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Chroniques
On dit que le Tunisien n'aime pas travailler…
19/10/2015 | 15:58
6 min

A l’actualité cette semaine, les différends au sein de Nidaa Tounes. On est presque en bataille rangée. Le sujet n’ayant rien d’intéressant pour le Tunisien et son quotidien, il ne devrait pas prendre plus de place qu’un encart au bas d’une page d’un journal. Occupons-nous donc de ce qui intéresse le Tunisien.

L’autre actualité cette semaine, les différends au sein de Nidaa Tounes. Encore ? Au vu des unes des médias et de ce qui buzze sur les réseaux sociaux, aussi bien chez les Nidaïstes que l’opposition, Nidaa est l’occupation première des Tunisiens. Zappons et passons à ce qui est vraiment intéressant.

L’actualité de la semaine, disais-je, est… Nidaa Tounes ! Blague à part, on commence à en faire trop avec un parti âgé de trois ans dont les membres, toutes tendances confondues, sont en train de livrer une bataille rangée entre eux, comme les gamins de la « houma » se disputant un ballon. Il faudrait qu’il y ait un « kbir el houma » pour leur confisquer la balle, leur tirer les oreilles et leur ordonner ensuite de rentrer faire leurs devoirs immédiatement. Et des devoirs à faire, ils en ont !

La véritable actualité de la semaine aurait dû être les assassinats de citoyens par des terroristes. Ni plateaux télé, ni analyses, ni rien. Il est vrai que le berger assassiné ne s’appelle pas Ridha Charfeddine ou Moez Ben Gharbia, mais il est extrêmement dangereux que l’on banalise autant le sujet. La banalisation a atteint le point honteux qu’il n’y ait eu aucun officiel présent à l’enterrement. Cette seule absence aurait dû faire la une de tous les médias.

 

Si la semaine était vide d’actualité véritable, c’est à cause notamment de ces deux jours fériés consécutifs, mercredi et jeudi. On sort à peine des vacances estivales, suivies de celles de l’aïd que nous nous trouvons face à des congés prolongés. Entre la séance unique deux mois par an, le week-end prolongé qui commence concrètement vendredi à midi (on ne maudira jamais assez le responsable !), le mois de ramadan, le mois de congé annuel et les différents ponts et congés « volés » que les salariés s’autorisent, l’administration tunisienne et les entreprises qui respectent la législation n’ont plus vraiment de temps pour produire et créer de la valeur ajoutée.

J’étais ce matin avec le président de la République qui, après avoir exposé brièvement la situation calamiteuse par laquelle passe l’économie du pays, a conclu : « le Tunisien n’aime pas travailler ! ».

Ceci est vrai, mais la généralisation est exagérée, quand on voit de près.

La Tunisie est aujourd’hui divisée en deux, celle qui paie ses impôts et subvient aux besoins du reste de la population. Cette Tunisie là, pour différentes raisons (dont beaucoup d’objectives) n’aime pas travailler. Et il y a l’autre Tunisie, celle qui ne paie pas ses impôts et qui, elle, travaille, paradoxalement ! Je m’explique.

 

D’après les chiffres officiels et les déclarations de plusieurs hauts responsables et analystes, le commerce informel représente la moitié de l’économie tunisienne. Peut-être même davantage.

Or, regardons autour de nous. Durant les différents jours fériés, la séance unique et pendant que fonctionnaires et salariés jouissent du farniente, les « travailleurs » du commerce informel ne chôment pas. Ils bossent 6 jours, voire 7 jours par semaine, ne réclament rien, n’observent pas de grève et ne rouspètent jamais. Ils ne sont pas syndiqués, n’ont ni de congé annuel, ni de congé maladie et ne savent même pas ce qu’est une pointeuse. Les patrons de ces travailleurs (les commerçants informels, les chefs de gang, les contrebandiers…) ne subissent ni de grève, ni de négociations salariales. Ils n’entendent pas parler des prud’hommes, ne reçoivent pas les inspecteurs du fisc ou du travail, ne se soucient nullement  de la déclaration CNSS et n’ont jamais rempli de feuille d’impôt.

Contrairement aux chefs d’entreprises légales et aux investisseurs légalistes, ces « patrons » ne subissent pas de double imposition la fin de l’année, n’ont pas d’avance sur l’IP à régler chaque trimestre et ne paient pas la TVA chaque mois. Ils ne paient pas non plus 1,5% de TFP pour des formations dont ils ne profitent jamais pour des raisons d’ordre bureaucratique.

Ces Tunisiens qui ne rouspètent pas - et ceux qui les emploient - représentent 50% du PIB national (le vrai, pas celui qu’on lit dans les journaux) et personne n’en parle jamais. Et pourtant, ils travaillent d’arrache-pied plus que tous les autres, ceux dont tout le monde parle.

 

En clair, et pour résumer la situation, on a d’un côté une Tunisie qui respecte la loi et paie ses impôts, mais ne travaille pas assez ; et d’un autre côté, une Tunisie qui ne respecte pas la loi et ne paie pas ses impôts, mais travaille un peu trop. Comment rétablir un équilibre entre ces deux Tunisie, de telle sorte que tout le monde paie ses impôts, respecte les lois et produise suffisamment pour que la machine économique fonctionne ? Pour que chacune des deux Tunisie accomplisse ses devoirs et obtienne ses droits ?

La solution est présentée dans une tribune d’opinion de Mohamed Ben M’Barek, publiée cette semaine par nos confrères de Leaders. Ingénieur de Polytechnique Paris, DEA en méthodes scientifiques de gestion et docteur en économie publique et régulation, M. Ben M’Barek appelle à une « révolution économique en Tunisie ». Un véritable pavé dans la mare cette analyse dont je recommande fortement la lecture (cliquer ici ) .

Cette tribune explique pourquoi nous en sommes là, pourquoi nous vivons dans un marasme, pourquoi la Tunisie (avec ses lois) empêche la naissance d’un Bill Gates ou d’un Mark Zuckerberg. « Si un yacht people rempli des plus grands entrepreneurs du monde (Zuckerberg & co) arrivait sur nos côtes, en demandant la nationalité et la résidence Tunisienne, ils n'auraient d'autres choix que de cesser toute activité professionnelle », dit-il avant de relater cette vérité très tunisienne : « Ou nous nous enrichissons ensemble ou personne ne s'enrichit. La valeur gauchiste et communiste de l'égalité sociale tire vers le bas et persécute les têtes qui dépassent. »

Et de citer ensuite le docteur en sciences économiques et ancien journaliste français Philippe Simonnot dans cette autre vérité : «La corruption peut être analysée comme une revanche de l'économie de marché sur l'étatisme. Elle permet à une économie étouffée par les règlementations et les impôts de fonctionner quand même. Sans marché noir, le régime soviétique se serait écroulé beaucoup plus vite. (...) Ce n'est pas la corruption qu'il faut combattre en premier lieu, mais l'État en ce qu'il est criminogène.»

 

Tout est dit ! Le hic c’est que ni Habib Essid, ni Slim Chaker (de purs produits de l’Etat) ne vont faire quoi que ce soit pour réformer l’Etat et son fonctionnement. Ils n’ont pas la mentalité adéquate.

Encore moins du côté de l’opposition qui ne jure que par le socialisme et le protectionnisme et fait de la « défense des pauvres » son fonds de commerce. Quant aux médias, ils préfèrent traiter les sujets générateurs d’audience, comme les différends de Nidaa, de l’article 230 et des querelles d’identité arabo-musulmane ou laïco-progressiste.

Appliquer les recommandations de l’analyse de Mohamed Ben M’Barek reviendrait à dire « laissez les riches entreprendre et vous sauverez les pauvres » ! En Tunisie, pareille phrase est pire qu’un blasphème. Et pourtant, c’est cette recette  et uniquement cette recette qui crée la richesse. Facebook et Google en sont la preuve ; Bill Gates et Steve Jobs en sont les témoins. 

19/10/2015 | 15:58
6 min
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Commentaires (33)

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luqman
| 24-10-2015 11:43
Si les investisseurs étrangers ne se bousculent pas en Tunisie et de manière générale dans les pays arabes c'est parce qu'ils connaissent la mentalité des arabes.
Une mentalité en clin à vouloir l'argent sans fournir d'effort.
De plus quand vous voulez embaucher, après une courte période l'embauché vous menace de quitter son poste s'il n'est pas augmenté rapidement et de beaucoup.
Avec une telle attitude, les investisseurs préfèrent laisser les pays arabes à leur couscous merguez et thé et investir dans les pays d'Asie ou de l'Europe de l'est.
Nous ne sommes pas plus bêtes que les autres mais trop gourmand tout de suite.

FARFALLA
| 23-10-2015 10:35
Bonjour tout le monde
l'allemagne a compris il y a 3 ans qu'il coutait beaucoup plus cher ( et a moindre resultat) de combattre la contre bande que de l'encadrer , BA l'a compris y a presque 20 ans , pourquoi depenser de l'argent pour mettre en prison des travailleurs acharnés en plus de combattre les grand bandi de la famille , voila on met ces grands bandi Trabelsya que je respecte wallah , a la tete de ces bandits incontrollables , on reussira ainsi a gerer et maitriser ou canaliser cette contre bande on fait des 1/2 lois pas de TVA peut etre mais un peut de profitabilité Taxes et gains c'est mieux que rien compte tenu du labeur de ces gens ils feront rentrer a l'etat plus que les feneant de l'etat meme a 1/10 de leurs taxes, un manque a gagner dans la securité , un manque a gagner dans nos entreprises , et il n'a que 2 tetes connu a taper dessus quand ca deconne , un peu de profitabilité c'est le prix a payer c'est mediocre quant au gain qu'on fait contre cette politique.
mais non le tunisien feneant et jaloux et hassoud n'a pas vu qu'il peut aller tranquille a moncef bey et acheter tt ce qu'il veut a bas prix ou qu'il peut manger et s'ahabiller du Frip tranquille il a vue que les trabelsi gagnent des milliard alors que nous non , toute cette pseudo revolution mascarade s'est basé sur ceci chbik 3andek flous!! les greves se basent sur chbik inti andek wena la , ah si je n'ai pas ce que t'as je te demoli voila ca resume tout.

Abdou
| 22-10-2015 08:55
Vous citez Bill Gates et compagnie, faut-il encore préciser que ces gens là rémunèrent convenablement leurs collaborateurs et leurs salariés contrairement aux Tunisiens qui exploitent jusqu'à la moelle leurs travailleurs. Allez demander aux secrétaires et autres employées de maison et vendeuses combien gagnent-elle par mois? Alors que leurs employeurs affichent une opulence choquante. Si ces malheureux travailleurs et travailleuses réclament d'être mieux payés la réponse fuse : tu veux partager avec moi le bénéfice ( t7eb ta9sem m3aya!!!! M Bahloul soyez plus objectif et moins dogmatique SVP.

james-tk
| 21-10-2015 17:17
Vous aimez travailler vous ?
Personne n'aime travailler;tenez,même le grand philosophe Coluche l'avait dit: 'A la télé ils disent tous les jours y a trois millions de personnes qui veulent du travail.C'est pas vrai : de l'argent leur suffirait.' !
Noël est sur les portes,faudrait peut-être penser offrir à chaque tunisienne et tunisien une machine à billets!

Jilani
| 20-10-2015 22:32
J'ai fermé ma société à cause de la corruption qui se trouve partout dans l'administration: justice, douane ... Je travaille tout dans l'export de service avec des contrats, des factures. L'administration m'a demande de justifier cela par des bons commandes pré numérotés. Et ceci pour 2014 un exercice clôture. Impossible d'avoir ces bons de commande de mes clients. Je reçois un avertissement sinon j'aurai un pv. Voici notre administration qui bloque toutes les personnes qui travaillent. Je pousse mes enfants a rester a l'étranger et ne pas rentrer dans ce pays de merde fait pour des des postes, des profiteurs. Voilà que BCE dont plusieurs tunisiens ont fait confiance et qui veut passer le pouvoir à son fils avec la bénédiction d'ennahdha et de la mafia tunisienne.

Un tunisien
| 20-10-2015 18:35
Les charges sociales sont très lourdes,
Les charges fiscales sont très lourdes,
Les charges administratives sont très lourdes,
les charges commerciales sont très lourdes,
les autorités administratives sont très lourdes,
les paroles de tous les hommes politiques actuels sont extrêmement lourdes.
Tout est lourd et de plus en plus lourd.
Par contre le marché parallèle est simple et clair.
Tirons-en des conclusions et arrêtez de prendre les tunisiens pour des cons en supprimant le timbre de voyage dont 0.001% des tunisiens en vont bénéficier, et en augmentant la TVA de 2% dont 99,99999% des tunisiens vont en pâtir.
NB : encore une fois bravo pour le texte de M.Bahloul, bonne approche et bonne analyse de la situation de merde qui prévaut actuellement. Je crois qu'il est urgent de faire venir à la rescousse les docteurs en économie exilés aux Etats Unis et en France et les intégrer en tant que conseillers.
Suivons l'exemple de la FTF : elle a obtenu de loin de meilleurs résultats avec des techniciens étrangers, à l'exception de Chetali. Il est vrai que bon nombre de sportifs réfléchissent mieux que ces politiciens « pourris jusqu'à l'os ».
N'oublions pas qu'un bon sportif a un esprit sain dans un corps sain !!!
Et nos politiciens qu'ont-ils dans leur esprit ??? Quant à leur corps, ils ressemblent aux contours de la Tunisie : un ventre assez volumineux et un derrière non négligeable. Heureusement qu'ils n'ont que ça de la Tunisie.

TeTeM
| 20-10-2015 14:08
L'article relève des choses intéressante mais je pense que l'analyse n'est pas assez poussée. L'opposition Tunisie qui n'aime pas travail/Tunisie qui travail dur mais en dehors du cadre légal me semble être une erreur.

Dans un cas, on a un système hiérarchique avec des salariés ou des fonctionnaires, sans doute trop protégé ou avec une hiérarchie trop laxiste qui ne réprimande pas assez le manque de productivité ou les absences surprises.

De l'autre, nous avons des personnes qui travaillent pour leur compte comme l'a si bien souligné @Rationnell. Lorsque l'on met sa tête dans le billaud, on ne peut que travailler. Et ceci est d'autant plus lorsque l'on est pauvre.

50% de l'économie Tunisienne n'est pas "hallal". Mais existe t-il une analyse approfondie de cette économie parallèle? Une cartographie? Il faut la comprendre et l'analyser. On la trouvera plus facilement dans des secteurs peu développée et les quartiers populaires.

C'est une réponse à un chômage qui n'a cessé de progresser (y compris sous ZABA,...) et à un développement économique qui a délaissé des régions entières (ne venez pas me parler de régionalisme mais ouvrons donc les zyeux et admettons que sous Bourguiba et ZABA, certaines régions - et notamment le Sahel - ont été plus avantagée que certaines régions du Sud).

Le système ZABA que Léon, JW et leurs amis se plaisent à vanter a eu du bon sur le plan Macroéconomique mais commençait à essouffler. Il a aussi créé des inégalités qui ont facilité la chute du Régime...

On ne peut pas analyser la situation actuelle sans faire un peu d'histoire. On ne peut pas non plus faire une analyse en prenant comme point de départ la révolution. Car cela revient à oublier ce qui s'est passé juste avant... Bref, il nous manque des chiffres, des statistiques, des graphiques, tout un tas de données qui pourraient étayer des analyses économiques.

Il est aussi certain que la situation actuelle ne peut pas durer. Des mesures sont à prendre d'urgence afin de détruire cette économie parallèle ou du moins la faire basculer dans un cadre légal. Mais pour le moment, je ne vois pas de volonté de lutter contre ça...

Pour ce qui est de la corruption, je pense que c'est un autre soucis... La base de Simmonot est juste même si on ne peut pas qualifier la Tunisie d'économie Étatique. Mais, entre les barrières douanières, les looooooooooooooooonguuuuuuuuuuuuuues procédures administratives, etc... Il y a effectivement pas mal de facteurs qui ouvrent cette porte.

TeTeM
| 20-10-2015 13:41
Je propose que l'on vous offre le prix nobel d'économie!!!

Ha les égos... y en a parmi les contributeurs de ce site!

sauf, que permettez moi de vous faire un saut dans le passé. L'économie parallèle ne date pas de ce que vous qualifiez de "merdolution". Tout ceci a commencé à proliférer et à prendre de l'ampleur sous ZABA. La vente d'essence Lybienne sur la route Sfax/Gabes/Medeninne doit bien avoir 10 ans...

Croco
| 20-10-2015 11:37
Au lieu d'augmenter les taxes à tout bout de champ , l'état devrait commencer à balayer devant sa porte.
Comment voulez vous qu'un employé touchant 520 Tnd net mensuel paye environ 60 Tnd d'IRPP.
Il est découragé car il travaille pour des fonctionnaires qui ne travaillent pas beaucoup et le font aller 10 fois pour obtenir un papier .
L'état ferait de grandes économies en supprimant les voitures de services , bons d'essence , diminuer le nombre de fonctionnaires ,etc...
Que l'état donne l'exemple et ensuite demande aux autres de faire un effort.
Ce même raisonnement est valable pour les entreprises qui payent la CNSS et leurs impôts et qui sont toujours maltraitées.
Tant que le modèle économique ne changera pas nous continuerons à reculer.
Et ce qui est malheureux c'est que de nombreux experts ont préconisé ces changements , mail l'état est toujours sourd.....
Comment expliquer ce comportement , c'est ce que je souhaiterais comprendre.
Il y a de quoi se poser beaucoup de questions ?????????

Ratonnel
| 20-10-2015 11:18
Je pense que vous avez formule votre critique sans lire l'article puisque vous répétez les memes arguments que NIzar Bahloul dans votre critique. L'économie informelle marche parce que les petits commerçant qui y participent sont motives et qu'ils doivent fournir un effort pour gagner leurs pains contrairement aux bureaucrates qui sont recompenses meme s'ils ne fournissent aucun effort. Le problème de l'économie n'est pas donc l'économie informelle mais l'économie bureaucratique parasitaire.

Ce que Nizar Bahloul et Mohamed Ben M'barek recommendent est deja la réalité sur le terrain puisque 50% ou plus de l'économie est informelle. Des petits commerces qui vendent e achètent sans passer par les rouages de l'état. Ce qui marche en Tunisie c'est l'informel. L'économie étatique avec son million de bureaucrates super proteges par l' UGTT et gates par l'état. Il est temps d'alleger les procedures bureaucratiques te de réduire la taille de la bureaucratie qui coute trop et enfonce la Tunisie dans un fosse de dette croissante.