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Chroniques
La pire erreur n’est pas dans l’échec, mais dans l’incapacité de le dominer
Par Ikhlas Latif
18/11/2022 | 20:28
4 min
La pire erreur n’est pas dans l’échec, mais dans l’incapacité de le dominer

 

Pas besoin de chiffres, de graphiques ou de tableaux pour dire que l’échec règne en maître en cette heureuse ère marquée du sceau du peuple qui veut. Ceci n’est pas une opinion. Il s’agit d’un constat. Les personnes dotées d’un regard objectif ne peuvent que le constater. Ceci n’est pas une impression. Les personnes qui détiennent un tant soit peu de logique n’ont d’autre choix que de le reconnaitre. La chose se passe sous nos yeux. On le vit, cet échec cuisant de nos gouvernants, dans notre quotidien, quand on passe au supermarché, à la station-service… quand on dépose son enfant à une salle de classe sans enseignant… quand on suit l’actualité… quand on observe la manière avec laquelle sont gérées les affaires de l’Etat.

Coucher sur le papier ce que tout Tunisien observe et traverse en ce moment, l’écrire noir sur blanc, entrainerait des conséquences touchant la sûreté du pays et consisterait en une atteinte aux institutions de l’Etat, rien de moins. Ce sont nos gouvernants, qui ont échoué, qui viennent ici nous confirmer l’étendue de leur échec.

Volet politique, social, environnemental, économique… Le pouvoir en place tunisien n’a cessé de nous démontrer son incapacité à mener à bien ses dossiers.

Zarzis, aujourd’hui, la police sous les ordres de Taoufik Charfeddine a tabassé les habitants protestataires. Les vidéos ont fait le tour des réseaux sociaux de citoyens agressés et d’enfants asphyxiés par les gaz lacrymogènes. Est-ce cela que veut le peuple ? Les protestataires envisageaient de se rendre à l’île de Djerba où se tient le Sommet de la Francophonie après qu’aucun officiel, depuis un mois, n’a daigné leur rendre visite. Le ministre de l’Intérieur s’est même permis de les laisser en plan la veille alors que tout le monde l’attendait. Le pouvoir n’a eu de cesse de se dire proche du peuple, de crier haut et fort qu’il tient sa seule légitimité de ce peuple. Voilà le résultat. Des gens passés à la matraque pour le motif d’avoir voulu mener une action. Mais attention, il ne faut pas perturber la quiétude des invités à Djerba. Cachez ces manifestants qu’on ne saurait voir ! Pas très beau pour l’image du pays.

Sfax, hier, les images qui nous parvenaient de la ville étaient à la fois choquantes et impressionnantes. On aurait dit qu’un nuage nucléaire s’était abattu sur la capitale du sud. Depuis plus d’un an, la question des décharges a été atermoyée par les autorités. Des solutions de rafistolage avaient été trouvées. Mais puisque le rafistolage ça ne dure pas, la décharge de fortune a dû être fermée et puis elle a pris feu. Les émanations se sont abattues sur une ville en désolation, les gens ont été asphyxiés et le gouverneur en sa qualité de plus haut représentant du président s’est énervé. Le gouverneur était vraiment très remonté que les Tunisiens soient choqués par l’étendue de la catastrophe au point de les traiter de chiens de la casse et de supplier le président de fermer Facebook. « Ce n’est qu’un peu de fumée, aidez-nous par le silence ! », nous a hurlé le monsieur. En voilà un représentant de l’Etat qui a à cœur d’élever l’échec jusqu’aux désormais iconiques sommets stratosphériques.

Tunisie, il y a de cela une semaine, des centaines de milliers d’élèves n’avaient toujours pas eu de cours. La raison est toute simple, les enseignants suppléants et vacataires n’avaient pas perçu de salaires. L’Etat les faisait travailler sans les rémunérer et sans intention de les recruter. Un accord, dans la douleur, a finalement été trouvé mais après quoi ? Le mal est déjà fait. Un crime contre les enfants a été commis. Le dossier aurait pu être géré autrement et une telle situation aurait pu être évitée. Que voulez-vous ? C’est ainsi que se passent les choses après la noire décennie. 

Tunisie, depuis des mois, on s’habitue aux pénuries des produits de base. On ne s’étonne plus de constater que les prix de certaines denrées ont triplé ou quadruplé en l’espace de quelques semaines. On nous serine avec les histoires de complots ourdis par des spéculateurs en connivence avec les traitres. Entre temps, des secteurs entiers sont en train de péricliter parce que l’Etat ne débourse plus les compensations.

Toutefois, n’ayez crainte. La démocratie est préservée. La liberté de la presse et la liberté de se déplacer sont garanties. L’Instance supérieure indépendante pour les élections prépare le scrutin législatif sous les meilleurs auspices. On n’évoquera pas le cafouillage du code électoral, du nouveau découpage, des conditions de candidature ou de la campagne qui s’annonce comique. Le fait est que l’Isie est entrée en guerre contre la Haica en l’écartant de l’organisation du paysage médiatique, l’enjeu étant le contrôle de la couverture de la campagne électorale. Du jamais vu dans une démocratie qui se respecte. Mais encore, l’instance pas très indépendante pour les élections s’est attaquée frontalement aux instituts de sondage leur interdisant de rendre publics les sondages sortie des urnes. Elle sape aussi le rôle des médias dans ce processus. Une démocratie qui se respecte n’aurait pas osé, mais que voulez-vous, les nouvelles approches semblent instituer un modèle autre.

François Mitterrand disait que « la pire erreur n’est pas dans l’échec mais dans l’incapacité de dominer l’échec ».

Par Ikhlas Latif
18/11/2022 | 20:28
4 min
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Commentaires
Optim
Bien dit
a posté le 20-11-2022 à 07:06
Merci Madame pour votre article. La bêtise et l'arrogance règnent en maîtres en Tunisie. Que faire.? That's the question. Point d'analyses ou de constats. Que doit-on faire, qui devrait agir, comment ? Telles sont les questions les plus brûlantes.
S.az
Personne ne lit ces articles
a posté le 19-11-2022 à 13:42
Je me suis dis ,allez un petit coup de pouce pour Mme pour lui éviter une possible dépression....2 ou 3 lecteurs!!!
Elle n'a toujours pas compris qu'elle joue en dehors du terrain et que visiblement ces articles n'intéressent personne.
Fares
@s.az
a posté le à 22:55
Et vous êtes?
GZ
La pertinence ne se mesure pas au nombre de commentaires
a posté le à 20:29
"je me suis dis" !?
Je me suis dit, moi aussi, que monsieur est bien bon; que sa bonté le perdra; que la charité est un bon sentiment, mais en parler la vide de tout sens; que charité bien ordonnée commence par sa langue de rédaction.
Nephentes
'Etre ignorant de son ignorance est la maladie de l'ignorant.'?'
a posté le 18-11-2022 à 21:34
Vraiment un très bel article, qui illustre les ravages de l'ignorance et de la débilité arrogante en Tunisie, bien avant le 25 juillet d'ailleurs. En tant que populiste et ignorant, Mr Saed a pris le parti de l'ignorance. Et prendre le parti de l'ignorance, c'est réduire la démocratie a un simulacre

Juste pour rappel : l'ignorance vient du latin ignorarer, ne pas connaître, mais a aussi signifié être négligent.