
Samir Saïed, ministre de l'Économie et de la Planification, a été limogé mardi 17 octobre par un communiqué sec de la présidence. L’un des très rares ministres valables du gouvernement sort la tête haute. Il n’a pas cessé de résister aux pressions et aux avertissements et est resté fidèle à sa politique de départ, celle de pousser le pays à entreprendre des réformes profondes.
C’est la fin classique de tout ministre qui travaille pour un gouvernement despotique. Il est limogé par un simple communiqué sec du pouvoir. En dépit des liens de parenté qu’il a avec le président Kaïs Saïed, Samir Saïed n’a pas été ménagé et a connu le même sort que ses prédécesseurs. Il est le neuvième ministre limogé cette année et le 66e dirigeant à être limogé depuis le putsch du 25 juillet 2021, selon un décompte réalisé par Business News.
En limogeant Samir Saïed, et tous les ministres qui l’ont précédé, le président de la République se désavoue lui-même, puisque c’est lui qui a nommé ces ministres à ces postes et c’est à eux qu’il a donné sa confiance pour entreprendre ce qui est nécessaire pour diriger leurs départements.
De deux choses l’une, soit Kaïs Saïed a fait une erreur de casting au moment de leur nomination, soit il a fait une erreur de jugement au moment de leur renvoi. Dans un cas comme dans l’autre, le chef de l’État a commis une erreur. Chose qu’il n’avouera jamais bien entendu.
Si certains limogeages sont amplement justifiés, comme dans le cas de la cheffe du gouvernement Najla Bouden ou du ministre de l’Emploi Nasreddine Nsibi, la plupart des sept autres sont le fruit de réactions impulsives du président de la République. De bons, voire très bons, ministres remerciés juste parce que le timing imposait de présenter un bouc-émissaire, hypothétique responsable d’une crise. C’est le cas de la ministre du Commerce Fadhila Rabhi ou celle de l’Industrie, Neila Nouira Gonji.
Pour le cas de Samir Saïed, les choses sont plus complexes. Son limogeage, à vrai dire, aurait dû se faire depuis des mois, quand Kaïs Saïed a affirmé clairement ne pas vouloir de réformes profondes appauvrissant le peuple ni du prêt du FMI.
Si l’on entend les discours de Kaïs Saïed et que l’on prête attention aux rares déclarations de son ministre de l’Économie, on voit tout de suite que les deux hommes sont diamétralement opposés.
Le premier est dans le populisme pur et dur, bien attaché au rôle social de l’État et totalement insensible aux questions de déficit budgétaire. Il veut des résultats à court-terme, sans aucune réforme douloureuse quitte à plomber les comptes et à compromettre l’économie nationale. Son dada, non avoué, est de rester populaire et d’être reconduit aux élections de 2024 (ce qui semble garanti à ce jour).
Le second, quant à lui, est préoccupé par l’équilibre des comptes, les réformes profondes et la croissance. Il mise sur le long terme et est conscient que la Tunisie ne sera jamais sur pied si elle n’entreprend pas les réformes nécessaires et très douloureuses, parmi lesquelles la privatisation, la réduction de la masse salariale de la fonction publique, l’encouragement de l’investissement…
Droit dans ses bottes, très courageux, Samir Saïed n’a jamais hésité à affirmer sa politique haut et fort, même si elle est l’exact contraire de celle du président. Il s’est même permis de lui lancer des piques directes et il est l’unique ministre à avoir osé faire cela.
Lors d’une séance plénière au parlement, le 28 juillet dernier, il a déclaré que « s’il n’y avait aucun accord conclu que ce soit avec le FMI ou avec l’alternative que nous n'avons pas actuellement, notre note souveraine serait abaissée (…) celui qui a une alternative au FMI n’a qu’à la proposer ».
Dans le viseur du ministre, il y a le président de la République qui, au même moment, chantait les louanges du socialisme et tançait tous ceux qui cherchent de l’aide à l’étranger au prix de la souveraineté nationale.
Dans l’esprit du ministre, la souveraineté nationale est étroitement liée à la note souveraine et à la capacité du pays à moderniser et mettre à niveau son économie.
Dans l’esprit du président, la souveraineté est un mot philosophique étroitement lié à la capacité de l’État de secourir ses citoyens et de refuser tout diktat venant de l’étranger.
Dans l’esprit du ministre, l’État se doit de privatiser les entreprises publiques évoluant dans des secteurs concurrentiels et alléger le grand fardeau des salaires de la fonction publique.
Dans l’esprit du président, la privatisation est synonyme de trahison. Non seulement, il est contre celles proposées par son ministre, mais il remet en question celles réalisées par ses prédécesseurs. Pour ce qui est de la masse salariale de la fonction publique, le président refuse de réduire la voilure et n’accepte qu’un seul type de limogeage, les fonctionnaires ayant falsifié leurs diplômes ou intégré la fonction publique par des moyens détournés.
Véritable père du plan de réformes proposé au FMI, Samir Saïed épouse son époque et cherche à faire de la Tunisie un pays moderne et libéral sur le long terme. Tout le contraire de Kaïs Saïed qui voit d’un très mauvais œil les structures néo-libérales et à leur têtes les organismes de Bretton Woods.
Théoriquement, notamment sous un régime autoritaire comme celui de Kaïs Saïed, Samir Saïed aurait dû réviser drastiquement sa politique pour coller à celle du président de la République, autoproclamé unique décideur. Sauf que voilà, Samir Saïed est resté fidèle à ses valeurs et à sa vision et n’a pas changé sa politique d’un iota, malgré les rappels à l’ordre directs et indirects, publics et discrets. Il a continué à naviguer avec sa propre boussole moderne refusant celle archaïque du président.
Il aurait pu jouer aux béni-oui-oui comme plusieurs de ses pairs, à leur tête le nouveau chef du gouvernement Ahmed Hachani, mais il n’est clairement pas de cette trempe-là.
Samir Saïed se considérait comme serviteur de la Tunisie et non serviteur de Kaïs Saïed. Il était là pour réformer la machine infernale de l’État lancée sans freins à pleine vitesse.
Samir Saïed était têtu et Kaïs Saïed est plus têtu que lui. Forcément, inévitablement, ce qui devait arriver arriva le 17 octobre avec un limogeage par un simple communiqué. C’était la loi du plus fort.
Kaïs Saïed s’est débarrassé de son ministre sans même lui trouver de remplaçant.
Comme on l’a vu dans plusieurs autres départements, ces derniers mois, il est fort à parier qu’il va chercher un béni-oui-oui qui ne lui dit jamais non et qui chante ses louanges publiquement devant les caméras.
Nizar Bahloul

Peut être même, la tête trop haute.
Contrairement a ce qu'a déclaré Samir Saied, la Tunisie a plusieurs alternatives et n'est pas force de se plier aux conditions du FMI.
Les prêts extérieurs comme ceux au prés du FMI sont nécessaires pour financer le déficit commercial. Le déficit commercial peut être réduit en encourageant les énergies renouvelables. Le déficit énergétique qui représente 60% du déficit commercial de la Tunisie peut être réduit de moitié avec un investissement très modeste de 180 millions de dollars. Le reste de l'investissement est en dinars et peut être financé par la banque centrale a travers l'émission de Green Bonds, comme c'est le cas de plusieurs pays dont la Reserve Bank of India.
La Tunisie n'a pas négocié avec d'autres bailleurs de fonds comme l'EximBank de Chine, et s'est contenté du FMI, dans une négociation entre deux parties si l'une des parties n'a pas d'alternative elle est contrainte de se soumettre aux conditions imposées.
L'Egypte qui est dans une situation financière aussi mauvaise que celle de la Tunisie (dette/pib de 89%) vient d'émettre des obligations Panda en Yuan pour financer les projets d'énergie renouvelable, développement durable et transport propre. Le montant était de 3,5 milliards de yuan (479 Millions de dollars), l'Egypte a un PIB qui est 4 fois celui de la Tunisie, la Tunisie a plus de ressources par habitant, est mieux gérée de point de vue financier (absence de projets éléphants blancs comme la nouvelle cite administrative prés du Caire, l'armée ne contrôle pas l'économie). Donc la Tunisie est en position d'émettre des obligations d'un milliard de Yuan pour accomplir les mêmes objectifs. Ces projets sont a très faibles risques et peuvent être accomplis en six mois.
Je ne comprends pas pourquoi parlez-vous de "Payer le prix de ...." ?
Jean Pierre Chevènement avait dit une fois " Un Ministre ça se tasse ou ça se casse ! "
N'ayant, nous-même tunisiens jamais acquis la politique de démission, pour diverses raisons d'ailleurs, pouvoir, patriotisme, fidélité, profits, peur, intérêt, ... peu importe, nous risquons de nous faire salement congédier à un moment ou à un autre.
Je suis aussi étonné que d'autres seraient content d'occuper le poste. Le même sort leur serait réservé et tant pie pour eux.
Sans doute erreure d'écriture
Allez, soyons optimiste un peu : le Dikatour Autiste nous pérapre la "Jamahirya el Arabya", celle qui va nous apporter "bonheur et prospérité".
Ministre
L Expert des risques financier Hattab
Siège L ancien siège du RCD .
Malhereuseument, la populace est aveugle et elle continuera à applaudir celui qui est en train de l'affammer, d'emprisonner les jouranlistes, avocats, opposants ....
ça arrange le Diktatour, qui "déchaîne" les écoliers en leur accordant une journée de "vacance" pour aller foutre le feu dans la rue, au lieu d'étudier et de produire de futurs inventeurs.
mais...ce n'est que partie remise!
PS : Abir Moussi, tu es dans nos coeurs, on ne t'oublie pas ; il paiera cette infamie, soyez en sure la Patriote.