
Le groupe terroriste de « Ajned Al Khilafa » a rendu publique une vidéo, dans la soirée du dimanche 23 novembre 2015, dans laquelle des images insoutenables du jeune berger assassiné sont diffusées. Mabrouk Soltani y livre son dernier témoignage avant de se faire décapiter par ses bourreaux. Bourreaux qui l’accusent d’être « un mouchard » et un « indic des forces de l’ordre ». Un avertissement par les terroristes à ceux qui auraient le malheur de collaborer avec les forces de l’ordre pour leur communiquer leurs coordonnées et les renseigner sur leurs déplacements.
Les deux mains ligotées derrière le dos, le jeune berger est interrogé par la voix floutée de l’un de ses bourreaux. On y voit un jeune homme, visiblement terrorisé, qui répond aux questions qui lui sont posées sans prendre le temps de réfléchir, comme s’il récitait un texte préalablement préparé.
Une thèse corroborée par l’Armée qui réagit à la vidéo, le lendemain, pour affirmer que les aveux soutirés au jeune berger auraient été faits sous la menace. Le communiqué de presse publié dans la matinée du lundi 23 novembre, dément par ailleurs le fait que le jeune Mabrouk Soltani ait été approché par un quelconque organe militaire ou sécuritaire, ni le fait qu’il ait reçu une somme d’argent pour fournir des renseignements sur les déplacements des terroristes, comme indiqué sur la vidéo.
Dans son communiqué, le ministère de la Défense indique que la finalité de la diffusion d’une telle vidéo réside dans la volonté des terroristes de « justifier leur crime » et de « manifester leur allégeance au groupe terroriste auquel ils appartiennent ». En l’occurrence, Daech.
En effet, l’organisation de l’Etat islamique a revendiqué l’attentat perpétré, vendredi 13 novembre comme le jeune berger de la localité de Jelma, dans le gouvernorat de Sidi Bouzid. Dans l’après-midi, aux environs de 17h, le cousin du défunt livre, à la famille, la tête tranchée de Mabrouk, enveloppée dans un morceau de tissu. Un geste, qui se veut symbolique pour les terroristes et qui survient après des menaces proférées contre les jeunes bergers par les jihadistes retranchés sur les hauteurs du Mont Mghilla, selon le témoignage donné par un autre cousin du défunt.
Dans son intervention sur Nessma Tv, hautement suivie et commentée par l’opinion publique, Nessim Soltani, cousin de Mabrouk, affirme que c’est tout le clan des Soltani qui a été menacé par les terroristes retranchés à Jelma. Le message est donc un avertissement collectif aux éventuels « indics » des membres de l’Armée. Les bergers, faisant partie des rares habitants à s’aventurer encore dans les hauteurs montagneuses désormais déclarées « territoire » des terroristes, sont hautement menacés par ces derniers. On les accuse d’être des indics et de fournir des informations sur les déplacements des jihadistes aux forces de l’ordre.
En réalité, les berges sont, depuis quelques semaines, la cible préférée des terroristes. Un autre civil a été sauvagement assassiné par des jihadistes à Kasserine. Il s’agit d’un berger adulte dont l’assassinat a été revendiqué par la brigade terroriste Okba Ibn Nafaâ, appartenant à AQMI, le 13 octobre dernier. Une vidéo comportant les dernières images du berger, avant son assassinat, a également été rendue publique sur la toile.
Il s’agit de vidéos partagées sur des sites publics de partage de vidéos tels que Youtube ou Dailymotion. Aucun média sérieux, digne de ce nom, n’a repris le contenu de ces images pour le diffuser dans ses colonnes et ce, afin de ne pas faire le jeu des terroristes et ne pas tomber dans le piège de leur propagande.
Simplement, certaines images ont fuité dans certains médias, dont la chaîne Al Wataniya, qui lors du JT de 13h de samedi dernier, a laissé passer l’image de la tête décapitée de Mabrouk Soltani, entreposée dans le frigo familial en attendant d’être récupérée par les forces de l’ordre. Des images choquantes qui ont vite fait de susciter l’indignation générale et le rédacteur en chef du journal télévisé se retrouve aussitôt éjecté de son poste. Une sanction sans précédent prise par la chaîne publique qui affirme, selon un communiqué, sa volonté de « présenter une matière audiovisuelle conforme aux normes du métier » ainsi que « son respect de la dignité humaine et de la sensibilité du téléspectateur ».
Si occultée par la presse digne de ce nom, la vidéo a été cependant largement partagée sur les réseaux sociaux et sur certains sites internet. Ceci a permis à l’affaire Soltani de servir de gagne-pain à un autre type de presse. La presse à scandale, celle sui surfe sur la vague du sensationnalisme et qui attire l’audimat en exploitant le malheur des gens.
Lors de l’émission hebdomadaire de Samir El Wafi, diffusée hier dans la soirée du vendredi 20 novembre 2015, « Liman Yajroô », les parents du jeune berger assassiné ont été offerts sur un plateau à l’opinion publique. Une mère en pleurs qui quémande de l’aide aux autorités et un père affichant son deuil en public a, en effet, de quoi faire vendre. En témoignent les chiffres réalisés par la chaîne, concernant son audience de la soirée d’hier. El Hiwar Ettounsi a été en effet la chaîne la plus regardée lors de la soirée du dimanche, grâce à l’émission à forte audience de Samir El Wafi.
La vidéo de la décapitation de Mabrouk Soltani, au-delà de la violence des images, a suscité une réelle controverse auprès de l’opinion publique. Des journalistes et des activistes, très présents sur la toile, en ont profité pour critiquer l’Etat. Selon Yassine Ayari, faire appel à des informateurs mineurs ramènerait l’Etat au même rang que l’organisation terroriste Daech. Dans un post Facebook, publié aujourd’hui, le blogueur s’indigne de voir « qu’aucune tête de responsable ou de ministre ne soit tombée après cette mascarade », appelant, par la même, à garantir plus de droits aux indicateurs dont une prime fixe et une couverture sociale. Pour lui, celui qui fait appel aux services d’un indicateur mineur « mériterait la peine de mort », ajoute-t-il dans un deuxième post.
Le président du parti politique, Tayyar Al Mahaba, profite lui aussi de l’occasion pour surfer sur la vague du populisme et annoncer son soutien inconditionnel à la famille du défunt Mabrouk Soltani. Sur sa page Facebook, qui lui sert de porte-voix pour sa propagande populiste, l’homme politique annonce sa prise en charge de la mère du martyr qui a été soignée dans une clinique privée pour une opération des yeux. Six posts Facebook ont été rendus publics sur la toile par l’homme politique afin de faire valoir sa « bonne action ». Des images, peut-être tout aussi insoutenables que la vidéo elle-même, d’une pauvre femme qui vient de se faire opérer et qui se rétablit, sur un lit d’hôpital, mitraillée par l’objectif d’une caméra.
Si l’horreur du message des terroristes a été délibérément occultée par les journalistes afin de ne pas participer à la guerre psychologique menée par les bourreaux contre les civils assassinés, c’est une autre guerre psychologique qui a vu le jour. Le malheur d’une famille endeuillée et les dommages collatéraux du fléau terroriste servent visiblement aussi bien les terroristes que les commerçants de la misère parmi politiques et hommes des médias.
Synda TAJINE

Commentaires (6)
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ALLAH YARHMOU
Le térrorisme se nourrit de ces mercenaires !
ALLAH YARHMOU L'enfant SOLTANI !!! C'est horrible !!!! C'est ça l'ISLAM ? Si c'est vraiment l'ISLAM il faut s'en débarasser avant qu'il ne soit trop tard !
Un mineur qui a été manipulé pour effectuer le role d'un rapporteur? Espérons que ce n'est pas vrai...
el Wafi profite de l 'Audimat mais ces parents ont eu l 'occasion d 'etre reconnus et de parler de leur deuil
Shame on you
La voix floutée
Faut pas chercher ailleurs.