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Chroniques
La leçon de Mohamed Oussama
28/08/2018 | 16:59
3 min

Par Synda Tajine

 

Au milieu de tout ce brouhaha politique sans grand intérêt, se démarque un jeune homme comme les autres, mais pas du tout comme les autres. Oui car il n'y a que les jeunes pour briller et pour faire briller leur pays comme il se doit et comme ils le lui doivent.

Mohamed Oussama Houij a 27 ans. Si lui est anonyme, son périple ne doit pas le rester. Environnementaliste, féru d'écologie, artiste et, accessoirement, ingénieur en génie sanitaire, il a fait le pari fou de parcourir 300 km de plages tunisiennes afin de les nettoyer. Muni de sa bonne volonté, d'un stock de sacs poubelles, d'une tente, d'un peu de nourriture et d'un téléphone à moitié rechargé qui lui a permis de partager son périple sur les réseaux, Mohamed a relevé son défi hier et est venu au bout de son aventure.

Mohamed Oussama Houij a voulu apporter sa pierre à l'édifice en décidant de nettoyer lui-même les plages tunisiennes, victimes des milliers de baigneurs qui les fréquentent chaque été. Du moins d'y participer. Au lieu de passer son temps à se lamenter contre la saleté ambiante, sur les réseaux - comme nous le faisons tous, avouons-le - il a choisi d'agir. Sa charte est claire : « Aucun parti politique n'est le bienvenu sous l'emblème de 300 kilomètres. 300 kilomètres est une initiative citoyenne libre et le restera à tout jamais. Si vous voulez joindre le mouvement, le seul drapeau acceptable est celui du pays et de la terre ».

 

Cette aventure, Mohamed l'a commencée le 1er juillet dernier à Mahdia. Au fil des jours, en deux mois, 300 kilomètres ont été parcourus et 30 plages nettoyées. Le jeune homme a parcouru cette distance à pieds muni de son sac à dos et de ses sacs poubelles dans lesquels il a ramassé les déchets et saletés que d'autres ont jetés.

« Ça y est je la vois, la montagne de Boukornine, et le stade de Radés. Dans les parages se trouve mon chez moi, mais je laisse derrière moi un autre chez moi. Une route, des pistes, des visages, des mers et tellement d'histoires et de vécu que les larmes commencent d'elles mêmes à couler. J'ai presque réussi mon challenge, j'ai fais flotter mon drapeau sur 300 kilomètres de côtes et il ne m'en reste que quelques miettes. Bordel qu'est ce que j'ai aimé ces 300 kilomètres, bordel qu'est ce que j'en ai bavé pour ces 300 kilomètres, bordel qu'est ce qu'ils vont me manquer ces 300 kilomètres ... », a-t-il écrit hier sur sa page, servant de journal de bord pour son périple. Hier, il avait relevé son défi et bu la citronnade de la victoire à Slimane accompagné des personnes qui sont venues l'applaudir.

 

Alors qu'il offrait aux vacanciers des plages propres où il fait bon nager, son parcours n'a pas suscité que de l'admiration. Il a été pris pour suspect par la police et a fait un bref passage au poste pour expliquer ce qu'il faisait sur une plage, seul, muni de quelques sacs poubelle et d’un petit couteau. Difficile en effet d'expliquer à des policiers qu'un jeune militant de 27 ans puisse se consacrer, de son propre chef, sans aucune pression ni torture, à nettoyer des plages salies par d'autres, sans rien gagner en retour. Rien de concret, de l'avis de nombreux, du moins.

 

Alors que des municipalités jettent la balle aux citoyens critiquant leur absence de civisme, que les citoyens critiquent le manque de sérieux et de professionnalisme des municipalités qui ne nettoient pas comme il faut, que la saleté s'amoncèle de jour en jour, dans le ras-le-bol mais aussi l'indifférence générale, lui a décidé d'agir.

Entre ceux qui "pleurent leur Tunisie", ceux qui décident de la quitter parce qu'il ne fait plus bon y vivre et ceux qui restent, la mort dans l'âme, aigris et dépités de la situation actuelle, il en existe certains, rares mais bien là, qui ont décidé de se retrousser les manches et d'agir. Parmi eux, Mohamed Oussama Houij.

Ce périple peut sembler farfelu selon certains, ridicule selon d'autres, complètement inutile de l'avis de nombreuses personnes, compte tenu de l'énormité de la saleté qui ne peut être nettoyée en 2 mois. Mais il est de ces aventures qui peuvent réellement changer les choses. Bien plus que les discours, bien plus que les slogans, bien plus que des lois qui ne sont pas appliquées pour de vrai. Parce que l'avenir est entre les mains des jeunes et certains jeunes, bien conscients de cela, ont décidé d'agir.

Mohamed Oussama Houij n'est pas seul, il en existe plein d'autres comme lui, pas assez nombreux mais bien là. Ceux qui s'aventurent à créer des projets malgré la crise, ceux qui écrivent les livres proposant des réformes à 18 ans, ceux qui exportent notre nom et notre savoir-faire à l'international, ceux qui réussissent dans leur domaine, et tous ceux qui ont décidé de rester pour faire avancer les choses. Leurs aventures, toutes sans exception, mériteraient d'être connues et racontées...

28/08/2018 | 16:59
3 min
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Commentaires (7)

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bouglagem
| 29-08-2018 09:37
Nous habitants du quartier la triffa à Midoun nous sommes déespérés par le manque
de sérieux des services municipaux pour la collecte dess ordures ménagéres
Nous la malchance d'habiter a l"intérieur de la "ceinture touristique" juste 2 fonds de bidon
pour mettre les déchets .En cette période de grande chaleur le sol est jonchét de détritus
de tout genre puisque il y en a pas de conteneurs pour les mettre
Les services concernes font à leur guise puisque il n"y a aucun suivi
Ca serait bien que le maire de Midoun fasse comme la maire de tunis
c'est aller sur le terrain et voire ce qui se passe réellement
Nous avons nettoyé plusieurs fois mais le manque de grandes poubelles est vraiment problématique

Sami BLIDI
| 29-08-2018 09:08
Je suis admiratif devant cette initiative personnelle et bénévole de ce jeune tunisien réalisée sans tambour ni trompette. La Tunisie regorge de citoyens "propres" dans leur esprit et leur comportement civique et oeuvrent, chacun dans son entourage, à ce que la Tunisie reste propre et ce n'est pas une mince affaire. Malheureusement les pollueurs sont très nombreux et le font sans état d'âme rien qu'à regarder comment au quotidien jettent leurs ordures à bout de nez ou à travers les fenêtres de leurs voitures et salissent nos plages sans que (presque) personne n'ose les gronder au risque d'entendre "la saleté de ses oreilles".
En somme une belle leçon de citoyenneté '?

Gg
| 29-08-2018 07:23
Ce sont les premiers pas qui coûtent, et peu à peu nous nous sentons coupables de salir alors que d'autres ramassent. Et peu à peu une société change...
Ce jeune homme est un pionnier, et ce qui a marché ailleurs marchera ici.
Bravo à lui, merci !

Jilani
| 28-08-2018 21:03
J'ai visité cette semaine sidi Bouzid Saïd et j'étais content, cela fait des années que je n'ai pas sidi Bou dans cet état de propreté et surtout avec des touristes qui paraissent bien contents malgré les problèmes des boutiques d'artisanat trop encombrant au niveau du parking et la ruelle à côté et leur harcèlement des touristes avec aussi des insultes qu'on entend en arabe.

mansour
| 28-08-2018 20:18
un dimanche sur la plage de Monastir Karaya on a organiser une journée écologique pour les jeunes enfants filles et garçons ceux qui remplissent un sachets de détritus qui flottent sur la mer a droit au choix un soda ou une portion de pizza avec une revue pour enfants...voila qu'un ami d'enfance islamiste engagé qui a subit la prison avec ses deux enfants pour nous féliciter et participer puis s'est rapprocher de moi pour nous mettre en garde que la foule de barbus islamistes nous soupçonne de pédophilie car on a fait le choix seulement les filles et garçons de 7 à 14 ans...on a tenu bon et la fête s'est bien terminée avec la joie des filles et garçons motivés mais dans une ambiance tendue
Bravo Mohamed Oussama

Ali Baba au Rhum
| 28-08-2018 18:30
Madame une bien belle histoire que celle de ce héros anonyme; ce pourrait être au fond celle de tout être humain. on verra bien combien d'intérêt elle suscitera sur ce journal ; pas autant que celui qu'aura suscité la dernière pantalonnade de la mairie de Sfax ou la fanfaronnade présidentielle de Jo. Il est en ainsi; les gens acceptent de vivre dans une poubelle, à condition bien entendu qu'elle ne soit pas nahdhaoui.

déja-vu
| 28-08-2018 17:19
J'y crois absolument, aux individus déterminés qui valent mille chiffes molles inutiles.
On a tord de dénigrer les efforts de ce jeune homme. Pessimiste convaincu, ce genre de bagarreur solitaire et self-motivé me fait parfois penser que ce pays a encore de l'avenir.

Alors, rêvons...

Moi président, je lui confierais le ministère machin truc de l'environnement qui ne sert à rien sans hésiter une seconde. Il réussirait car il est clair qu'il ne sait pas que c'est impossible.