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L'indépendance de la BCT en question : qu'en pensent les experts ?
25/10/2024 | 15:53
6 min
L'indépendance de la BCT en question : qu'en pensent les experts ?

 

27 élus ont déposé une proposition de loi portant sur la révision du statut de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Cet amendement toucherait directement l’indépendance de l’autorité monétaire, en lui imposant de nouveaux rôles et en l’empêchant de jouer le sien sans ingérence politique. Mais qu’en pensent les experts économiques ?

 

Un projet de loi portant sur la révision du statut de la BCT a été soumis, par le bureau de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), à la commission parlementaire des finances à la date du 17 octobre 2024. Il comprend plus d'une quarantaine d'articles.

Cet amendement ambitionne d’élargir le rôle d’autorité monétaire qui, essentiellement, se sert de la politique monétaire pour gérer les fluctuations économiques et stabiliser les prix, afin de maintenir une inflation à un niveau faible et stable. Ainsi, l’institution devra, une fois le projet de loi adopté, se concerter avec le gouvernement sur des décisions qu’elle prenait automatiquement dans l’intérêt du pays comme celle relative à la révision du taux d’intérêt. Pire, elle devra rembourser certains prêts en devise et acheter sans limite des bons de trésor auprès des banques de la place.

 

De nombreux experts économiques dénoncent cet amendement dangereux et pouvant avoir de graves conséquences.

Ainsi, le professeur universitaire et expert en économie, Ridha Chkoundali a fortement critiqué le texte proposé et a indiqué qu'il touchait à l'indépendance de cette institution. Pour lui, cet amendement est anticonstitutionnel et comporte une hérésie, à savoir celle de faire la BCT l'une des institutions responsables de la dette intérieure et extérieure.

« C'est une hérésie... Ceci n'a jamais existé... On ne le trouve dans aucune des lois portant statut des banques centrales dans le monde... La BCT finance, mais ne peut pas s'opposer à un prêt... L'endettement relève des responsabilités du gouvernement... Nous aurions pu contracter un prêt auprès du Fonds monétaire international à un taux d'intérêt de 2% ou 1,5%... Nous avons opté pour un prêt de l'Afreximbank à des taux de 10% ou 12%... C'est le choix du gouvernement... La BCT ne peut pas être tenue responsable de cela », avait-t-il expliqué.

S’agissant de la question du financement des banques de la place selon cette même proposition d’amendement, le texte propose que le premier mécanisme de financement soit l'acquisition par la BCT des bons d'État précédemment achetés par les banques de la place à un taux de 1%. Le professeur en économie a considéré qu'il n'était pas nécessaire de recourir à cela et qu'on pouvait seulement octroyer à la BCT la possibilité d'accorder directement des prêts au gouvernement.

L'expert a, aussi, affirmé que la proposition de loi touchait à l'indépendance de la BCT. L'article 25 du texte oblige la BCT à financer le remboursement des prêts extérieurs à condition que les réserves en devises ne soient pas inférieures à 90 jours. Il s'agit, selon lui, d'une mesure dangereuse puisque les réserves en devises serviront à un remboursement de dette au lieu d'être dépensées dans l'acquisition de matières premières permettant à l'économie de produire et d'exporter. Il a évoqué la situation économique du pays et les faibles taux de croissance enregistrés jusqu'à maintenant. Il a, aussi, expliqué que la baisse des réserves en devises pouvait conduire à une baisse de la valeur du dinar et de l'inflation importée.

 

Pour sa part, l'économiste et analyste financier Moez Hadidane a estimé que ce projet de loi va faire de la BCT une simple administration auprès du parlement. Elle devra prendre ses ordres de la commission des finances en ce qui concerne l’endettement. Elle sera forcée de fixer son taux d’intérêt directeur en accord avec le gouvernement. Outre le fait que désormais, elle sera obligée de rembourser automatiquement les dettes extérieures (principal et intérêts) du pays en utilisant les réserves en devises à condition que ses avoirs en devises soient supérieurs aux égaux à 90 jours d’importations.

Pour lui, ceux qui ont préparé ce projet n’ont pas consulté les experts économiques et monétaires. Il a mis en garde contre l’adoption de ce projet de loi qui contribuera, selon lui, à la perte de confiance des intervenants internes et externe vis-à-vis de l’institution financière.

 

 

Le professeur en économie et analyste financier, Bassem Ennaifer, a affirmé que le projet de loi vise à obliger la BCT à prendre ses décisions après consultation du parlement et du gouvernement. Et d’indiquer que certains se méprennent sur le concept d'indépendance de la banque centrale, expliquant que les décisions de la BCT sont prises après des discussions avec les organes de l’État et évaluation de la situation économique. Ainsi, l’amendement prévoit que le rôle de l’autorité monétaire ne serait plus limité à contenir l’inflation mais sera étendu à des objectifs de politiques économiques de croissance et d’employabilité, outre le fait que la politique monétaire sera en adéquation avec les politiques financière du pays, tout en préservant le taux de change du dinar.

Pour lui, dépouiller la BCT de son indépendance ne boostera pas l’investissement, mais perturbera la fluidité et le bon fonctionnement de la politique monétaire en Tunisie. En outre, le fait que l’institution financière devra rembourser les prêts et que ses réserves en devises seraient souvent à 90 jours d’importation impactera directement le taux de change et donnera une mauvaise image du pays, en rappelant que les avoirs en devises ne sont pas tous à la disposition de la BCT et de l’État.

M. Ennaifer a aussi estimé que « modifier le statut de la BCT pour prêter directement au budget de l'État est l'une des solutions faciles et entraînera une inflation importante dans le pays ». Par ailleurs, il pense que le fait de toucher l’indépendance de l’autorité monétaire et la dépouiller d'un certain nombre de pouvoirs aura un impact négatif significatif sur la notation de la Tunisie par les agences de notation et les institutions financières internationales.

 

 

 

Larbi Bouhali, directeur général de ACHgroup Australia, a tenté d’expliquer, dans un post Facebook, les dangers d’un tel amendement.

Pour lui, « si le nouveau projet de loi d'amendements de la BCT est approuvé au parlement et que la BCT perd son indépendance et son autonomie pour gérer la politique monétaire sans ingérence politique, il y a de nombreux risques à atténuer et l'ensemble du système bancaire et financier deviendra instable et réduira la notation de crédit (CCC+) de la Tunisie qui pourrait encore baisser et rendre plus difficile pour la Tunisie le fait d’emprunter sur les marchés financiers internationaux ».

En outre vu les besoins croissant du pays en matières premières et énergie, la Tunisie devrait emprunter de plus en plus en devises étrangères pour satisfaire la demande locale et produire les biens et services nécessaires. « Imprimer des dinars pour acheter des devises étrangères n'est pas une bonne idée économique, le dinar va s'effondrer et entraîner davantage d'inflation », a-t-il précisé.

M. Bouhali a souligné que « même si les obligations d’État financées par la banque centrale sont souvent considérées comme des investissements plus sûrs et peuvent résoudre les déficits budgétaires et payer la dette, elles ne sont pas sans risques d’hyperinflation et de stagnation économique, en particulier dans des conditions économiques changeantes ».

Et de marteler que « le recours à une masse monétaire excessive par la Banque centrale peut avoir des conséquences graves et multiformes, affectant l’économie, la société et les structures de gouvernance, comme le montre l’expérience du Liban, du Zimbabwe et du Venezuela ».

 

 

Depuis quelques jours, des élus se relaient dans les médias pour vendre leur projet d’amendement du statut de la Banque centrale de Tunisie. Mais ce projet est-il bon pour le pays à long terme ? La réponse des experts économiques est sans appel : non, cet amendement est dangereux et comporte plusieurs risques sur l’économie du pays. Les députés prendront-ils le temps d’écouter les experts et de renoncer à cet amendement ? L’avenir nous le dira.

 

Imen NOUIRA

25/10/2024 | 15:53
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Commentaires
Ahmed
Le pays de cons
a posté le 29-10-2024 à 13:09
Dans le pays de gueux les experts sont ignorés au profit d'illuminés qui siègent au parlement et qui n'ont aucune notion en économie
Faysal
Tout est politique!
a posté le 26-10-2024 à 10:16
Sans ingerence politique? Alors que tout est politique! Sauf que, politique en faveur de qui? Pour defendre de les interets de qui? De quelles classes sociales ? Et nos experts, dans l interet de qui, font ils leur analyses? Surtout que l economie n est surtout pas uns science exacte..
Fafa
Oui mais
a posté le 26-10-2024 à 08:49
les risques évoqués dans cet article sont réels.
Sauf que sans courage
- pour réformer.
- pour desetatiser
- pour libéraliser l'économie et l'initiative
-pour faire travailler plus les tunisiens (notamment les femmes dont le taux d'activité ne progresse plus que de façon infinitesimale)
...
Il ne reste plus de solution pour que les ajustement se fassent.

La politique actuel de la Tunisie avec une BCT qui defend dogmatiquement , religieusement une monnaie forte qui massacre l'appareil productif et un Etat qui compense les dégâts en distribuant du pouvoir d'achat par l'emploi massif de fonctionnaires et les subventions aux produits est totalement ubuesque.
'Le fait que cette politique de la BCT soit acceptée sans aucun débats, sans aucune remise en cause malgré les dégâts qu'elle cause est totalement ahurissant.
le financier
t es un rigolo
a posté le à 18:28
Tout ce que tu decris c est le fait de l etat du president et de ses ministres , la bct ne fait que defendre les tunisiens contre l inflation .
Creer du travail qui ne te permettra de vivre dignement parceque le prix du pain viande stylo cartable medicament .... augmente tous les mois donnera envie de partir du pays . D ailleurs c est l une des raison du depart des medecins ...
Fafa
'?a nous fera une belle jambe
a posté le à 13:14
d'avoir vaincu l'inflation si c'est au prix de la destruction de l'emploi et la croissance. C'est ce que ne comprennent pas les plombiers-financiers parce qu'ont leur a appris le dogme Friedmanien et qu'ils répètent sans réfléchir le précepte du gourou sans ce soucier des circonstances.

Les gens seront content que l'inflation soit vaincue et que le dinar soit fort quand ils auront perdu leur emploi et qu'ils n'auront plus de quoi acheter ce qui n'a pas trop augmenté grâce à la BCT.
le financier
fafa t es un clown
a posté le à 21:48
Fafa t es un clown en faite non .
Comme l etat a du mal a financer les hopitaux psychiatrique , il y a des milliers de déficient mentaux qui se sont échappés et qui ont voté KS et tu en fais partis .
Je ne comprends pas que des gens rationnel avec un cerveau puisse soutenir cette idée qui a echoué partout dans le monde et dans l histoire cf urss venezuela koree du nord turquie egypte.
Mais c pas grave s il detruit la bct je vais faire des achat au noir a moindre frais
Bouba
Uniques experts
a posté le 25-10-2024 à 20:42
Mme Nouira , pourquoi vous êtes limites à ces experts ,pourquoi ne pas prendre en considération de Mokhtar Laamari et Sadok Zrelli
c'est un autre son de cloche ,et vous vous arrangez de ne rapporter que les avis qui vont dans votre sens
L'indépendance de la BCT a l'image du récent exemple de la Banque Centrale du Liban ,on n'en veut pas et puis depuis belle lurette la BCT ne joue plus son rôle de contrôle des banques de la place qui font ce qu'ils veulent et sont devenus des prédateurs rentiers ,voilà où nous en sommes depuis
le financier
avec ces 27 genies
a posté le 25-10-2024 à 20:29
Ces 27 genie + la ministre de l economie + la ministre de l energie et le president , on a les meilleur gestionnaire économique du pays ...
Les TRE vont garder leur devises en europe et attendre que ca s effondre et bientot , ils pourront acheter des quartiers entier comme en Grèce espagne lors de leur effondrement .
Je suis fatigué d expliqué , avec ces 30 genies la tunisie n a pas besoin d ennemie , on se debrouille assez bien pour detruire notre pays
citoyen
Utopie
a posté le 25-10-2024 à 19:52
BCT, Justice, Education, Armée, ..... Il faut arreter de rever! Une dictature est une dictature.
MALAHI
Ces députés ont-ils une formation économique?
a posté le 25-10-2024 à 18:31
C'est toujours intéressant de voir les formations des députés et d'analyser leurs propositions; et d'une manière générale ils ont toujours intérêt à consulter les spécialistes dans chaque domaine pour comprendre tous les enjeux d'un changement de statut de La BCT . Ce changement permettra une inflation galopante et un dinar de plus faible....Il faut revoir ces propositions sans aucune idéologie mais pour l'intérêt du pays...
Megdiche
Réforme du statut de BCT
a posté le 25-10-2024 à 18:06
Les explications ou commentaires des experts ne sont pas convaincantes pour la majorité. Il faudrait détailler et expliciter les conséquences en donnant des exemples. D'où viennent les réserves en devises de la BCT etc....?
riri
excellente décision!!
a posté le 25-10-2024 à 16:52
Moi j'ai hâte à cette réforme.

La BCT a permis de garder un dinar stable et donc de limiter les déficit de l'Etat et l'inflation importée.

Avec ces réformes et l'impact sur le dinar, je vais enfin pouvoir acheter une villa en Tunisie en bord de mer.

Bravo au gouvernement et aux députés!! Yallah je vous encourage!! ceux qui ont des euros sont d'accord à 10000000 pourcents!!!!