alexametrics
mardi 06 mai 2025
Heure de Tunis : 06:41
A la Une
Limogé, le ministre de la Justice riposte et se défend
21/10/2015 | 19:58
5 min
Limogé, le ministre de la Justice riposte et se défend

Alors qu’on attendait un remaniement ministériel, dont les divers milieux, politiques, économiques et médiatiques, parlaient, la nouvelle du limogeage du ministre de la Justice, annoncée par la présidence du gouvernement, mardi 20 octobre 2015, a provoqué un véritable séisme chez l’opinion publique en Tunisie.

 

Une raison officielle a été invoquée par le premier concerné. Mais les analystes avertis en rajoutent d’autres tout en considérant ledit motif comme étant la goutte qui a fait déborder le vase.

 

En effet, les observateurs parlent d’une accumulation de reproches dont fait l’objet, depuis quelque temps déjà, le ministre de la Justice qui est critiqué, surtout, par les services sécuritaires l’accusant de l’absence de toute prise de décision ferme contre les différents juges qui ont libéré récemment des personnes suspectées de terrorisme.

 

Ces mêmes milieux sécuritaires affirment qu’en dépit des PV des brigades spécialisées et de la forte suspicion de l’implication de ces personnes dans des affaires de terrorisme, « certains juges se basaient sur les failles procédurales, ou des faits mineurs, pour libérer des personnes dangereuses ».

 

D’autre part, aussi bien à la Kasbah qu’au Palais de Carthage, on lui reproche sa prise de position sur l’article 230 criminalisant la sodomie. Le ministre a appelé à ce que cet article liberticide soit révisé, déclenchant l’ire de tous les conservateurs et des islamistes, au point qu’il a été désavoué clairement et publiquement par le président de la République en personne.

 

On reproche, aussi, à M. Ben Aissa ses dernières déclarations relatives aux pressions étrangères sur la Tunisie, (en allusion à l'ambassadeur américain), pour hâter l'adoption du projet de loi sur la traite des êtres humains.

 

Puis vint cette goutte de trop qui a précipité la décision de s’en passer de ses services. En effet, le chef du gouvernement n’a pas hésité un instant à se séparer de son ministre de la Justice qui a refusé d’assister à la plénière de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) consacrée à l’examen du projet de loi relatif au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) parce qu’il était contre la discussion et la modification de ces textes, objets de recours.

 

En dépit de l’insistance du chef du gouvernement et en dépit du calendrier serré, puisque cette loi devait être votée avant la fin du mois si l’on voulait respecter la Constitution, Mohamed Salah Ben Aissa a maintenu son attitude, ce qui lui a valu ledit limogeage spectaculaire par un communiqué laconique rendu public sur la page officielle de la présidence du gouvernement.

 

Qu’on en juge : « Le ministre de la Justice Mohamed Salah Ben Aissa a été démis de ses fonctions. Le ministre de la Défense, Farhat Horchani assurera la gestion des affaires de la justice par intérim ». Fin de citation.

 

Dans ses premières réactions, à chaud, à cette décision, le ministre démis a tenu à déclarer, le jour même, que « sa révocation du poste de ministre de la Justice intervient sur fond de profonds désaccords avec le gouvernement sur la méthode de travail… ».  Il a notamment, cité son refus de participer mardi à la séance d'ouverture de la deuxième session parlementaire.

 

A noter que la veille, la rapporteure de la Commission parlementaire de législation générale, Sana Mersni, a annoncé le report de l'examen du projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature prévu pour le mardi. Plus tard, le bureau de l'ARP décide d'inscrire ce projet à l'ordre du jour de la plénière inaugurale de la 2e session parlementaire.

 

Mohamed Salah Ben Aissa a expliqué, dans une déclaration accordée à l’agence TAP, avoir refusé, effectivement, de participer à la séance plénière de mardi, étant non convaincu de la dernière mouture de ce projet. Une version qu'il refuse complètement.

 

Concernant ses dernières déclarations relatives aux pressions étrangères sur la Tunisie, (toujours en allusion à l'ambassadeur américain), pour hâter l'adoption du projet de loi sur la traite des êtres humains, Ben Aissa a affirmé que cette question n'a pas été évoquée avec le chef du gouvernement.

 

Répondant aux accusations de l’ex-ministre de la Justice concernant ledit projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature, Abada Kéfi, député et président de la Commission de la législation générale à l’ARP, a indiqué que « les discussions et les propositions d’amendements du projet l’ont été en présence de M. Ben Aissa et avec son accord ».

 

Mais avec du recul, le ministre de la Justice a affirmé, aujourd’hui mercredi 21 octobre 2015, à l’émission Midi Show sur les ondes de Mosaïque Fm, que « sa démission était déjà dans sa tête mais il a préféré attendre la réponse de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois qui devait trancher sur les amendements apportés par la commission de législation au projet en question ».

 

Il a estimé que les amendements ont vidé le projet de son contenu mais que « le chef du gouvernement l’a envoyé à la l'instance en l'informant que la mouture finale est conforme aux attentes du gouvernement, et ce sans attendre l'aval du ministère de la Justice ».  Et d’ajouter qu'il n'était pas disposé à trahir ses convictions et d'accepter l'approbation d'un texte qu'il n'a pas approuvé ce qui constitue, selon lui, une atteinte à sa dignité.

 

Mohamed Salah Ben Aissa assure, par ailleurs, que les ministres sans partis constituent le maillon faible du gouvernement en estimant que « son limogeage aurait été, probablement, plus difficile s'il était membre d'un parti de la coalition au pouvoir ». Revenant sur ses déclarations quant à l'amendement de l'article 230 du code pénal criminalisant l'homosexualité, l’ex-ministre de la Justice a tenu à préciser qu’elle ont été mal interprétées…

 

En tout état de cause, cette décision de limogeage a surpris analystes et opinion publique de par son caractère spectaculaire et de par les explications et autres ripostes franches de la part du ministre démis, des pratiques auxquelles les milieux politiques tunisiens ne sont pas habitués.

 

Sarra HLAOUI

 

21/10/2015 | 19:58
5 min
Suivez-nous

Commentaires (11)

Commenter

chiraz
| 23-10-2015 09:59
je félicite ce Ministre, il a été droit dans ses bottes.

il n'a pas cherché le succès hypocrite en faisant partie du panier à crabes gouvernemental, il a par contre une profonde conscience à vouloir s'attacher à ses valeurs d'homme intègre.
il n'est peut être pas parfait....mais il démontre qu'il est parfaitement lui...un homme de valeur.

Nephentes
| 22-10-2015 15:41
Essid a cafouillé sous la pression contradictoire des sécuritaires et du corps de la magistrature

il n'a pas le courage de son ex-ministre de la justice

Il a préféré, dans l'urgence du moment , faire fi de la nécessité d'une justice crédible et indépendante et redonner souffle au système totalitaire.

Meilleurs v'ux donc à l'oligarchie mafieuse qui tient les rênes de ce pays

Plus question donc, d'une magistrature réellement indépendante, donc crédible et respectée.

Plus question non plus de faire respecter davantage la présomption d'innocence et les droits de la défense

Plus question également de bâtir une justice pour et par le peuple

Tout ceci augure de bien mauvais moments pour notre embryon d'état de droit

imed
| 22-10-2015 14:34
L'article 148 de la constitution tunisienne chèrement payée stipule que "Dans un délai maximum de 6 mois à compter de la date des élections législatives, il est procédé à la mise en place du Conseil Supérieur de la Magistrature, et dans un délai d'une année à compter de la date de ces élections à la mise en place de la Cour constitutionnelle."
Je vous cite : "En dépit de l'insistance du chef du gouvernement et en dépit du calendrier serré, puisque cette loi devait être votée avant la fin du mois si l'on voulait respecter la Constitution"

De quel respect de constitution parlez-vous???

KHOUROUTOU
| 22-10-2015 13:27
Sans entrer dans les détails..........

Comprendra qui voudra et comme il voudra..........

N'est-ce pas Monsieur ESSID.

Raad
| 22-10-2015 13:13
Bravo Mr Essid, a bon entendeur salut,les ministres doivent comprendre qu'ils sont là pour remetre le pays en état de marche et non pour avoir une carte de visite.
Nous devons sortir au plus vite de se marrasme dans lequel nous sommes depuis trois ans, par une mauvaise gestion de la troika et cie.
Les ministres qui se sentent mal à laise n'ont qu'a laisser la place à d'autres.
La justice doit être ferme et juste,il n'y a pas de demi mesure.

watani
| 22-10-2015 11:59
Les pratiques de ZABA sont installées par la médiocrité de ce gouvernement. Il n'est pas possible de diriger un gouvernement issu de la révolution si je puis m'exprimer par un esprit étroit de l'administration ancienne de ZABA comme si la révolution et les attentes des citoyens n'ont pas été prises en compte. Ces réflexes de gouvernance pourraient nuire à la démocratie car déjà le limogeage du Ministre de la justice a été déjà annoncé implicitement par BCE Président de la République bananière en indiquant au journaliste égyptien que la position du ministre de la justice sur l'article 230 n'engage pas le gouvernement, cela le concerne. Déjà, on sent l'odeur du limogeage du ministre, donc ce que disait Essid dans l'interview de Nesma que le Président n'intervient pas dans les décisions du chef du gouvernement est complètement faux. En fait Essid n'est pas un lion, mais un......

le ministre de la Justice, critiqué surtout, par les services sécuritaires l'accusant de l'absence de toute prise de décision ferme contre les différents juges qui ont libéré récemment des personnes suspectées de terrorisme, n'intervient pas dans les décisions des juges, étént rappelé que le justice est indépendante, mais ces juges pourraient être appelés par l'Assemblée pour demander des explication et la commission parlementaire de la justice pourrait engager une enquête sur les dépassements sur la mise en liberté des personnes dangereuses.
Pour ce qui concerne le refus du ministre d'assister à la plénière de l'Assemblée pour défendre le projet de loi relatif au CSM, nous considérons que sa position est tout à fait justifiable en raison de son désaccord avec la modification de son contenu. Est-il logique d'accepter l'approbation d'un texte et surtout le défendre qu'il n'a pas approuvé. Cette position du Premier Ministre me rappelle la période de ZABA, on ne discute pas les instructions, on les applique même si celles-ci sont contraires aux intérêts de la nation.
En résumé, BCE doit partir le plus rapidement possible car on a besoin :
1 - d'un président courageux qui prennent en compte les bonnes décisions et qu'il respecte la constitution (BCE l'opposé de Bourguiba)
2 - d'un chef de gouvernement non issu de l'administration, indépendant, visionneur et innovateur qui anticipe les problèmes et les solutions et qui donne confiance à ses ministres
3 - chaque ministre est responsable sur son plan d'action avec un suivi rigoureux
4 - le temps des blablas est dépassé, il faut des actes.

Lon
| 22-10-2015 11:35
J'ai lu (avec un peu de retard) votre plaidoyer contre le méchant Ben Ali sur lequel tous le couteaux aiguisés sont tombés, unis et "courageux", lorsque la bête abattue par un putsch étranger n'avait plus aucun moyen de se défendre. Même pas le droit à la parole.
D'ailleurs comment pourrait-il avoir droit à la parole alors qu'une partie infime des vérités qu'il cache ont mis en danger de mort des présentateurs télévisés qui n'ont eu d'autres choix que d'aller s'expatrier tout en jurant de taire à jamais ces vérités.
Mais que voulez-vous? Le méchant est parti! Le pays des bons tunisiens, démocrates dans le sang et loin de tout fanatisme, est "sauvé".
Mais ces mêmes tunisiens, commencent à applaudir de moins en moins fort ce grand moment salvateur qu'est la merdolution, se rendant compte de la véracité du refrain de la chanson de Kafon (ckoune fikom merte7).
PS: Si tu sais que je suis Léon l'Africain, tu dois avoir lu l'un de mes posts en 2008 qui, suite à la haine régionaliste que j'avais constaté lors de l'exercice 2008 du championnat tunisien, j'avais prédit que les tunisiens allaient détruire leur pays s'ils cette haine n'était pas stoppée. SVP, je n'arrive pas à le retrouver, si vous l'avez envoyez-le moi.
Bien Cordialement;
Léon, Min Joundi Tounis Al Awfiya;
VERSET 112 de la SOURATE des ABEILLES.

Adel
| 22-10-2015 10:58
C'etait un ministre null, boiteux, incapable de defendre ses prises de position. Bon debaras ..... la tunisie n a pas besoin d'autruche.

Settoute
| 22-10-2015 10:46
« Les tunisiens ont-ils perdu tout sens de la diplomatie. Si l'on est à quelques jours d'un remaniement ministériel, pourquoi n'a-t-il pas attendu quelques jours, ou au plus quelques semaines? Dans les règles de l'art. Bizarre! «  Léon






Là, Léon, vous semblez fatigué, car si les tunisiens du gouvernement ont manfestement perdu tout sens de l'honneur, si on élargissait à l'ensemble du peuple vous seriez atterré par la profondeur de l'abîme.
Pour notre ministre démissionné, il faut se souvenir un instant qu'il fut le bras droit de BCE, qui l'avait nommé secrétaire général du gouvernement, c'est à dire super-premier-ministre.
C'est le même BCE qui donne son aval à liquider le ministre de la Justice sans ménagement, c'est ensuite Habib le petit lion qui se charge de la sortie si peu honorable, indiquant par là-même qu'il est premier ministre des basses o e u v r e s, c'est à dire videur de boîte de nuit au lieu d'être à la hauteur de sa fonction selon le protocole.

Dans cette affaire, que j'avais qualifié de chakchouka entre Nidaa et Ennahdha, c'est en fait, une assida, entre Ennahdha et Nidaa qui dansent sur le corps du solitaire ministre de la Justice.

Quant au ministre lui-même, qui est certainement l'une des plus prodigieuse tête pensante du droit en Tunisie, je ne comprends pas encore, comment, il a pu croire qu'il serait soutenu par BCE, qui convole en lune de miel avec Ennahdha au sein du parlement. Je ne comprends pas qu'il ait pu se croire plus fort qu'Ennahdha qui lui a donné le coup de grâce. Je ne comprends pas qu'il n'ait pas envisagé qu'il puisse tomber par ces croche-pieds et ces paniers à crabes postés jours et nuits sur sa trajectoire.
A moins que, ce qui est tout à fait plausible, à moins que, dis-je, au sommet du ministère de la Justice, des cellules dormantes d'Ennahdha se sont activées et alors là, le meurtre parfait a pu se produire sans crier gare.
moralité de l'histoire, on ne couche pas impunément avec des meurtriers et meurtrières d'Ennahdha et de Nidaa réunies pour leur forfait!

3ABROUD
| 22-10-2015 08:33
MSBA travaille dans les règles de l'art, ce qui ne plait pas à notre administration encore atteinte par le syndrome zaba. Ce n'est pas une perte pour la nation, Monsieur MSBA est encore plus utile dans son établissement d'origine. Ce limogeage montre bien la cécité de notre administration boiteuse.