dates et les chiffres ont été légèrement modifiés pour les besoins de cet article. Oui, mais pas tous.
Dans son amphithéâtre Kaïs, assistant-universitaire de 64 ans, vient de finir son cours. Cigarette à la main, il range ses documents de droit constitutionnel, feuillette fièrement son article traitant des « dispositions générales de la constitution » et réfléchit. Il réfléchit à ce qu’il dira ce soir devant les milliers de téléspectateurs de la télévision nationale où il a été appelé à intervenir en tant que constitutionnaliste-commentateur politique. Kaïs a la rage, le pays ne ressemble en rien au monde utopique qu’il s’était imaginé quelques années plus tôt.
Il avale un café dans la cafétéria de la faculté des sciences juridiques et politiques de Tunis et prend sa voiture populaire pour se diriger vers le siège de la télévision nationale. Dans sa voiture, la radio marche à peine mais il arrive quand même, entre deux klaxons dans les embouteillages de la capitale et deux insultes aux chauffards, à écouter les informations à la radio.
Le pays a vécu des élections législatives très particulières. Dans un climat de tensions politiques, de crise économique sans précédent…et d’incertitudes, les Tunisiens ont pourtant été très peu nombreux à se diriger aux urnes il y a deux jours. 8% de taux de participation. Le plus bas de toute l’histoire. Un taux qui est rapidement monté – et sans explication aucune – à 11% par l’instance des élections. Les animateurs, journalistes et commentateurs politiques s’agitent : falsification, parlement sans queue ni tête, dilapidation des deniers publics… On interrompt les émissions politiques pour faire passer dans le flash info, le discours du président Saïed. Dans ce discours, le chef de l’Etat revient sur des élections auxquelles il n’a pas cessé d’appeler depuis des mois mais qu’il accuse les Autres d’avoir sabotées. Les mots présidentiels ressemblent à leurs précédents : forces de l’ombre, éléments non-patriotes, sabotages… Le tout pour justifier ce fiasco électoral.
Kaïs hausse le volume pour écouter. « خانها ذراعها قالت مسحورة. S’il était un bon président, jamais il n’aurait eu besoin d’appeler les gens à aller voter pour son projet. Un bon président, n’a pas besoin d’appeler les gens au vote tout comme un bon roi n’a pas besoin de dire ‘ je suis le roi pour se faire respecter’. Ce Saïed n’est clairement pas un bon roi », marmonne-t-il une fois arrivé à la route X. En chemin, il s’arrête pour faire ses courses du jour. Il est obligé de faire trois épiceries et une grande surface pour trouver – en vain – un paquet de lait pour ses enfants et peste contre le prix des tomates et des poivrons auprès du marchand du quartier. « Tout est devenu très cher, trop cher, à cause de cette bande d’incapables au pouvoir ! ». Il fait le tour des pharmacies pour chercher ses antihistaminiques et ses comprimés contre l’hypertension, mais finit par remonter bredouille dans sa voiture. « Encore en rupture de stock » lui explique le pharmacien, désolé.
Arrivé sur le plateau, Kaïs passe au maquillage ensuite patiente en coulisses en attendant son tour. Il passera à la fin du journal télévisé de 20h. Au menu de cette journée, pas très particulière, un accord reporté avec le FMI, des hommes politiques sous les verrous pour soupçons de corruption, des journalistes arrêtés à cause d’articles de presse, des élections douteuses et des lois rafistolées sur mesure par le nouvel homme fort du pays. La situation ne dit rien de bon. Kaïs est crispé, il est en colère et en a plein sur le cœur.
Quand c’est à son tour d’intervenir, il dresse une longue diatribe de la situation actuelle et de ces législatives ridicules. En citant Montesquieu, il défend la séparation des pouvoirs et s’élève contre cet omni-président qui s’est accaparé à lui seul tous les pouvoirs, pensant qu’il est seul à être capable de les assumer. « Un véritable amateur ce Saïed ! Il aurait dû s’inspirer de Montesquieu et savoir qu’un roi ne gouverne jamais seul et que pour être efficace, il doit partager son pouvoir » s’indigne Kaïs avec sa froideur habituelle qui tranche avec son discours enflammé. « N’est-ce pas celui-là même qui a qualifié les agences de notation de ‘ommek sannefa’ ? Comment voulez-vous qu’il parvienne à rassurer les pays étrangers ? Qu’il puisse garantir à notre pays - au bord de la banqueroute - la confiance du FMI et son financement ? Comment voulez-vous qu'il inspire encore les gens et les incite à aller voter ? ».
« Dans un pays en pleine transition, en pleine crise identitaire, sociale et politique, on ne se risque pas à réécrire la constitution et la loi électorale, à dissoudre le parlement, à décréter des mesures exceptionnelles et à organiser en l’espace de quelques mois seulement un référendum et des législatives. Le tout en dilapidant les deniers publics et en gaspillant un temps précieux. Ces législatives n'ont aucune raison d'être, ce président devra admettre son échec et démissionner pour laisser la place à d'autres », déclare Kaïs.
Kaïs se reconnait un peu dans ce Saïed. Tous les deux sont des idéalistes, des jusqu’au-boutistes. Tous les deux ont envie de voir la situation radicalement changer, ils ont en marre de ces opportunistes et de ces corrompus qui ont pillé le pays. Ceci dit, Kaïs n'aime pas beaucoup ce Saïed. Jamais il n’aurait fait comme lui. Jamais il n’aurait cautionné une dérive aussi totalitaire. Jamais il ne serait tombé dans des pièges aussi grossiers que de penser qu’il peut gouverner seul. Qu’il devra faire table rase du passé, réinventer les règles du jeu, se mettre à dos les partis politiques, les organisations nationales, les médias, les magistrats et les bailleurs de fonds. Tous en même temps. Jamais Kaïs n'aurait accepté de perdre la face et de se cramponner à son poste sans admettre son échec comme le fait Saïed. Il aurait démissionné.
Kaïs est un petit assistant, il n’a pas d’expérience politique, c’est pour cela qu’il sait que pour bien gouverner, surtout lorsqu’on est un outsider, il faut savoir s’entourer et écouter les bons conseils qu’on lui donne. Les visites diplomatiques se préparent et se concertent avec les plus chevronnés et les lois s'écrivent avec les connaisseurs.
Kaïs se rappelle des promesses électorales de Saïed. Dans son interview de 2019 avec Kaouther Zantour pour le journal Acharaâ Al Magharibi, il s’était engagé à bannir les législatives, à ne pas faire campagne, à toujours respecter la loi, à ne jamais violer la constitution, à toujours privilégier l’intérêt du peuple et à ne, jamais au grand jamais, vendre des utopies…. Pour Kaïs, Saïed est un mauvais président. Si c’était à refaire, jamais il n’aurait voté pour lui comme il l’avait fait il y a trois ans.
Mais à la fin de lecture j'ai eu la déception me réveille et c 'est seulement un article d'un journaliste qui avec l'ensemble de BN attaquent tous les jours les gens au pouvoir en place et se moquent d'eux de toutes les manières
Pourtant on ne voit aucun article mettant en cause les vrais responsables de la situation catastrophique résultante de la décennie noire des kouanjias
Nous ne somme pas naïve au point ne pas voir la réalité et de croire vos mensonges et votre transformation des vérités
Helas l'histoire ne pardonne pas
Si on prend cet exemple, ZABA, n'était même pas assistant, même pas bachelier, voyez-vous, comme les choses peuvent se passer.
Ben Ali, personne n'a eu le courage de lui opposer quoi que soit.
La riposte serait fulgurante, tout le monde se terrait par crainte de se faire tordre les couilles.
Là, silence radio ! Silence assourdissant, une gouvernance calamiteuse, par un groupuscule d'ignares, à la recherche d'acquis illicites, et l'instauration, d'un nouvel idéal (ordre) mensonger pour notre société.
Quant à Kais Saïed, c'est un gentil, un assistant, quoi qu'il en soit il s'est fait élire président de la république tunisienne.
Qu'on le veuille ou pas, c'est lui qui dirige le pays !
Félicitations monsieur l'assistant, ils ont osé vous défier ! ! !
Tant mieux, l'amorce de la démocratie est en route, la voie vers la liberté d'expression, cette liberté d'expression qui nous a fait défaut, plusieurs décennies, d'où des générations ont perdu tout espoir, pour s'émanciper et établir une confiance en soi.
Timoré par cette peur d'être embastillé, réduit à la vindicte des maîtres de l'époque.
L'indifférence s'installa petit à petit, le patriotisme s'émoussa, remplacé par le chacun pour soi.
Il est venu le temps de la récolte des fruits amère, un peuple désorienté, désintéressé ne pensant qu'à cela adviendra demain.
J'espère que Saied serait devant son poste TV pour voir Kais lors de son passage...
Je suis un assistant et je vois grand ...