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Petrofac Tunisie : Le silence assourdissant du gouvernement !
30/05/2016 | 19:58
6 min
Petrofac Tunisie : Le silence assourdissant du gouvernement !

 

132 jours après le début du blocage, la situation de la Société pétrolière de prospection et d'exploitation énergétique, Petrofac Tunisie, n’a toujours pas été résolue. Certes le sit-in au sein de la société a été levé mais les contestataires empêchent les camions de la société de quitter l’île. Le chef du gouvernement, Habib Essid avait promis, au directeur général du groupe Petrofac, Ayman Asfari, lors de sa participation à un événement organisé le 27 avril dernier par la Fondation Carnegie, que le problème sera résolu sous peu. Une information donnée à Business News par une source bien informée ayant requis l’anonymat. Mais jusqu’à ce jour, c’est le silence radio. Focus sur la situation d’une société sur le départ.

 

 

Petrofac est à l’arrêt depuis le 19 janvier 2016. Environ 70 chômeurs sont entrés de force dans les locaux de la firme et ont bloqué la production. Ils ont entamé un sit-in et dressé leurs tentes réclamant que la société pétrolière continue à leur verser des allocations de chômage. Ils ont été délogés de force par les forces de l’ordre le 4 avril 2016 pour lever ce sit-in illégal qui a bloqué la société plus de 75 jours. Bien que les forces de l’ordre ont réussi à mettre fin à ce mouvement, ce qui a permis à l’entreprise de reprendre normalement son activité. Le noyau de protestation a été uniquement déplacé puisque les contestataires empêchent les camions de la société de quitter l’île.

Ainsi, 5 jours après, la société s’est trouvée contrainte de cesser sa production, ses cuves de stockage ainsi que ses camions censés acheminer sa production vers Skhira, étant remplis de condensat (liquide de gaz très inflammable).

Un mois après la rencontre Essid-Asfari, la situation n’a pas changé d’un iota : aucune décision, aucun avancement ! Pire, depuis le 4 avril, le jour où les manifestants se sont attaqués aux forces de sécurité incendiant leurs postes et leurs véhicules et jetant d’autres à la mer, les forces de l’ordre ont quitté l’île laissant les rênes à l’armée.

 

On notera que depuis février 2016, le partenaire britannique avait exprimé son mécontentement, étudiant l’éventualité de quitter la Tunisie, face à des blocages à répétition qui ne concernent même pas la société. Il a renoncé aux investissements de l’ordre de 40 millions de dinars qu’il comptait faire en 2016, pour le forage de deux nouveaux puits à Kerkennah "Chergui 9" et "Chergui 10", sachant que si ces investissements ne sont pas réalisés, la production de la société baissera. Ce qui l’obligera de toute façon à quitter le pays.

D’ailleurs, les Britanniques ont déposé une demande de renvoi au chômage technique, avec l’intention sérieuse d’abandonner leurs projets et de quitter le pays. Pire, ils pourront recourir à l’arbitrage de la Chambre de commerce de Paris, et vu l’ensemble des contrats qui les relient à l’Etat, ils auront gain de cause.

 

Mais comment on en est arrivé là ? La société avait décidé, depuis début 2015, de stopper le financement d’un fonds environnemental destiné au gouvernorat de Sfax pour aider les jeunes chômeurs à la recherche de travail. Sauf que cette situation dure depuis 5 ans, avec un coût de 1 million de dinars par an permettant de subvenir aux besoins de 266 personnes.

En avril 2015, et pour lever un sit-in de ces mêmes personnes, il a été décidé la création début 2016 de la Société de l’environnement de Kerkennah, qui sera financée par l’Entreprise tunisienne d'activités pétrolières (ETAP) via un fonds doté de 1 million de dinars. Les autorités ont également obligé Petrofac à continuer de verser les allocations jusqu’à fin décembre 2015.

Or, la société n’a pas été créée et les chômeurs se sont donc rabattus sur Petrofac, qui se trouve prise en otage dans une affaire qui ne la concerne plus.

 

Dès le démarrage des protestations, la société et le gouvernement n’ont pas cessé les négociations avec les chômeurs afin de trouver une solution pacifique au problème, mais sans aucun résultat. Les réunions se sont suivies sans aboutir à des accords. Ceci malgré l’engagement de Petrofac de continuer le financement du fonds environnemental destiné au gouvernorat de Sfax dans le but d’aider les chômeurs pour encore six mois, et celui de l’Etat de prendre en charge la couverture sociale (CNSS). Une prise en charge non seulement pour ces six mois, mais aussi pour toute la période dont les chômeurs en question. Et même avec, les promesses de l’Etat et son engagement à les recruter d’ici fin juin 2016, rien n’a changé. Les sit-inneurs ont campé sur leur position revendiquant un engagement ferme de l’Etat pour que tous les chômeurs soient recrutés immédiatement. Ils réclament aussi que Petrofac renonce à toutes les poursuites judicaires qu’elle a engagé contre eux.

Le hic, c’est que dès que le gouvernement acceptera le chantage des it-inneurs, il sera obligé de recruter les 400 autres sur la liste d’attente et la porte sera ouverte aux revendications venant des différentes régions du pays, notamment de Gafsa où la CPG est à l’arrêt depuis la révolution, par des chômeurs pratiquement pour les mêmes raisons : être recrutés au sein de la société.

Résultat des courses, le gouvernement a décidé d’obliger les chômeurs à lever de force leur campement pour que la société puisse reprendre ses activités. Certes, le sit-in a été levé mais le mouvement n’a pas cessé, il s’est juste déplacé, les camions remplis de condensat ne pouvant pas quitter l’île.

Bien que Habib Essid ait déclaré que les résultats préliminaires de l’enquête accusaient des membres du parti Ettahrir (islamiste radical) et du Front populaire (extrême gauche) d’être derrière les derniers événements de Kerkennah, rien de concret n’a été fait !

 

Ainsi, depuis le 19 janvier 2016, on est à 127 jours de travail perdus (en soustrayant les 5 jours de reprise de travail), pour un manque à gagner de l’ordre de 25,4 millions de dollars. Ajouté à cela, les 38 jours d’arrêt de 2015, on se retrouve à 165 jours d’arrêt, soit à 33 millions de dollars de manque à gagner (soit en comptabilisant avec le cours d’aujourd’hui (1 dollar= 2,0883 dinars) à 68,91 millions de dinars).

On rappelle, dans ce cadre, que chaque jour d’arrêt cause des pertes de l’ordre de 200.000 dollars et 80% des revenus de Petrofac reviennent à l’Etat tunisien. Donc, en suivant le même cheminement d’idée, l’Etat a perdu des recettes en devise de 26,4 millions de dollars (soit environ 55,13 millions de dinars).

Autre point important, Petrofac produit 12,5% des besoins du pays en gaz, soit environ 1 million de m3 de gaz par jour. Son unique client est la Steg qui rachète ses produits 22% moins cher que le prix du marché. Or, depuis l’arrêt de la société la STEG est obligée de se ravitailler en Algérie et en devise !

 

On rappelle, pour conclure que Petrofac emploie 180 personnes, qui risquent toutes de perdre leur travail, outre presque 2.000 emplois indirects qu’elle génère sur l’île, soit la moitié de la population active de Kerkennah en hiver. En plus, la société alloue 4 millions de dinars par an à ses activités de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Autre point important, la société a financé un Fonds de 2 millions de dinars, mis à la disposition de tous les entrepreneurs qui présente un projet viable (une douzaine d’entrepreneurs y ont bénéficié).

Ce qui est sûr, Petrofac Tunisie n’attendra pas éternellement une réaction de la part du gouvernement, elle finira par se lasser et partir, privant toute la région d’une manne qui la fait vivre !

 

Imen NOUIRA

30/05/2016 | 19:58
6 min
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Commentaires (10)

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Royaliste
| 31-05-2016 21:02
Le TO russe PEGAS joue un role important dans le sauvetage de cette saison touristique....
Ses dirigeants quand ils débarquent en Tunisie sont soumis systématiquement a une fouille au corps et sont harcelés par les douaniers.

Les dirigeants de Pegas ont un litige avec un hotelier tunisien, l'affaire n'a pas été résolu et les dirigeants ont meme souligné a Mme la Ministre qu'ils regrettent que la justice tunisienne évite de statuer sur cette affaire et ils pensent que les interets des investisseurs étrangers en Tunisie ne sont pas garantis....

je me demande si la Tunisie veut ramenez des TO ou les chasser ?

El Chapo
| 31-05-2016 17:07
PETROFAC a cette même sordide clémence envers ses lascards et ses indigènes d'un autre siècle que Ben Ali l'avait pour les khwajya vers la fin des années des années 80 et qui a évité à l'Ayatollah Ruhullah RG la potence

El Chapo
| 31-05-2016 17:04
Une seule solution s'impose à tous ses lascards qui font la loi dans le cadavre de pays depuis la merdolution bouazizienne (ou de la brouette) du 14:

Les ramasser comme des ordures et les traduire devant un magistrat de sûreté de l'état et les exécuter s'il le faut comme cela a été fait pour ce morveux de khwanjy responsable des attentats de Sousse en 1989.

Des exécutions sommaires avec une mascarade de procès et une réprimande sévère envers toute association pseudo droit de l'hommiste qui osera ouvrir sa p.... de gueule !!

Malheureusement, la question essentielle qui se pose depuis la fumeuse merdolution bouazizienne de la brouette: Y a t il des hommes patriotes pour mener à bien une telle entreprise ?!? Non ..Non et encore Non ...

Il n'y a que des lascards qui se complaisent dans leur sièges et leurs avantages de rond de cuirs et de ventrus si caractéristiques de l'administration ventriloque de ce pays.

Nephentes
| 31-05-2016 14:42
Somme toute PETROFAC s'est retrouvée piégée par son angélisme et son empathie pour le peuple tunisien.

Trop bon, trop con.

Trop civilisé, proie de choix pour bédouins sans honneur et sans principes.

De "politique sociétale volontariste et responsable" on est passé à la politique du sauve qui peut, les dirigeants étant totalement dépassés par un comportement de sauvages auquel la maison mère ne s'attendait pas.

La décision d'accorder une subvention temporaire aux chômeurs "locaux" a été calamiteuse.

Aucune stratégie RSE ne prévoyait ce développement incroyable du programme de soutien à la population locale. défavorisée.

Cela démontre des réflexes et modes d'agir totalement délirants en contradiction frontale avec les minimas d'une société civilisée avec un minimum de rationalité et responsabilité.

@rochdi
| 31-05-2016 14:33
L'enjeu est bien plus grand que l'intérêt local auquel tu fait allusion, c'est un enjeu national stratégique non lié à la petite localité de laquelle tu viens, mais plutôt à tout le pays.

Continue à pécher et à vivre "tranquille" comme tu dis et à te la couler douce, et laisse donc les autres penser aux autres et se démener pour sauver l'économie stratégique et l'intérêt national du pays, qui est en fait ton intérêt personnel lorsque tu auras un jour (comme tous les jours d'ailleurs) besoin de soins, de ravitaillement, de sécurité, d'enseignement pour tes enfants ,ou autres.

D'ailleurs tes bonnes et lumineuses réflexions, j'aimerai bien te voir les exprimer pour consoler et convaincre un jour les 187 employés et leurs familles lorsqu'ils seront (la samaha Allah) un jour mis à la porte, sans parler de dizaine d'autres familles de sociétés contractantes qui dépendent de cette activité, ni des devises à dépenser pour acheter le gaz de l'Algérie; mais bien sur, tout ça ne te dérange en rien...et c'est ce qui se passe lorsqu'on ne regarde que le bout de son nez, et on ne combat que pour son égo!

rochdi
| 31-05-2016 13:01
à Noter que à Kerkennah y'a pas de l'eau potable, les gens vivent toujours de l'eau du pluie, ils n'ont pas d'ONAS, ils ont rien et ne veulent rien de la Tunisie que de les laisser tranquille

rochdi
| 31-05-2016 12:59
@Tuesday : Ce que tu comprends pas et tt le monde ne comprennent pas c'est que Petrofac ne fait pas vivre les kerkenniens pécheurs. au contraire !
Les kerkenniens ne veulent pas de Petrofac ni des aides du gouvernement et seront les plus ravi de les voir quitter leurs cotes !! Allez cherchez votre gaz et pétroles ailleurs et laissez leurs tranquille avec leurs poissons, mer et petit village !! Il ne vous demande rien

DHEJ
| 31-05-2016 09:43
Un titre faux qui cache l'ignorance du role des différents pouvoirs;


Il s'agit dans ce cas de figure du SILENCE DU POUVOIR JUDICIAIRE: JURIDIQUE, FINANCIÈRES ET ADMINISTRATIVES!!!


Tuesday
| 31-05-2016 09:26
Si l'Etat laisse faire, on commence à douter de tout!

Voir le pays saborder de cette manière et ne rien faire relèvera de la trahison pour tout tunisien qui se respecte.

C'est assimilé à non assistance pour personne (dans notre cas de figure société d'énergie stratégique) en danger.

Les responsables, saboteurs, décideurs, et politiciens devront un jour ou l'autre rendre compte devant la loi pour cette démobilisation et abstention d'intervenir pour remédier à cette situation.

Lorsque cette société quittera le pays (la samaha Allah), on verra venir pleurnicher les habitants de kerkennah qui ne se sont pas assez débattus et meurtris pour défendre la pérennité de cette société qui les fait vivre, les saboteurs qui se transformeront en victimes et réclameront de l'aumône et du dédommagement (d'argent facile et "lokma barda") auprès de l'Etat (bien sur spolié de l'argent des contribuables honnêtes qui suent sang et sueurs pour payer leurs taxes).

Une poignée de voyous qui bloquent tout une machine stratégique pour le pays, c'est de l'offense pour tout les tunisiens, un constat d'impuissance de l'Etat, et surtout une frustration pour toutes les personnes qui continuent à travailler pour que la Tunisie reste debout dans cette conjoncture, mais ...jusqu'à quand?

"La3zouza hazezha el oued wheya tkoul el 3am saba!", c'est malheureux, honteux, frustrant!!

samir
| 31-05-2016 00:41
Je pense que l'article est passé très rapidement sur les violences qu'a connu Kerkennah ces dernières semaines.Si l'on croit les versions des protagonistes(force de l'ordre d'une part et population d'autre part la population) le minimum aurait été de la part de l'état de désigner une commission d'enquête parlementaire afin de désigner les fautifs et sévir en conséquence. Que fait l'état ?il retire toute force de l'ordre de l'île et la remplace par une présence militaire! un comportement totalement irresponsable, un des devoirs de l'état étant d'assurer la protection de ses citoyens. Qu'en sera t'il quand dans quelques semaines quand plus de 100.000 personnes seront présentes sur l'île. L'Armée est là pour défendre le pays an cas d'agression extérieure et elle l'a parfaitement prouvé dernièrement à Ben Gardanne. Chaque fois que l'armée a été chargée des problèmes de sécurité intérieure, cela s'est toujours fait au détriment de son prestige(armée française en Algérie, dictatures militaires...).Quand on pense que la désignation d'in Médecin militaire à la tête de l'H.R de Sfax a fait craindre pour certains (suivez mon regard) la militarisation de la société, que dire si demain l'Armée Tunisienne devait procéder aux contrôles d'identité.Plus qu'un silence assourdissant, c'est d'une totale irresponsabilité dont fait preuve l'état à l'égard de ses concitoyens. D'abord en faisant preuve de dilettante dans le traitement du dossier du droit légitime des citoyens à un travail (absence de tout responsable de haut niveau dans l'île depuis le début de la crise et en optant pour le tout répressif) et abandonner une population à son sort concernant sa sécurité. Lamentable!