Béji Caïd Essebsi spectateur de l'effritement de Nidaa Tounes…
Les événements au sein de Nidaa Tounes se sont précipités à une vitesse vertigineuse durant ces dernières quarante-huit heures. De quoi faire planer des menaces, plus que jamais sérieuses, sur l’avenir du premier parti du pays et celui qui contrôle le pouvoir en Tunisie.
La crise, qui couvait depuis plusieurs mois déjà, vient de connaitre son apogée aujourd’hui. Après une accalmie de 24 heures dans les tensions vécues par le parti, la scène politique a été marquée, en ce dimanche matin, par la nouvelle d’affrontements violents entre le service de sécurité de Nidaa et « des personnes étrangères au parti venues pas bus pour empêcher la tenue de la réunion du Bureau exécutif de Nidaa dans un hôtel à Hammamet », selon un communiqué des membres présents à ladite réunion. Dans des réactions immédiates, on accuse immédiatement Hafedh Caïd Essebsi et Ridha Belhaj d’être derrière les troubles. L’autre camp se défend et affirme que ce seraient au contraire les membres du bureau exécutif qui sont derrière les violences au sein de la réunion d’aujourd’hui.
La semaine passée, les tensions étaient déjà à leur comble lorsque des dirigeants de Nidaa et non des moindres, à savoir le président, le secrétaire général et le porte-parole officiel révèlent avoir reçu des invitations, sous forme de convocation par huissier en vue d’assister à une réunion du Comité constitutif, un certain mardi 3 novembre 2015. Criant au scandale, les membres dirigeants récipiendaires de cette invitation, ont négativement réagi et annoncé qu’ils refusent ce genre de procédés et affirmé qu’ils n’assisteraient pas à une telle réunion.
Plus encore, le secrétaire général appelle à une réunion pour aujourd’hui dimanche 1er novembre 2015 à Hammamet. Et entretemps, Hafedh Caïd Essebsi publie un statut dans lequel il crie à la manipulation et dément l’envoi d’une telle « convocation ». Mais, Boujemâ Remili, porte-parole officiel et Mohsen Marzouk, secrétaire général de Nidaa, confirmeront l’information et affirmeront qu’ils on bien reçu la notification par huissier de justice.
Malgré les tensions, on ne pouvait s’attendre au débordement qui a éclaté aujourd’hui. Réagissant à chaud, le dirigeant de Nidaa Tounes, Faouzi Elloumi, a assimilé l’attaque contre la réunion du bureau exécutif du parti, annulée aujourd’hui, à « un acte terroriste », le comparant aux violences perpétrées par les Ligues dites de protection de la Révolution. Intervenant sur Shems Fm et sur Jawhara Fm au sujet des violences qui ont éclaté aujourd’hui, dimanche 1er novembre 2015, M. Elloumi a déclaré que « ce qui s’est passé aujourd’hui n’a aucun rapport avec Nidaa Tounes », accusant par la même « des milices payées et ramenées par bus pour s’attaquer à la réunion et empêcher sa tenue, et ce sur instigation de Hafedh Caïd Essebsi et Ridha Belhaj».
Selon les dires de Faouzi Elloumi, « Ils [les assaillants] appartiennent au camp de Djerba et ont été payés pour foutre le trouble », a-t-il dit précisant que la réunion tenue par le camp de Hafedh Caïd Essebsi à Djerba, le 18 octobre, a réuni quelques cadres de Nidaa, mais plusieurs membres extérieurs au parti. « Ceux qui veulent faire un coup d’Etat au sein du parti ont fait leur cinéma parce qu’ils n’ont aucune popularité », a-t-il dit.
Dans l’autre camp, Abdelaziz Kotti affirme de son côté, dans une déclaration à Business News, qu’il a été lui-même, ainsi que des élus du parti, empêché d’assister à la réunion étant donné que des milices se sont interposées et leur ont barré l’accès à l’aide de bâtons. « Les milices sont dirigées par le député Walid Jalled, muni lui-aussi de bâton », dit-il. Et d’ajouter que « Mohamed Ennaceur et Mohsen Marzouk ont commis une grave erreur en appelant à cette réunion du dimanche qui constitue une provocation flagrante à l’encontre des militants de Nidaa, et que les accusations portées contre Hafedh Caïd Essebsi et Ridha Belhaj sont infondées ».
Nous avons contacté un autre dirigeant à Nidaa et opposant au courant de HCE : Lazhar Akremi. Ce dernier n’y est pas allé par quatre chemins en accusant nommément Hafedh Caïd Essebsi et Ridha Belhaj d’être derrière toutes les perturbations survenues ces derniers temps.
Et ce n’est pas fini. La réunion, interrompue le matin, a pu se tenir, quelque temps après, à un endroit différent où les participants auraient mis au point une lettre adressée au président de la République lui demandant de prendre les mesures qui s’imposent envers Ridha Belhaj, directeur du cabinet présidentiel, dans le sens où il devrait arrêter d'user de sa double casquette en prenant parti pour un camp contre un autre au sein de Nidaa. Plusieurs rumeurs ont circulé quant à un éventuel limogeage de M. Belhaj suite à cela. Rumeurs qui ont rapidement été « catégoriquement » démenties par la présidence de la République.
Face à tout cela, le président de la République, Béji Caïd Essebsi fondateur du parti, a été étrangement silencieux. Un silence qui n’a pas manqué d’étonner les analystes, dans le sens où toute perturbation au sein de ce parti aura des répercussions inéluctables sur le rendement et le fonctionnement du gouvernement et, par voie de conséquence, sur la gestion des affaires du pays.
En effet, les mêmes observateurs estiment que BCE devrait user de son influence et de son autorité morale afin de remettre de l’ordre au « bercail » et éviter, ainsi, un éventuel effritement de ce parti. Un effritement prévisible que plusieurs avaient redouté, voire carrément prévu, après l’élection présidentielle. On avait assuré, à l’époque, que Nidaa Tounes valait beaucoup plus par la personnalité et le charisme de son président fondateur que par ses structures et sa cohésion. Cette thèse est-elle en train de prendre forme et de se confirmer ? Tous les indices actuels le laissent entendre et d’aucuns se demandent si la rupture et la scission de ce parti n’est pas imminente.
Les bruits qui ont filtrés de la réunion d’aujourd’hui laissent entendre que deux blocs à part verront le jour au sein de l’Assemblée des représentants du peuple et qu’un nouveau parti, émanant de Nidaa, verrait bientôt le jour. On n’en est pas encore là, mais dans le cas d’espèce, quelles seront les retombées de l’alliance avec Ennahdha et quel avenir du paysage politique et partisan en général ?