Ceux qui sont censés nous protéger jouent avec le feu : infantilisme et irresponsabilité à tous les étages
Ronds-points, gares,centres commerciaux....
Laissez aller et négligence se monnayent.
Repérer les défaillances sécuritaires ne demande aucune expertise. Il suffit d’aller faire ses courses dans un supermarché pour tout comprendre. Les fouilles incomplètes, bâclées, à la hâte ou selon le faciès ne peuvent que nous inquiéter en ces temps de guerre contre le terrorisme. Pour en comprendre les raisons et connaitre les remèdes, Business News a interrogé deux experts en la matière, Rafik Chelly et Sahbi Jouini.
Malgré l’alerte élevée au niveau 3, soit le niveau le plus haut, la sécurité dans les lieux publics présente encore des failles. Les dispositifs appliqués comportent des vulnérabilités pouvant être exploitées à des fins mal intentionnées.
Pas plus tard que samedi dernier, une longue queue de passagers s’allongeait sur plusieurs mètres devant l’entrée de l’aéroport de Tunis-Carthage. Cette file d’attente non-protégée aurait pu constituer une cible « idéale » pour les terroristes. « Imaginez les dégâts qu’il y aurait eu si un terroriste était venu se faire sauter. Ca aurait été la catastrophe !», nous confie un expert en sécurité.
Autre exemple plus connu de ces vulnérabilités, ce sont les fouilles « incomplètes » et « à la va-vite » dans les espaces à forte fréquentation. « Les fouilles sont bâclées à l’entrée des supermarchés. Il y a quelques jours, je suis allé faire mes courses dans une enseigne très connue. L’agent de sécurité au parking m’a demandé d’ouvrir la malle arrière de ma voiture. Il a regardé hâtivement à l’intérieur, sans y passer son détecteur de métaux ni glisser la main dedans pour voir si quelque chose se cache, ou non, sous la carrosserie. J’avais aussi un sac à dos sur le siège arrière, il ne m’a pas demandé de l’ouvrir non plus. C’est pour vous dire que côté sécurité, on fait les choses à moitié », nous témoigne un jeune trentenaire.
Un constat partagé par d’autres personnes que nous avons interrogé. « Une fois, j’étais dans un hôtel prestigieux de la capitale. Il y avait un scanner placé à l’entrée de l’établissement. Je m’attendais à ce que je sois fouillé scrupuleusement surtout que je portais un manteau, mais à ma surprise, l’agent m’a demandé de passer mon chemin en me disant ‘ennes biwjouha’ (ndlr. Les bonnes personnes ont un bon faciès) », raconte un deuxième témoin.
Pour comprendre les raisons de ces manquements, nous avons pris contact avec Rafik Chelly, ancien secrétaire d’Etat chargé des Affaires sécuritaires. Pour lui, cela est dû au besoin grandissant de sécurité dans le pays. « La demande sécuritaire a explosé depuis la révolution. L’Etat n’est plus à même de faire face à ces nouveaux enjeux pressants et de plus en plus complexes », a-t-il expliqué.
D’où l’intérêt, selon lui, de déléguer « une partie de cette tâche » à des privés. « Les supermarchés, les banques, les hôtels, les galeries marchandes doivent s’auto-sécuriser en comptant sur leurs propres moyens », a-t-il souligné. « Cela, poursuit-il, a déjà commencé à être appliqué, notamment dans les unités hôtelières où l’on peut voir des gardes privés campés devant la porte et des caméras de surveillance installées dans tous les coins et reliées à un écran de contrôle. Maintenant, on remarque de plus en plus de sociétés qui emboitent le pas à ces hôtels ».
Cependant, cette sécurité privée n’est pas sans défaut. Et pour cause « le manque d’encadrement ». Notre interlocuteur nous explique que le seul moyen pour que les agents de sécurité privés soient formés c’est d’intégrer les centres de formation du ministère de l’Intérieur. Leur capacité étant limitée, ces derniers ne peuvent subvenir aux besoins croissants en formation du privé et du public. «Ce qui n’est pas sans impacter la qualité de l’encadrement et par ricochet la performance et l’efficacité des agents », a-t-il complété.
Mais, cette situation ne devrait plus durer longtemps. La loi régissant les métiers de gardiennage et de protection rapprochée prévoit, dans sa nouvelle version, de confier aux privés la possibilité d’ouvrir des centres de formation, fait savoir Rafik Chelly. « Une mesure qui est bénéfique pour le secteur. Car, elle allégera la charge des centres de formation publics et permettra par conséquent un meilleur encadrement aux agents du privé qui n’auront plus besoin d’attendre d’être formés par le ministère», a-t-il affirmé.
Interrogé par Business News, Sahbi Jouini, secrétaire général de l'union nationale des syndicats des forces de sûreté tunisiennes, a pointé un problème de moyens. Selon lui, le manque d’équipements handicape lourdement la sécurité. « Cela s’est fait constater il n’y a pas longtemps à l’aéroport de la capitale par une file d’attente monstrueuse », avance-t-il.
Par ailleurs, M. Jouini est favorable à l’idée que des retraités de l’Armée ou de la Police puissent lancer leurs propres sociétés privées de sécurité comme c’est le cas dans plusieurs pays, à l’instar de la France et des Etats-Unis. Au vu du contexte actuel et de la montée de la menace terroriste, l’Etat a plus que jamais besoin d’un renfort supplémentaire et de qualité.
La sécurité de nos ministères ne semble pas être meilleure non plus. Elle serait même pire. L’un de nos confrères de la presse écrite a mené, il y a quelques semaines, une enquête terrain sur le sérieux des dispositifs sécuritaires dans six ministères, censés être d’une sécurité hermétique. Le constat était édifiant. Zéro sécurité. Il a pu passer avec son sac à dos par toutes les portes. De l’entrée principale, à l’ascenseur jusqu’aux étages, sans avoir subi le moindre contrôle de papiers. Il s’est retrouvé seul plusieurs fois à se balader dans les couloirs et entre les bureaux. Son seul mot magique, c’était « Je suis journaliste. Je suis ici pour une interview ! ».
Ailleurs, dans des pays comme la France ou les Etats-Unis, la sécurité s’est transformée en une industrie bien organisée qui brasse des milliards de chiffre d’affaires. La sécurité est ainsi devenue un business qui rapporte en termes d’investissement, mais aussi en termes d’emploi. Si l’on sait bien en profiter, ce secteur pourrait être un vecteur pour l’emploi et la croissance en Tunisie.
Elyes Zammit
Crédit photo : Ridha Bouguezzi
Repérer les défaillances sécuritaires ne demande aucune expertise. Il suffit d’aller faire ses courses dans un supermarché pour tout comprendre. Les fouilles incomplètes, bâclées, à la hâte ou selon le faciès ne peuvent que nous inquiéter en ces temps de guerre contre le terrorisme. Pour en comprendre les raisons et connaitre les remèdes, Business News a interrogé deux experts en la matière, Rafik Chelly et Sahbi Jouini.
Malgré l’alerte élevée au niveau 3, soit le niveau le plus haut, la sécurité dans les lieux publics présente encore des failles. Les dispositifs appliqués comportent des vulnérabilités pouvant être exploitées à des fins mal intentionnées.
Pas plus tard que samedi dernier, une longue queue de passagers s’allongeait sur plusieurs mètres devant l’entrée de l’aéroport de Tunis-Carthage. Cette file d’attente non-protégée aurait pu constituer une cible « idéale » pour les terroristes. « Imaginez les dégâts qu’il y aurait eu si un terroriste était venu se faire sauter. Ca aurait été la catastrophe !», nous confie un expert en sécurité.
Autre exemple plus connu de ces vulnérabilités, ce sont les fouilles « incomplètes » et « à la va-vite » dans les espaces à forte fréquentation. « Les fouilles sont bâclées à l’entrée des supermarchés. Il y a quelques jours, je suis allé faire mes courses dans une enseigne très connue. L’agent de sécurité au parking m’a demandé d’ouvrir la malle arrière de ma voiture. Il a regardé hâtivement à l’intérieur, sans y passer son détecteur de métaux ni glisser la main dedans pour voir si quelque chose se cache, ou non, sous la carrosserie. J’avais aussi un sac à dos sur le siège arrière, il ne m’a pas demandé de l’ouvrir non plus. C’est pour vous dire que côté sécurité, on fait les choses à moitié », nous témoigne un jeune trentenaire.
Un constat partagé par d’autres personnes que nous avons interrogé. « Une fois, j’étais dans un hôtel prestigieux de la capitale. Il y avait un scanner placé à l’entrée de l’établissement. Je m’attendais à ce que je sois fouillé scrupuleusement surtout que je portais un manteau, mais à ma surprise, l’agent m’a demandé de passer mon chemin en me disant ‘ennes biwjouha’ (ndlr. Les bonnes personnes ont un bon faciès) », raconte un deuxième témoin.
Pour comprendre les raisons de ces manquements, nous avons pris contact avec Rafik Chelly, ancien secrétaire d’Etat chargé des Affaires sécuritaires. Pour lui, cela est dû au besoin grandissant de sécurité dans le pays. « La demande sécuritaire a explosé depuis la révolution. L’Etat n’est plus à même de faire face à ces nouveaux enjeux pressants et de plus en plus complexes », a-t-il expliqué.
D’où l’intérêt, selon lui, de déléguer « une partie de cette tâche » à des privés. « Les supermarchés, les banques, les hôtels, les galeries marchandes doivent s’auto-sécuriser en comptant sur leurs propres moyens », a-t-il souligné. « Cela, poursuit-il, a déjà commencé à être appliqué, notamment dans les unités hôtelières où l’on peut voir des gardes privés campés devant la porte et des caméras de surveillance installées dans tous les coins et reliées à un écran de contrôle. Maintenant, on remarque de plus en plus de sociétés qui emboitent le pas à ces hôtels ».
Cependant, cette sécurité privée n’est pas sans défaut. Et pour cause « le manque d’encadrement ». Notre interlocuteur nous explique que le seul moyen pour que les agents de sécurité privés soient formés c’est d’intégrer les centres de formation du ministère de l’Intérieur. Leur capacité étant limitée, ces derniers ne peuvent subvenir aux besoins croissants en formation du privé et du public. «Ce qui n’est pas sans impacter la qualité de l’encadrement et par ricochet la performance et l’efficacité des agents », a-t-il complété.
Mais, cette situation ne devrait plus durer longtemps. La loi régissant les métiers de gardiennage et de protection rapprochée prévoit, dans sa nouvelle version, de confier aux privés la possibilité d’ouvrir des centres de formation, fait savoir Rafik Chelly. « Une mesure qui est bénéfique pour le secteur. Car, elle allégera la charge des centres de formation publics et permettra par conséquent un meilleur encadrement aux agents du privé qui n’auront plus besoin d’attendre d’être formés par le ministère», a-t-il affirmé.
Interrogé par Business News, Sahbi Jouini, secrétaire général de l'union nationale des syndicats des forces de sûreté tunisiennes, a pointé un problème de moyens. Selon lui, le manque d’équipements handicape lourdement la sécurité. « Cela s’est fait constater il n’y a pas longtemps à l’aéroport de la capitale par une file d’attente monstrueuse », avance-t-il.
Par ailleurs, M. Jouini est favorable à l’idée que des retraités de l’Armée ou de la Police puissent lancer leurs propres sociétés privées de sécurité comme c’est le cas dans plusieurs pays, à l’instar de la France et des Etats-Unis. Au vu du contexte actuel et de la montée de la menace terroriste, l’Etat a plus que jamais besoin d’un renfort supplémentaire et de qualité.
La sécurité de nos ministères ne semble pas être meilleure non plus. Elle serait même pire. L’un de nos confrères de la presse écrite a mené, il y a quelques semaines, une enquête terrain sur le sérieux des dispositifs sécuritaires dans six ministères, censés être d’une sécurité hermétique. Le constat était édifiant. Zéro sécurité. Il a pu passer avec son sac à dos par toutes les portes. De l’entrée principale, à l’ascenseur jusqu’aux étages, sans avoir subi le moindre contrôle de papiers. Il s’est retrouvé seul plusieurs fois à se balader dans les couloirs et entre les bureaux. Son seul mot magique, c’était « Je suis journaliste. Je suis ici pour une interview ! ».
Ailleurs, dans des pays comme la France ou les Etats-Unis, la sécurité s’est transformée en une industrie bien organisée qui brasse des milliards de chiffre d’affaires. La sécurité est ainsi devenue un business qui rapporte en termes d’investissement, mais aussi en termes d’emploi. Si l’on sait bien en profiter, ce secteur pourrait être un vecteur pour l’emploi et la croissance en Tunisie.
Elyes Zammit
Crédit photo : Ridha Bouguezzi