
L'avènement de l'intelligence artificielle conversationnelle, incarnée par des modèles comme ChatGPT, a transformé notre interaction avec la technologie. Ces outils puissants nous aident à rédiger des courriels, à générer des idées et même à apprendre de nouvelles choses. Cependant, derrière la fluidité et la courtoisie de leurs réponses se cache une réalité moins visible : une consommation énergétique non négligeable, subtilement influencée par nos propres habitudes de langage, y compris l'usage des formules de politesse.
Si l'on considère une seule interaction, l'énergie consommée par une requête à ChatGPT peut sembler minime. Pourtant, à l'échelle de millions d'utilisateurs interagissant quotidiennement, cette consommation s'accumule pour atteindre des chiffres considérables. Récemment, Sam Altman, PDG d'OpenAI, a publiquement souligné que l'habitude des utilisateurs d'inclure des "s'il vous plaît" et des "merci" dans leurs prompts contribue à une augmentation de "dizaines de millions de dollars" de la facture d'électricité de l'entreprise.
Cette affirmation, bien que potentiellement une simplification pour illustrer un point, met en lumière une vérité fondamentale : chaque mot, chaque caractère traité par un modèle de langage, a un coût énergétique. Les formules de politesse, bien que courtes, ajoutent des "tokens" supplémentaires à traiter, nécessitant une puissance de calcul accrue de la part des serveurs d'OpenAI.
Pourquoi les formules de politesse ont-elles un impact énergétique ?
* Traitement de chaque token : Les modèles de langage fonctionnent en traitant des séquences de mots ou de sous-mots appelés "tokens". Chaque token, qu'il s'agisse d'un mot substantiel ou d'une formule de politesse, requiert un certain niveau de calcul pour être interprété et intégré dans la réponse.
* Complexité du modèle : ChatGPT et d'autres grands modèles de langage sont des réseaux neuronaux complexes avec des milliards de paramètres. Le traitement de chaque requête active une partie de ces paramètres, consommant de l'énergie. Plus la requête est longue (en incluant des formules de politesse), plus cette activation est importante.
* Infrastructure des centres de données : L'exécution de ces modèles se fait dans d'immenses centres de données remplis de serveurs puissants. Ces serveurs consomment énormément d'électricité, non seulement pour le calcul lui-même mais aussi pour le refroidissement nécessaire afin d'éviter la surchauffe.
L'ampleur de la consommation énergétique de ChatGPT
Bien que les chiffres exacts varient et soient souvent des estimations, plusieurs sources convergent pour indiquer une consommation énergétique substantielle :
* Une étude de janvier 2025 estime qu'une requête à ChatGPT-4 consommerait environ 2,9 wattheures d'électricité, soit dix fois plus qu'une recherche Google standard.
* D'autres estimations suggèrent que ChatGPT pourrait consommer quotidiennement des dizaines de millions de kilowattheures, l'équivalent de la consommation de dizaines de milliers de foyers.
* La génération d'un simple courriel de cent mots avec ChatGPT-4 pourrait consommer l'équivalent de l'énergie nécessaire pour alimenter 14 ampoules LED pendant une heure.
L'impact environnemental au-delà de l'électricité
La facture énergétique n'est qu'une partie de l'impact environnemental des grands modèles de langage. Il faut également considérer :
* La consommation d'eau : Les centres de données nécessitent d'énormes quantités d'eau pour refroidir leurs serveurs. On estime que ChatGPT pourrait consommer quotidiennement des millions de litres d'eau.
* L'empreinte carbone : La production de l'électricité nécessaire au fonctionnement de ces modèles génère des émissions de gaz à effet de serre, contribuant au changement climatique. L'entraînement initial de modèles comme GPT-3 a déjà produit des quantités de CO2 équivalentes aux émissions de plusieurs voitures pendant toute leur durée de vie.
* L'utilisation de ressources : La fabrication des puces et du matériel nécessaires aux centres de données requiert l'extraction et la transformation de matières premières, avec un impact environnemental propre.
Faut-il arrêter d'être poli avec l'IA ?
L'intention de Sam Altman n'est probablement pas de décourager la politesse, mais plutôt de sensibiliser à l'impact cumulatif de nos interactions avec l'IA. Il ne s'agit pas de devenir brusque, mais peut-être de prendre conscience que chaque ajout à nos prompts a un coût, non seulement en termes de temps de réponse, mais aussi en termes de ressources énergétiques.
Vers une IA plus durable
La prise de conscience de cette facture énergétique cachée est essentielle pour encourager le développement et l'utilisation d'une IA plus durable. Plusieurs pistes sont explorées :
* Optimisation des modèles : Les chercheurs travaillent à rendre les modèles de langage plus efficaces en réduisant le nombre de paramètres nécessaires pour obtenir des performances similaires.
* Matériel plus efficient : Le développement de puces et d'architectures informatiques spécialement conçues pour l'IA pourrait réduire considérablement la consommation d'énergie.
* Énergies renouvelables : L'alimentation des centres de données avec des sources d'énergie renouvelable est cruciale pour diminuer l'empreinte carbone de l'IA.
* Conscience des utilisateurs : Une meilleure compréhension de l'impact de nos interactions peut encourager des pratiques plus sobres dans notre utilisation de l'IA.
En conclusion, si les formules de politesse que nous adressons à ChatGPT peuvent sembler anodines, elles contribuent, à l'échelle de millions d'interactions, à une facture énergétique et environnementale non négligeable. Cette prise de conscience est une étape importante vers une utilisation plus responsable et durable de l'intelligence artificielle. L'avenir de l'IA ne doit pas seulement être puissant et intelligent, mais aussi respectueux de notre planète.


