La leçon de Mohamed Oussama
Par Synda Tajine
Au milieu de tout ce brouhaha politique sans grand intérêt, se démarque un jeune homme comme les autres, mais pas du tout comme les autres. Oui car il n'y a que les jeunes pour briller et pour faire briller leur pays comme il se doit et comme ils le lui doivent.
Mohamed Oussama Houij a 27 ans. Si lui est anonyme, son périple ne doit pas le rester. Environnementaliste, féru d'écologie, artiste et, accessoirement, ingénieur en génie sanitaire, il a fait le pari fou de parcourir 300 km de plages tunisiennes afin de les nettoyer. Muni de sa bonne volonté, d'un stock de sacs poubelles, d'une tente, d'un peu de nourriture et d'un téléphone à moitié rechargé qui lui a permis de partager son périple sur les réseaux, Mohamed a relevé son défi hier et est venu au bout de son aventure.
Mohamed Oussama Houij a voulu apporter sa pierre à l'édifice en décidant de nettoyer lui-même les plages tunisiennes, victimes des milliers de baigneurs qui les fréquentent chaque été. Du moins d'y participer. Au lieu de passer son temps à se lamenter contre la saleté ambiante, sur les réseaux - comme nous le faisons tous, avouons-le - il a choisi d'agir. Sa charte est claire : « Aucun parti politique n'est le bienvenu sous l'emblème de 300 kilomètres. 300 kilomètres est une initiative citoyenne libre et le restera à tout jamais. Si vous voulez joindre le mouvement, le seul drapeau acceptable est celui du pays et de la terre ».
Cette aventure, Mohamed l'a commencée le 1er juillet dernier à Mahdia. Au fil des jours, en deux mois, 300 kilomètres ont été parcourus et 30 plages nettoyées. Le jeune homme a parcouru cette distance à pieds muni de son sac à dos et de ses sacs poubelles dans lesquels il a ramassé les déchets et saletés que d'autres ont jetés.
« Ça y est je la vois, la montagne de Boukornine, et le stade de Radés. Dans les parages se trouve mon chez moi, mais je laisse derrière moi un autre chez moi. Une route, des pistes, des visages, des mers et tellement d'histoires et de vécu que les larmes commencent d'elles mêmes à couler. J'ai presque réussi mon challenge, j'ai fais flotter mon drapeau sur 300 kilomètres de côtes et il ne m'en reste que quelques miettes. Bordel qu'est ce que j'ai aimé ces 300 kilomètres, bordel qu'est ce que j'en ai bavé pour ces 300 kilomètres, bordel qu'est ce qu'ils vont me manquer ces 300 kilomètres ... », a-t-il écrit hier sur sa page, servant de journal de bord pour son périple. Hier, il avait relevé son défi et bu la citronnade de la victoire à Slimane accompagné des personnes qui sont venues l'applaudir.
Alors qu'il offrait aux vacanciers des plages propres où il fait bon nager, son parcours n'a pas suscité que de l'admiration. Il a été pris pour suspect par la police et a fait un bref passage au poste pour expliquer ce qu'il faisait sur une plage, seul, muni de quelques sacs poubelle et d’un petit couteau. Difficile en effet d'expliquer à des policiers qu'un jeune militant de 27 ans puisse se consacrer, de son propre chef, sans aucune pression ni torture, à nettoyer des plages salies par d'autres, sans rien gagner en retour. Rien de concret, de l'avis de nombreux, du moins.
Alors que des municipalités jettent la balle aux citoyens critiquant leur absence de civisme, que les citoyens critiquent le manque de sérieux et de professionnalisme des municipalités qui ne nettoient pas comme il faut, que la saleté s'amoncèle de jour en jour, dans le ras-le-bol mais aussi l'indifférence générale, lui a décidé d'agir.
Entre ceux qui "pleurent leur Tunisie", ceux qui décident de la quitter parce qu'il ne fait plus bon y vivre et ceux qui restent, la mort dans l'âme, aigris et dépités de la situation actuelle, il en existe certains, rares mais bien là, qui ont décidé de se retrousser les manches et d'agir. Parmi eux, Mohamed Oussama Houij.
Ce périple peut sembler farfelu selon certains, ridicule selon d'autres, complètement inutile de l'avis de nombreuses personnes, compte tenu de l'énormité de la saleté qui ne peut être nettoyée en 2 mois. Mais il est de ces aventures qui peuvent réellement changer les choses. Bien plus que les discours, bien plus que les slogans, bien plus que des lois qui ne sont pas appliquées pour de vrai. Parce que l'avenir est entre les mains des jeunes et certains jeunes, bien conscients de cela, ont décidé d'agir.
Mohamed Oussama Houij n'est pas seul, il en existe plein d'autres comme lui, pas assez nombreux mais bien là. Ceux qui s'aventurent à créer des projets malgré la crise, ceux qui écrivent les livres proposant des réformes à 18 ans, ceux qui exportent notre nom et notre savoir-faire à l'international, ceux qui réussissent dans leur domaine, et tous ceux qui ont décidé de rester pour faire avancer les choses. Leurs aventures, toutes sans exception, mériteraient d'être connues et racontées...