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Cannabis en Tunisie : Un mal traité par un autre
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Consommer du cannabis en Tunisie, c’est risquer gros. En effet, la loi consécutive à la pénalisation est sans indulgence. Pourtant, fumer de la « Zatla » est une pratique répandue chez bon nombre de jeunes, qui risquent d’être arrêtés pour cause de consommation à chaque coin de rue ou presque. D’aucuns, considèrent cette loi anti-cannabis comme répressive et tentent de soulever le débat autour de la question de la dépénalisation. C’est le cas de l’initiative portée par Maître Ghazi Mrabet : « Al Sajin 52 » (Prisonnier 52). Etat des lieux d’un mal qui ronge la société et qui n’est, pour beaucoup, pas traité avec la bonne approche. Constat, témoignages et alternatives pour une réforme d’un système jugé comme destructeur.
La loi 52 promulguée le 18 mai 1992 sur les stupéfiants, stipule que « sera puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 1.000 à 3.000 dinars tout consommateur ou détenteur, à usage de consommation personnelle, de plantes ou matières stupéfiantes, hors les cas autorisés par la loi. La tentative est punissable» (article 4).
La loi antidrogue est un legs du régime Ben Ali. Des conditions et des sanctions spécifiques régissent cette loi. Effectivement, il se trouve que ce texte est l’un des rares à rejeter les circonstances atténuantes, dérogeant ainsi aux formalités d’usage pour toutes les infractions du code pénal.
Beaucoup y voient un texte de loi sévère. La peine minimale, fixée par la loi n°92-52 du 18 mai 1992 relative aux stupéfiants, est donc d’un an d’emprisonnement ferme et de 1.000 dinars d’amende. Mais d’autre part, il est spécifié dans l’article 8 de cette même loi que les personnes ayant fréquenté sciemment un lieu où il y a usage de stupéfiants, seront punies d’un emprisonnement qui variera de six mois à trois ans et d’une amende de mille à cinq mille dinars.
Le constat d’une législation antidrogue est, pour beaucoup, étayé par l’impossibilité de recourir aux circonstances atténuantes, afin de diminuer la peine encourue ; l’article 12 de la loi 52 en étant l’illustration parfaite.
Une telle législation a des répercussions négatives sur une grande partie de la société tunisienne. Les jeunes sont les premiers concernés par cette loi. Les statistiques le prouvent : la tranche d’âge des détenus pour consommation de stupéfiants varie entre 18 et 35 ans. Les usagers du cannabis sont donc essentiellement des jeunes. Retenons que selon les chiffres révélés par le directeur général des prisons, Habib Sboui, les détenus pour usage de cannabis représentent le tiers de la population carcérale tunisienne. Il précise que sur « 25.000 détenus, 8.000 l’étaient pour infraction aux stupéfiants, la plupart, pour consommation».
Selon certains activistes, cette loi a détruit la vie de plusieurs jeunes, elle a brisé des carrières professionnelles ou des études en cours. Pendant l’ère Ben Ali, la loi 52 était utilisée comme un moyen de répression. Les contrôles de papier ou encore les abus policiers sont fréquents et débouchaient sur un test d’urine confirmant l’usage de stupéfiants.
Belhassan, un jeune entrepreneur a subi les frais de cette loi. Après son arrestation il a été interrogé pendant 8 jours par les policiers en subissant des agressions physiques et psychologiques, selon son témoignage. A sa sortie de prison, il a eu du mal à s’adapter dans un système qui le rejetait vu ses antécédents. « Pas question, lors d’un entretien d’embauche de parler de ma détention et quand l’employeur demandait le B3, je perdais le poste. Concernant le recrutement dans la fonction publique, il n’est même pas la peine d’y penser », nous déclare-t-il.
Raya, une jeune étudiante s’est fait attraper en rejoignant son domicile après une soirée chez des amis : « C’était un contrôle de papiers habituel. Mon amie était entrain de remettre son permis à un policier lorsqu’un deuxième est arrivé en renfort. Il a commencé à nous insulter et, de fil en aiguille, nous nous sommes retrouvées au poste de police. Mon interrogatoire, je l’ai vécu comme un cauchemar. A ma sortie je ne pouvais plus supporter de vivre en Tunisie, j’ai choisi de quitter mon pays » rajoute-t-elle.
Tant et tant de cas similaires de jeunes incarcérés pour consommations de cannabis laissent à penser qu’une nouvelle approche législative est à souhaiter.
Les cas similaires sont nombreux. Des jeunes arrêtés pour consommation de cannabis, nos prisons en regorgent, selon les chiffres et les constats qu’en font certains activistes sensibles au dossier. Une des raisons pour lesquelles ceux-ci se mobilisent afin de réclamer une révision de l’approche législative propre au sujet.
Après la révolution tunisienne, les langues ont commencé à se délier. Une manifestation a été organisée, devant le siège de l’ANC, demandant la révision de cette loi, le 19 février 2012. Slim Amamou bloggeur et ancien secrétaire d’Etat à la Jeunesse, avait alors déclaré être favorable à une dépénalisation de la consommation du cannabis en Tunisie. Plus récemment, le sujet a suscité un intérêt médiatique. Invité à l’émission Labes, présentée par Naoufel Ouertani, un couple a proclamé haut et fort être des consommateurs de « zatla ». Ils se sont affichés à visage découverts, bravant les tabous et les préjugés et réclamant des changements dans la manière dont ce sujet qui les concerne de près est abordé.
Ghazi Mrabet, avocat proche du milieu militant, a récemment créé, en compagnie d’un groupe d’activistes, une initiative citoyenne dans ce même contexte. « Al Sajin 52 » a donc vu le jour, il y a de cela une semaine, avec pour objectif la relance du débat sur la réforme de la loi antidrogues.
Dans une déclaration accordée à Business News, Me Mrabet affirme que cette initiative vise à bousculer les consciences et à trouver une alternative. Selon lui, la plupart des affaires relatives à l’usage de stupéfiants comportent un vice de forme. Il cite à titre d’exemple, le test urinaire qui prouve la consommation. Selon lui, « la majorité des tests THC se font contrairement à ce que stipule la loi, non pas en présence d’un médecin, mais, pour la plupart des cas, d’un policier ».
Contrairement à ce que certains pensent, cette initiative tend non pas à la légalisation de la consommation du cannabis, mais aspire à « la réforme d’une loi considérée comme stricte ». Elle appelle à l’annulation de la peine d’emprisonnement, en la remplaçant, à titre d’exemple, par des travaux d’intérêt général, plus utiles pour la collectivité et moins « destructifs » que la mise à l’écart.
Certes le cannabis détruit des vies et des familles entières, mais c’est aussi la répression anti-cannabis qui se charge, dans bien des cas, de le faire.
La loi 52 promulguée le 18 mai 1992 sur les stupéfiants, stipule que « sera puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 1.000 à 3.000 dinars tout consommateur ou détenteur, à usage de consommation personnelle, de plantes ou matières stupéfiantes, hors les cas autorisés par la loi. La tentative est punissable» (article 4).
La loi antidrogue est un legs du régime Ben Ali. Des conditions et des sanctions spécifiques régissent cette loi. Effectivement, il se trouve que ce texte est l’un des rares à rejeter les circonstances atténuantes, dérogeant ainsi aux formalités d’usage pour toutes les infractions du code pénal.
Beaucoup y voient un texte de loi sévère. La peine minimale, fixée par la loi n°92-52 du 18 mai 1992 relative aux stupéfiants, est donc d’un an d’emprisonnement ferme et de 1.000 dinars d’amende. Mais d’autre part, il est spécifié dans l’article 8 de cette même loi que les personnes ayant fréquenté sciemment un lieu où il y a usage de stupéfiants, seront punies d’un emprisonnement qui variera de six mois à trois ans et d’une amende de mille à cinq mille dinars.
Le constat d’une législation antidrogue est, pour beaucoup, étayé par l’impossibilité de recourir aux circonstances atténuantes, afin de diminuer la peine encourue ; l’article 12 de la loi 52 en étant l’illustration parfaite.
Une telle législation a des répercussions négatives sur une grande partie de la société tunisienne. Les jeunes sont les premiers concernés par cette loi. Les statistiques le prouvent : la tranche d’âge des détenus pour consommation de stupéfiants varie entre 18 et 35 ans. Les usagers du cannabis sont donc essentiellement des jeunes. Retenons que selon les chiffres révélés par le directeur général des prisons, Habib Sboui, les détenus pour usage de cannabis représentent le tiers de la population carcérale tunisienne. Il précise que sur « 25.000 détenus, 8.000 l’étaient pour infraction aux stupéfiants, la plupart, pour consommation».
Selon certains activistes, cette loi a détruit la vie de plusieurs jeunes, elle a brisé des carrières professionnelles ou des études en cours. Pendant l’ère Ben Ali, la loi 52 était utilisée comme un moyen de répression. Les contrôles de papier ou encore les abus policiers sont fréquents et débouchaient sur un test d’urine confirmant l’usage de stupéfiants.
Belhassan, un jeune entrepreneur a subi les frais de cette loi. Après son arrestation il a été interrogé pendant 8 jours par les policiers en subissant des agressions physiques et psychologiques, selon son témoignage. A sa sortie de prison, il a eu du mal à s’adapter dans un système qui le rejetait vu ses antécédents. « Pas question, lors d’un entretien d’embauche de parler de ma détention et quand l’employeur demandait le B3, je perdais le poste. Concernant le recrutement dans la fonction publique, il n’est même pas la peine d’y penser », nous déclare-t-il.
Raya, une jeune étudiante s’est fait attraper en rejoignant son domicile après une soirée chez des amis : « C’était un contrôle de papiers habituel. Mon amie était entrain de remettre son permis à un policier lorsqu’un deuxième est arrivé en renfort. Il a commencé à nous insulter et, de fil en aiguille, nous nous sommes retrouvées au poste de police. Mon interrogatoire, je l’ai vécu comme un cauchemar. A ma sortie je ne pouvais plus supporter de vivre en Tunisie, j’ai choisi de quitter mon pays » rajoute-t-elle.
Tant et tant de cas similaires de jeunes incarcérés pour consommations de cannabis laissent à penser qu’une nouvelle approche législative est à souhaiter.
Les cas similaires sont nombreux. Des jeunes arrêtés pour consommation de cannabis, nos prisons en regorgent, selon les chiffres et les constats qu’en font certains activistes sensibles au dossier. Une des raisons pour lesquelles ceux-ci se mobilisent afin de réclamer une révision de l’approche législative propre au sujet.
Après la révolution tunisienne, les langues ont commencé à se délier. Une manifestation a été organisée, devant le siège de l’ANC, demandant la révision de cette loi, le 19 février 2012. Slim Amamou bloggeur et ancien secrétaire d’Etat à la Jeunesse, avait alors déclaré être favorable à une dépénalisation de la consommation du cannabis en Tunisie. Plus récemment, le sujet a suscité un intérêt médiatique. Invité à l’émission Labes, présentée par Naoufel Ouertani, un couple a proclamé haut et fort être des consommateurs de « zatla ». Ils se sont affichés à visage découverts, bravant les tabous et les préjugés et réclamant des changements dans la manière dont ce sujet qui les concerne de près est abordé.
Ghazi Mrabet, avocat proche du milieu militant, a récemment créé, en compagnie d’un groupe d’activistes, une initiative citoyenne dans ce même contexte. « Al Sajin 52 » a donc vu le jour, il y a de cela une semaine, avec pour objectif la relance du débat sur la réforme de la loi antidrogues.
Dans une déclaration accordée à Business News, Me Mrabet affirme que cette initiative vise à bousculer les consciences et à trouver une alternative. Selon lui, la plupart des affaires relatives à l’usage de stupéfiants comportent un vice de forme. Il cite à titre d’exemple, le test urinaire qui prouve la consommation. Selon lui, « la majorité des tests THC se font contrairement à ce que stipule la loi, non pas en présence d’un médecin, mais, pour la plupart des cas, d’un policier ».
Contrairement à ce que certains pensent, cette initiative tend non pas à la légalisation de la consommation du cannabis, mais aspire à « la réforme d’une loi considérée comme stricte ». Elle appelle à l’annulation de la peine d’emprisonnement, en la remplaçant, à titre d’exemple, par des travaux d’intérêt général, plus utiles pour la collectivité et moins « destructifs » que la mise à l’écart.
Certes le cannabis détruit des vies et des familles entières, mais c’est aussi la répression anti-cannabis qui se charge, dans bien des cas, de le faire.
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