L’épisode des élections est tourné, l’honneur est sauf et l’essentiel est obtenu. De l’avis de tous les observateurs indépendants, tunisiens et européens, les électeurs ont pu exprimer leur choix librement, au cours d’un scrutin crédible et c’est là l’essentiel. Les bases de la démocratie sont bel et bien jetées, on a pu le vérifier en 2014 lors des législatives et de la présidentielle et on vient de le confirmer en 2018 pour les municipales. Ce succès des élections, qu’on a tendance à minimiser et à nous concentrer plutôt sur les vainqueurs et les vaincus, est le meilleur hommage qu’on pourrait rendre à tous les martyrs assassinés depuis 2011. Ils sont morts pour qu’on puisse vivre en démocratie et nous honorons aujourd’hui leur mémoire en réussissant ces scrutins.
Au-delà de ce succès pas du tout évident et qu’on ne doit en aucun cas banaliser, il y a beaucoup à dire quant aux municipales et leurs résultats. A commencer par le taux d’abstention supérieur à 65%. « Le nombre de votants était bien en dessous (des estimations), si les citoyens ne votent pas alors qu’est-ce la démocratie ? », s’est interrogé à raison le dirigeant d’Afek, Walid Sfar.
Cela devrait relativiser le succès de tous ces politiques qui pavoisent en criant sur tous les toits que « le peuple les a choisis », alors que le meilleur d’entre eux a obtenu 28,64% des 35,6% qui sont allés voter. Que dire alors des « autoproclamés porte-paroles du peuple » qui n’ont réussi à convaincre que 1,33% des 35,6% du peuple. Je pense notamment à Machroû (1,44%), Achaab (1,39%), Afek (1,29%) Irada (1,33%), UPR (0,1%), Tounes Awalan (0,01%)… Tous ces épiciers de la politique devraient descendre de leur tour d’ivoire et mettre la clé sous la porte. Ils rendraient ainsi un grand service au pays et à la démocratie, car leur existence ne fait qu’éparpiller les voix des électeurs, ébranler la confiance du peuple en ses politiques et polluer l’espace politico-médiatique. A part Khemaies Ksila, personne parmi ces loosers ne semble avoir ressenti la gifle du 6 mai.
Ces leçons non retenues, et cet égo surdimensionné, on le retrouve également parmi les « vainqueurs » qui pensent avoir obtenu la confiance et la légitimité du peuple, alors qu’ils n’ont obtenu que 516.379 voix (28,64% - Ennahdha) et 375.896 voix (20,85% - Nidaa). En 3 ans et demi, le premier a perdu la moitié de ses électeurs, alors que le second a perdu les 2/3.
La réalité est encore plus cynique, car même ces voix obtenues ne sont pas tout à fait méritées. 54% des listes d’Ennahdha sont remplies par des candidats non nahdhaouis, d’après Rached Ghannouchi.
Quant à Nidaa, il aura fallu que Youssef Chahed et plusieurs ministres aillent sur terrain pendant la campagne pour soutenir un parti cassé en mille morceaux par Hafedh Caïd Essebsi et ses conseillers. D’après les sondages préélectoraux (non publiés vu que c’était interdit), Nidaa devait obtenir 10% seulement. En clair, les 22% récoltés dimanche par Hafedh Caïd Essebsi sont un exploit pour lequel il devrait remercier les membres du gouvernement venus à son secours. Quand on pense à la vidéo dansante de Anis Ghedira ou encore à la vidéo de dernière minute de Hafedh Caïd Essebsi diffusée en plein silence électoral, ces 375.896 voix obtenues par Nidaa sont de trop.
A ce jour et en dépit de ces chiffres têtus et de ces sorties désastreuses, les dirigeants de Nidaa n’ont fait aucun aveu d’échec, ni cherché à comprendre pourquoi ils ont perdu autant de voix. Pire, ils pensent avoir gagné.
Jouant à fond le déni, se croyant vraiment vainqueur en dépit des voix perdues et de son poids de moins en moins signifiant, Hafedh Caïd Essebsi et son entourage pensent désormais avoir la légitimité de défaire le gouvernement. Bien épaulés par quelques dirigeants de l’UGTT, ils ont passé la semaine à faire le lobbying auprès de Noureddine Taboubi et autour de Béji Caïd Essebsi pour pousser vers un remaniement profond. La première tête demandée est celle de Youssef Chahed qu’on veut nommer bouc émissaire responsable de la désaffection du « peuple » aux municipales et des maigres résultats obtenus par Nidaa.
A chacun ses calculs. L’UGTT cherche la peau du chef du gouvernement depuis un bout de temps et a tout fait pour l’avoir avant les élections. Pour les syndicats, il n’est que l’exécutant aveugle des directives du FMI et des Européens et représente un vrai danger pour leur acquis. Des acquis qui ont plombé les comptes du pays.
Quant à Nidaa, Youssef Chahed est celui qui a mis Chafik Jarraya (un de ses principaux financeurs) en prison et refuse de nommer les « amis » à des postes clé de l’Etat. Il est surtout dangereux pour 2019, car il bénéficie de plus en plus de soutien national et international et sa courbe de popularité est en incessante croissance.
Devant lutter contre ses « frères d’armes », ses « adversaires » et ses amis, Youssef Chahed mise pour sa survie sur ces soutiens et cette popularité, mais aussi sur le bon sens de son mentor Béji Caïd Essebsi. Jusque là, il n’a pas été déçu, mais tout a une fin et il ne sait pas encore quand la sienne va venir. Le bon sens l’emportera-t-il ? A l’écriture de ces lignes, il semble bien que oui, car il y a des vérités ancestrales qui résistent à tout.
La Tunisie est un pays agricole et les Tunisiens sont assez connus par leur superstition. Dans les années 70, suite à une crise politique, on croyait l’ancien Premier ministre Hédi Nouira sur un siège éjectable. Sa réponse fut alors sans équivoque et la suite a plaidé en sa faveur : « La pluie a voté pour moi !». C’était alors une bonne saison agricole et on savait que le « peuple » aurait refusé que l’on change un « oiseau de bon augure ». Cette superstition agricole a d’ailleurs fait récemment le buzz autour de Samir Taïeb et elle joue aussi bien en faveur du ministre de l’Agriculture que du chef du gouvernement.
Car au-delà de la superstition insensée (et on est bien d’accord qu’elle est insensée), Béji Caïd Essebsi sait parfaitement que la saison agricole est excellente et qu’il en sera de même pour la saison touristique (on risque même le surbooking cet été). La priorité nationale a longtemps été la lutte contre le terrorisme et tout le monde remarque aujourd’hui que l’on est plus en sécurité à Tunis qu’à Paris ou Londres. Le président de la République sait donc très bien que l’opération chirurgicale entamée en août 2017 est en train de réussir et va apporter ses fruits à partir de 2019, voire même à partir du deuxième semestre 2018. Il sait aussi que le changement d’un chef de gouvernement moins de deux ans après sa nomination et à moins de 18 mois des élections est, non seulement un non-sens, mais surtout un mauvais signal d’instabilité qu’on envoie aux partenaires.
Qu’il analyse la chose sous son angle le plus insensé (la superstition) ou sous son angle sensé, et à condition que son tableau de bord ne soit pas faussé par des données erronées, Béji Caïd Essebsi est convaincu que son poulain ne doit pas partir. Pas maintenant du moins.
Il doit cependant résister au lobbying mené par son fils et la centrale syndicale pour permettre à Youssef Chahed de mener à terme les chantiers entamés et ceci est loin d’être gagné, car Béji Caïd Essebsi sait aussi que rien ne peut réussir sans le soutien des lobbys.




Commentaires (5)
CommenterBRAVO
A d'autres...
Le peuple(les gens qu'ils ne connaissent pas du tout) n'est plus le dupe inéxpérimenté qu'il était..Il commence à comprendre qu'il n'a rien à cirer de ces spectacles de foire sur fond de ruine ... ou on lui demande de tremper un doigt de complicité dans ces magouilles dégoutantes..
Les bains électoraux à répétitions et les tours de passe-passe statistiques ne cachent plus cette misère morale, bien au contraire...
#fakou bihom...
Le paragraphe (ci-après) en dit long sur la situation désastreuse de la Tunisie.
SI Nazar vous appuyez là où ça fait mal
Le Tunisien s'est détourné de la chose politique éc'?uré, vous croyez que ces 2 de tensions ont compris la leçon ? Que néni ... c'est des bourrns ... isl foncent droit contre le lur la tête dans le guidon et reproduiront les mêmes erreurs ad vidam aeternam ...
La classe politique actuelle se croit investit d'une mission ... comme vous le mentionnez leur égo est surdimensionné ... ils sont au dessus de la mêlée et ne se remettront JAMAIS en question ... c'est une mentalité ..
Officiellement, 5.400.000Tunisiens étaient appelés à élire 350 conseils municipaux à travers le pays.
Le scrutin n'a pas fait recette ... 1/3 des électeurs se sont déplacés et les voilà ces partis qui dansent la danse du ventre en criant victoire alors qu'ils ont été méprisé ...
L'abstention l'a emporté tout comme en Irak d'ailleurs pour les législatives ... dégoûté et dépité
Même Nahdha s'est collé une balle dans le pieds ... ce parti qui se dit proche de Dieu a été désavoué parce qu'il n'est pas franc du collier ...
Le Tunisien a besoin de repères, les partis politiques n'ont permis cela ..il s'est abstenu et les euls qui ses sont déplacés ont préférés les listes indépendants comme celle de Fadhel Moussa à Ariana et celle de la Marsa ...
C'est donc 1 électeurs sur 3 qui s'est déplacé ...
J'ai voté pour un candidat qui ne s'est jamais présenté, j'espère que ces nouveaux répondront aux souhaits des Tunisiens ... c'est le slogan affiché par les Tunisiens qui ont dénié se déplacer ...
Pour pharséer si Nizar ... " Je pense notamment à Machroû (1,44%), Achaab (1,39%), Afek (1,29%) Irada (1,33%), UPR (0,1%), Tounes Awalan (0,01%)'?' Tous ces épiciers de la politique devraient descendre de leur tour d'ivoire et mettre la clé sous la porte...
Ils n'auront pas se courage de disparaître ... ils sont trop con et nous prennent pour des cons ...
Heureusement que des listes indépendantes ont donné de l'espoir aux Tunisiens ... et je nommerai un parti qui monte celui de Abir ....
Mais il me semble comme l'a dit si Fadhel Moussa ... les indépendants ont fait une percée et vont formé une force d'avenir .... Les indépendants ont le vent en poupe ... On a besoin de SANG NEUF ... et un discours qui nous rassemble ... HC
@Si Nizar
La vraie vérité;
- Ennahdha a obtenu: 6,4% des Tunisiens en âge de voter,
- NidaaTounes: 4,7% des Tunisiens en âge de voter.
Si ce que je vous dis n'est pas juste faites moi signe et j'invite toute personne qui croit le contraire de me présenter ses arguments.

