Par Marouen Achouri
Si l’on devait organiser les élections des plus grands donneurs de leçons ou des champions du voilage de face, Nidaa Tounes arriverait premier sans souffrir d’aucune concurrence. Pas comme aux Municipales.
Un parti politique ne peut ni avancer, ni évoluer sans tirer les enseignements de ses différentes participations aux échéances électorales, qu’elles soient nationales ou partielles. La claque des élections partielles en Allemagne n’a pas suffi à Nidaa Tounes et à ses dirigeants pour ouvrir les yeux. Pour les élections municipales, le parti fondé par Béji Caïd Essebsi a fait appel à toutes ses ressources pour gagner. Youssef Chahed, chef du gouvernement dit d’union nationale, s’est mis à distribuer des tracts, les ministres ont arpenté le pays pour faire campagne, le cabinet du président de la République n’était pas en manque non plus. Hafedh Caïd Essebsi a également participé à cette campagne en allant au chevet des blessés et en tentant de s’ériger en rempart contre l’intégrisme et la violence représentés par son allié au pouvoir. On a même tenté maladroitement d’insulter la mémoire de l’Algérie en suggérant que le scénario du FIS pourrait se répéter en Tunisie ! L’amateurisme et la bêtise se sont poursuivis avec le message vidéo de Hafedh Caïd Essebsi qui d’abord, enfreint le silence électoral, et ensuite montre le désarroi et le vide sidéral de « leur projet national ».
Ensuite vinrent les résultats des élections municipales. Ils devraient représenter une vraie claque pour les dirigeants du parti « gagnant des élections de 2014 et premier dans tous les sondages » comme se plaisent à la répéter les dirigeants de Nidaa. Mais il n’en est rien ! Mongi Harbaoui, porte-parole officiel du parti, a même claironné que son parti avait gagné parce qu’il avait réussi à préserver l’équilibre politique, rien que ça ! Se remettre en question et analyser sérieusement les raisons de la défaite ? Trop peu pour eux. Se questionner sur la représentation du parti auprès de l’opinion publique et faire un premier bilan de la direction nouvelle de Nidaa Tounes ? Inenvisageable !
Au lieu de se comporter en politiciens responsables, ils préfèrent donner dans la pleurnicherie mêlée de mensonge et de mauvaise foi. Un discours de fausse autosatisfaction disant en gros que Nidaa Tounes a gagné et fait de très bons résultats sachant qu’il est attaqué de partout, que c’est un parti qui tente d’avancer dans la douleur et l’adversité. Nidaa Tounes est composé de patriotes irréprochables, pauvres petites brebis innocentes entourées de loups féroces qui ne leur veulent que du mal, des opposants aigris composés d’islamistes, de gauchistes et d’anciens de Nidaa. Mais eux, ce sont les héros du projet moderniste tunisien, les enfants de Bourguiba et les chantres de la souveraineté nationale. Non, ils n’ont pas envoyé ou reçu des CV par SMS pour des postes de délégués, non ils n’ont pas dit en réunion que Youssef Chahed était mauvais à son poste puisqu’il ne sert pas leurs intérêts, ils n’ont pas menti en entretenant un consensus faussé avec Ennahdha pour se ridiculiser à chaque élection en évoquant le péril islamiste, ils n’ont pas participé à la débâcle économique, sociale et morale de la Tunisie, non ils n’ont pas fait voter ou refusé des articles de loi à l’ARP pour servir les intérêts de certains contrebandiers et de certains hommes d’affaires. Non, ils sont innocents de tout cela, ils veulent juste servir le pays, rien d’autre.
Et bien le plus grand service qu’ils pourraient rendre au pays, ce serait de partir, de dégager. Incapables d’organiser un congrès qui leur donnerait un semblant de légitimité, incapables de préserver les réelles compétences que comptait le parti, incapables d’honnêteté intellectuelle. C’est devenu un repère d’opportunistes et d’arrivistes, hormis quelques exceptions. La cour du fils du président a démontré, chiffres à l’appui, que son seul talent est de dire à Hafedh Caïd Essebsi ce qu’il a envie d’entendre, et il y a cru.
Inventer un mensonge et y croire semble être une habitude chez Nidaa Tounes. Ils étaient bercés par les résultats des sondages qui les plaçaient en première position et leur permettaient de continuer de s’accrocher à l’image du président de la République. Aujourd’hui la sanction est rude mais le déni et le mensonge restent les plus forts. On devrait s’estimer heureux d’avoir HCE, Toubel, Chouket et autres pour préserver le fameux « équilibre politique ». Ils ne comprennent pas qu’être équilibré dans une scène politique équilibrée dans la médiocrité ne l’empêche pas de rester médiocre. C’est le message transmis par la poignée d’électeurs qui ont bien voulu se déplacer, mais il est clair qu’il ne sera pas entendu chez Nidaa.



Commentaires (9)
CommenterMILLE BRAVOS
le ridicule revient toujours au galop!!
Mon analyse personnelle : 3 points cruciaux
1. La percée remarquable des "Indépendants" qui redistribuent les cartes politiques, ce qui ajoute encore plus à la confusion générale en vue des élections générales de 2019. Ces indépendants d'où viennent-ils? Des autres partis et quelques nouvelles têtes qui ont séduit les électeurs, ce qui prouve que ceux-ci ne sont pas un bloc figé et discipliné comme on a bien voulu nous le faire croire. Les électeurs sont volatils et fluctuent leurs votes en fonction des circonstances et des candidats.
2. Le recul des islamistes dans la société tunisienne, la Nahda a perdu 500 000 électeurs depuis 2014 et 1 million depuis 2011. C'est un fait essentiel car il démontre que l'idéologie islamiste n'a pris dans la société tunisienne c'est comme une sauce qui n'a pas pris dans un plat cuisiné. Les arguments religieux ne passent plus, le conservatisme religieux a eu son apogée idéologique dans les années 2011 à 2014, puis on s'est rendu compte avec la triste Troïka que les dirigeants islamistes étaient des politiciens comme les autres : calculateurs, cyniques, corrompus, menteurs, hypocrites, populistes etc....L'islam politique en Tunisie est comme un corps étranger après une greffe, il est rejeté par l'organisme.
3. Malgré ses conflits internes, ses dissensions, ses trahisons, ses coups sous la ceinture, le parti Nidaa Tounès s'en sort pas mal après ces quatre années de bruit et de fureur. Ce qui prouve que l'électorat moderniste qui s'est déplacé a cherché en Nidaa Tounès une bouée de sauvetage par laquelle il s'accroche. Je ne vais pas revenir sur les conflits de Nidaa Tounès, Marouen Achouri nous les a bien détaillés, mais par une réflexion personnelle, ces élections nous ont démontré l'extraordinaire réservoir de voix des modernistes qui sont restés en retrait pour les raisons évoquées plus haut. Ce réservoir de voix est prêt à aller voter pour des candidats où les enjeux idéologiques sont importants pour l'avenir de la Tunisie.
En conclusion, lors de ces Municipales 2018, on a constaté trois choses fondamentales : 1. Percée des "Indépendants". 2. Recul important de l'Islam Politique. 3. Résistance de l'électorat moderniste malgré une forte abstention.
la descente à l'enfer ne fait que commencer
Inventer l'après Nida
L'irruption des listes indépendantes dans le paysage politique est une bonne nouvelle.
Les progressistes et humanistes de ce pays doivent s'unir pour fonder une mouvance crédible et sérieuse, loin des opportunistes affamés.
cela est en train de se faire.
Je recommande à mes compatriotes de s'intéresser au parti Bani Watani.
Il est intéressant.
Nida sauve les meubles.
Je suis même surpris des résultats .
L'union civile , s'avère être une association d'amateurs,NB j'ai voté l'union civile.
Tire les consequences et pratiquer l'autocritique sont des mots étrangers!
Aptitude à apprendre dans les grands partis politiques à ce jour: AUCUNE.