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Tunisie - Ennahdha a perdu la bataille de la rue
05/08/2013 | 1
min
Tunisie - Ennahdha a perdu la bataille de la rue
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Depuis le lâche assassinat du coordinateur général du courant populaire, Mohamed Brahmi, les faits sont là, Ennahdha n’a fait, en apparence, que lancer des appels à « l’union nationale». Mais la réalité est toute autre puisque ces appels sont accompagnés d’invitations à défendre une prétendue légitimité, depuis longtemps révolue et sans succès.

En effet, ces messages d’appel au calme, à la raison et à l’importance de préserver l’unité de la nation par les politiques se trouvent toujours accompagnés de menaces, implicites quand elles ne sont pas explicites, de mensonges, d’appels à la division et à la haine.
Un grand nombre de Tunisiens sont sortis ce 25 juillet sur tout le territoire tunisien, sans se concerter, manifester leur indignation et leur colère suite au meurtre politique dont a été victime Mohamed Brahmi et demander la chute d’un gouvernement jugé incompétent et incapable de garantir la sécurité des citoyens.

Face à ces mouvements spontanés, les gouvernants se sont contenté de souligner l’importance du retour au calme et de la sauvegarde de la légitimité, tandis que ces mêmes mouvements populaires spontanés étaient violemment matés par des agents de l’ordre déchaînés et bien assistés dans leur tâche par des contre - manifestants appartenant à ce qu’on appelle « ligues de protection de la révolution» résolument déterminés à défendre la « légitimité » .

Les violences policières et, osons le dire, miliciennes répétées plusieurs fois contre de simples citoyens ainsi que sur les députés qui se sont retirés de l’ANC, en sit-in au Bardo, ont fait bon nombre de blessés et causé même la mort d’un membre du Front populaire à Gafsa, Mohamed El Mufti. Les discours « politiques » tenus par les différents membres du parti au pouvoir, ainsi que par certains membres de la Troïka et même par un président de la République d'obédience, nous dit-on, droit-de-l'hommiste, accablent les protestataires d’être des putschistes, contre-révolutionnaires etc., et les menacent même d’une épée de Damoclès prête à tomber.
Aussi, Rached Ghannouchi, au passé fortement controversé, menace-t-il  le peuple lorsqu’il répond à ceux qui réclament la dissolution de l’ANC qu’il s’agit là « d’une ligne rouge à ne pas franchir » pour ensuite souligner que « Hormis cette condition, on reste ouvert à tout échange et à toute approche qui garantirait la sécurité et la stabilité dans le pays ».

Sahbi Atig, qui à mille lieux de son rôle politique a appelé, douze jours avant l’assassinat de Mohamed Brahmi, au meurtre de « toute personne qui piétine la légitimité en Tunisie » et donné le feu vert à la rue tunisienne pour « en faire ce qu’elle veut y compris de faire couler son sang (youstabahou)» ne nargue-t-il pas et ne défie-t-il pas le peuple, encore sous le choc de cet assassinat politique, rien qu’en rendant visite et en tenant un discours encourageant aux « défenseurs de la légitimité » au Bardo ?
N’a-t-on pas pu voir également un ministre de l’Agriculture parti enflammer les preux « révolutionnaires », défenseurs de la sacro-sainte « légitimité » du parti au pouvoir auquel il appartient, lors d’une soirée destinée initialement à rendre un dernier hommage aux soldats sauvagement assassinés la veille, au mont Chaâmbi. ?
Ou encore un Moncef Marzouki, exalté et fustigeant les sit-inneurs du Bardo alors qu’il était en plein discours tenu à l’occasion de l’enterrement de ces mêmes soldats, morts victimes d’un terrorisme de plus en plus en action.
Ces discours d’intimidation et de menace ont fait l’unanimité de la part de gouvernants dont le rôle exige, normalement, des propos rationnels et modérés condamnant la violence politique, appelant réellement au calme, à la cohésion sociale et essayant de sortir le pays de cette profonde crise politique en trouvant des solutions concrètes telles que la reconnaissance de l’échec de ce gouvernement et la démission.

Ces positions sont irresponsables et d’autant plus condamnables qu’elles sont doublées de violence verbale et provoquent la violence physique contre des manifestants sortis spontanément dans les rues, car poussés par l’émotion d’une tragédie qui a coûté la vie à une, puis à plusieurs personnes.
Il y a deux jours, la Tunisie s’est vu confirmer cette façon très spéciale de gérer les affaires de l’Etat avec de nombreux appels lancés par les membres du parti islamiste au pouvoir d’une « Malyounya » à la Kasbah, C'est-à-dire une manifestation comptant au moins un million de personnes, pour venir soutenir leur prétendue « légitimité » légalement révolue depuis le 23 octobre 2012.

Or, malgré la facilité de locomotion offerte par le ministère du Transport avec la mise à disposition de bus publics aux participants, des moyens publicitaires et mercantiles énormes, employés pour garantir la réussite spectaculaire de cette manifestation pro-légitimité, force est de constater que la « Malyounya » tant désirée n’a mobilisé, au grand dam de ses auteurs, que 15 000 personnes d’après le ministère de l’Intérieur.
Chiffre fortement contesté cependant par les islamistes et les chaînes proches du parti au pouvoir qui ne cessent de l’estimer tantôt à 150 000, tantôt à 200 000 personnes malgré le fait que la superficie de la place de la Kasbah ne permet de tolérer qu’un grand maximum de 50 000 personnes, un chiffre, du reste, impossible à atteindre.
Le fait que le parti au pouvoir a réagi très différemment vis-à-vis de ce troisième meurtre politique et , au lieu d’apaiser les esprits en appelant au calme et en prenant ses responsabilités, ( en démissionnant comme l’a précédemment fait Hamadi Jebali, suite au meurtre politique de Chokri Belaïd et comme cela se passe partout ailleurs quand il y a une grande crise politique), il agit tel un animal blessé et à l’agonie. C’est ainsi qu’il se débat pour se maintenir là où il est, en usant d’une répression à outrance, sans oublier les étranges attentats terroristes d’Al Qaïda surgis d’on ne sait où.

Ainsi, cette défaite cuisante du parti islamiste au niveau des discours des dirigeants, complètement dépouillés du cachet politique que leurs fonctions les obligent à tenir, discours qui supposent un minimum de raison et de modération, et au niveau d’une « malyounya » qui n’a même pas mobilisé 2% du nombre de manifestants escompté pour soutenir la « légitimité », nous font annoncer la mort clinique du parti islamiste en Tunisie dont il ne reste plus qu’à débrancher la machine.
Mort d’autant plus confirmée par l’annonce faite, le 4 août, par le coordinateur général de la coalition nationale pour la réalisation des objectifs de la révolution et pour la défense de la légitimité, de la levée du sit-in dit de pro légitimité, pour « préserver l’intérêt général du pays ».
Pourtant quand des actions sont en cohérence avec des convictions, elles sont, normalement, faites spontanément, sans directives, et maintenues jusqu’à la réalisation de leurs objectifs ou, du moins, leur prise en considération.

Inès Chaïeb
05/08/2013 | 1
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