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Tunisie : un an de répression contre les défenseurs des migrants, Amnesty accuse
08/05/2025 | 13:02
4 min
Tunisie : un an de répression contre les défenseurs des migrants, Amnesty accuse

 

Amnesty International appelle les autorités tunisiennes à libérer immédiatement les défenseurs des droits humains, les membres d’ONG et les anciens responsables locaux détenus « arbitrairement » depuis un an pour leur soutien légitime aux réfugiés et migrants.

« Cette répression, qui s’inscrit dans une offensive plus large contre la société civile tunisienne, est alimentée par une montée de la xénophobie et a gravement perturbé l’aide humanitaire essentielle », estime l’organisation dans un communiqué publié le 7 mai 2025.

 

Depuis mai 2024, les autorités ont mené des descentes contre au moins trois ONG apportant une assistance vitale aux réfugiés et migrants, arrêtant au moins huit de leurs membres ainsi que deux anciens responsables municipaux ayant collaboré avec elles. En parallèle, des enquêtes pénales ont été ouvertes contre au moins quarante autres personnes en lien avec des activités associatives parfaitement légitimes.

« Il est profondément choquant que ces défenseurs des droits humains soient emprisonnés depuis plus d’un an simplement pour avoir porté assistance à des personnes en situation de grande précarité. Ils n’auraient jamais dû être arrêtés », a déclaré Sara Hashash, directrice régionale adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord chez Amnesty International.

 

Les 3 et 4 mai 2024, la police tunisienne a arrêté Mustapha Djemali et Abderrazak Krimi, respectivement directeur et chef de projet du Conseil tunisien pour les réfugiés (CTR), une ONG travaillant avec le HCR et les autorités tunisiennes pour enregistrer les demandeurs d’asile et leur fournir une aide essentielle. Depuis, ils sont maintenus en détention provisoire, accusés d’avoir « facilité l’entrée clandestine » d’étrangers et de leur avoir fourni un abri, des accusations fondées uniquement sur leur travail humanitaire.

Entre le 7 et le 13 mai 2024, Sherifa Riahi, Yadh Bousselmi et Mohamed Joo, anciens responsables de Terre d’asile Tunisie, ont été arrêtés. Ils sont poursuivis pour avoir prétendument « abrité » des personnes entrées ou sorties illégalement du territoire et « facilité » leur séjour — là encore uniquement en raison de leur soutien aux migrants, souligne l’organisation.

Un juge d’instruction a même invoqué un « plan de la société civile soutenu par l’Europe » visant à « intégrer socialement et économiquement » les migrants irréguliers, pour justifier les poursuites.

Le 11 mai 2024, l’ancienne adjointe au maire de Sousse, Imen Ouardani, a elle aussi été arrêtée, accusée d’avoir abusé de sa fonction dans le cadre d’un partenariat entre sa municipalité et Terre d’asile Tunisie.

 

Selon le droit international, la détention préventive ne devrait être utilisée qu’à titre exceptionnel. Elle doit reposer sur une évaluation individualisée démontrant un risque réel de fuite, d’entrave à l’enquête, de récidive ou de danger pour autrui, « ce que les autorités tunisiennes n’ont jamais prouvé dans ces cas », souligne Amnesty.

« Criminaliser des activités humanitaires essentielles revient à bafouer les droits fondamentaux. Offrir un soutien à des réfugiés ou migrants, quel que soit leur statut, est protégé par le droit international et ne saurait être assimilé à du trafic d’êtres humains », a rappelé Sara Hashash.

 

La répression s’est intensifiée après des campagnes racistes sur les réseaux sociaux visant notamment le CTR et Terre d’asile Tunisie, accusés d’aider à l’installation de migrants subsahariens. Le 6 mai 2024, le président Kaïs Saïed a qualifié les ONG travaillant sur la migration de « traîtres » et de « mercenaires ».

Le lendemain, un procureur a annoncé l’ouverture d’une enquête pour « soutien financier à des migrants en situation irrégulière », et plusieurs comptes bancaires d’ONG ont été gelés. Résultat : depuis mai 2024, l’accès à l’asile, aux soins, à la protection de l’enfance et à l’aide juridique a été considérablement réduit, laissant des milliers de personnes, y compris des enfants non accompagnés, en situation de grande vulnérabilité.

En avril 2025, le ministre de l’Intérieur Khaled Nouri a affirmé que les autorités étaient prêtes à « contrer tout plan visant à altérer la composition démographique de la Tunisie », des propos qui ont nourri une flambée de violences racistes, notamment dans les régions frontalières.

 

Parmi les autres organisations ciblées figurent Mnemty, association de lutte contre le racisme, dont neuf membres sont visés par une enquête pour des crimes financiers sans preuve tangible à ce jour, ainsi que Children of the Moon (à Médenine), qui œuvre pour les droits de l’enfant. Salwa Ghrissa, directrice de l’Association pour la Promotion du Droit à la Différence (ADD), est quant à elle détenue depuis le 12 décembre 2024 dans le cadre d’une enquête sur les financements de l’organisation.

« Les autorités tunisiennes doivent immédiatement cesser de criminaliser les activités humanitaires et mettre fin à la stigmatisation dangereuse de la société civile », conclut Amnesty.

 

M.B.Z 

08/05/2025 | 13:02
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