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Kerkennah-Petrofac: Pourquoi en est-on arrivé là ?
12/04/2016 | 19:59
6 min
Kerkennah-Petrofac: Pourquoi en est-on arrivé là ?

Depuis la révolution, le chantage a été utilisé par certains manifestants comme moyen de pression pour voir leurs revendications satisfaites. Ceci pouvait aller jusqu'au blocage d'entreprises publiques ou privées que cela soit la CPG, le Groupe chimique, … et Petrofac Tunisie. Par ailleurs, plusieurs recrutements ont été faits dans l’étatique, après la révolution, pour faire taire les chômeurs alors que l’administration tunisienne est en sureffectif.

Malgré sa forte implication dans le sociétal, la Société pétrolière de prospection et d'exploitation énergétique, Petrofac Tunisie, a été mise à l’arrêt et prise en otage plusieurs fois depuis la révolution, par des protestataires de l’île de Kerkennah ou des chômeurs de la région, et ceci malgré le fait qu’elle n’a aucune relation directe avec leurs différentes revendications.

 

En effet, Petrofac est à l’arrêt depuis le 19 janvier 2016. Environ 70 chômeurs sont entrés de force dans les locaux de la firme et ont bloqué la production. Ils ont entamé un sit-in et dressé leurs tentes réclamant que la société pétrolière continue à leur verser des allocations de chômage.

La société avait décidé, depuis début 2015, de stopper le financement d’un fonds environnemental destiné au gouvernorat de Sfax pour aider les jeunes chômeurs à la recherche de travail. Sauf que cette situation dure depuis 5 ans, avec un coût de 800 mille dinars par an permettant de subvenir aux besoins de 262 personnes. En 2015, par exemple, le financement accordé à ce fonds a été de l’ordre de 1 million de dinars.

En avril 2015, et pour lever un sit-in de ces mêmes personnes, il a été décidé la création début 2016 de la Société de l’environnement de Kerkennah, qui sera financée par l’Entreprise tunisienne d'activités pétrolières (ETAP) via un fonds doté de 1 million de dinars. Les autorités ont également obligé Petrofac à continuer à verser les allocations jusqu’à fin décembre 2015.

Or, la société n’a pas été créée et les chômeurs se sont donc rabattus sur Petrofac, qui se trouve prise en otage dans une affaire qui ne la concerne plus.

 

Ainsi, la société pétrolière vient d’enregistrer son 85ème jour d’arrêt de travail sur son site de Kerkennah : ce qui représente 17 millions de dollars de pertes. Chaque jour d’arrêt causant des pertes de l’ordre de 200.000 dollars, sachant que la société produit 12,5% des besoins du pays en gaz, soit environ 1 million de m3 de gaz par jour et que 80% des revenus de Petrofac reviennent à l’Etat tunisien.

Pour sa part, le partenaire britannique excédé étudie l’éventualité de quitter la Tunisie. Il ne supporte plus ces blocages qui ne concernent même pas la société. Il ne comprend pas que l’Etat tunisien ne parvienne pas à maîtriser quelques dizaines de jeunes protestataires qui bloquent la production. L’année dernière, les blocages ont coûté un manque à gagner de l’ordre de 12 millions de dollars.

La société a renoncé aux investissements de l’ordre de 40 millions de dinars qu’elle comptait faire en 2016, pour le forage de deux nouveaux puits à Kerkennah "Chergui 9" et "Chergui 10", sachant que si ces investissements ne sont pas réalisés, la production de la société baissera. Ce qui l’obligera de toute façon à quitter le pays.

On notera, dans ce cadre, que les Britanniques ont déposé une demande de renvoi au chômage technique, avec l’intention sérieuse d’abandonner leurs projets et de quitter le pays.

 

Dès le démarrage des protestations, la société et le gouvernement n’ont pas cessé les négociations avec les chômeurs afin de trouver une solution pacifique au problème, mais sans aucun résultat. Les réunions se sont suivies sans aboutir à des accords. Ceci malgré l’engagement de Petrofac de continuer le financement du fonds environnemental destiné au gouvernorat de Sfax dans le but d’aider les chômeurs pour encore six mois, et celui de l’Etat de prendre en charge la couverture sociale (CNSS). Une prise en charge non seulement pour ces six mois, mais pour toute la période dont les chômeurs en question ont bénéficié de ce mécanisme. Et même avec, les promesses de l’Etat et son engagement à les recruter d’ici fin juin 2016, rien n’a changé. Les sit-inneurs ont campé sur leurs positions revendiquant un engagement ferme de l’Etat pour que tous les chômeurs soient recrutés immédiatement. Il réclame aussi que Petrofac renonce à toutes les poursuites judicaires qu’elle a engagé contre eux.

 

Résultat des courses, le gouvernement a décidé d’obliger les chômeurs à lever de force leur campement pour que la société puisse reprendre ses activités. Cependant, les agents des forces de l'ordre intervenus pour appliquer la loi se sont heurtés à un véritable mur : une centaine de personnes ayant bloqué, dans la nuit de dimanche 3 à lundi 4 avril 2016, la route menant à la société pétrolière dans la région de Mellita (l’île de Kerkennah) avec des pneus incendiés. Dans un premier temps, les unités de sécurité ont tenté de dialoguer avec les protestataires, pendant plus de 5 heures, puis ils ont dû recourir au gaz lacrymogène pour les disperser. Les protestataires ont, cependant, violement répliqué attaquant les agents et les voitures administratives, avec divers projectiles (pierres, clous en fer et cocktails Molotov). Ainsi, deux bus et deux voitures ont été saccagés et un agent a été blessé au visage.

Une dizaine de personnes ont été arrêtées dans cette affaire. Le juge d’instruction du 2ème bureau au Tribunal de première instance de Sfax 1 a émis, le 5 avril 2016, un mandat de dépôt à l’encontre de quatre personnes parmi elles, accusées d’avoir agressé des agents de sécurité dans l’exercice de leurs fonctions et d’avoir incité à la violence

 

 

Suite à ces incidents, la LTDH a dénoncé des cas de maltraitance ou de torture des protestataires, réclamant l’ouverture d’une enquête et la poursuite des responsables. Chose qui a été démentie par le ministère et reconfirmée par l’organisation qui soutient qu’elle a les preuves de ce qu’elle avance.

Par ailleurs, l’Union locale de travail a décidé d’organiser une grève générale sur l’île de Kerkennah ce mardi 12 avril 2016. Une grève réussie à 100% affirme le secrétaire général local, Mohamed Ali Arouss.

On notera que l’UGTT et le Front populaire ont publié des communiqués soutenant les mouvements de Kerkennah et les revendications de la population. L’UGTT réclame aussi la libération des personnes arrêtées.

 

On rappelle, ceci dit, que Petrofac emploie 170 personnes, qui risquent toutes de perdre leur travail. En plus, la société alloue 4 millions de dinars par an à ses activités de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : une manne dont toute la région sera privée, si la société décide de partir.

 

Imen Nouira

12/04/2016 | 19:59
6 min
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Commentaires (12)

Commenter

Pitbull
| 13-04-2016 17:33
Le champ gazier Chargui est détenu par ETAP (55%) et Petrofac (45%)...
Donc le champ n'appartient pas à PETROFAC qui agit en tant qu opérateur alors que tous les articles relatifs à cette affaire donne l'impression que le champ appartient à Petrofac ...
C'est à l'ÉTAP de donner un " nom " à cette association comme c'est le cas pour la SITEP , MARETAP , TPS , CFTP , CTCKP. etc...

El GHOUL
| 13-04-2016 16:53
beaucoup de chômeurs exigent d'être recrutés tout en demeurant chömeurs (Mosmar fi HIT) sauf que le mur ne tient plus.

taklas
| 13-04-2016 16:02
Unn Etat fragile et tout se rend compte, donnt surtout nahdha,de cette aubainee pour semer le trouble et la zizanie; des citoyens comme tiut citoyen se croient previlegiés par rapport à d'autres. Et gare à ll,Etat s'iil appliquee la loi il devient injuste. Et l'alibi de soi-disant torture devient une carte blanche pour se faire deculpabiliser. de n'importe quel délit et crime.

TeTeM
| 13-04-2016 14:24
Un fond environnemental qui sert à indemniser des chômeurs? Il n'y a que moi que ça choque?

Du reste, je ne vois pas pourquoi, il incombe à une société de droit privée de se charger de chômeur. Quitte à payer des gens.... autant les employer!

Reste que la situation est inadmissible. Je ne comprends pas pourquoi on laisse ces personnes bloquer le fonctionnement des entreprises. Il faut se réveiller. L'Etat ne peut pas embaucher tous le monde et le salut ne peut venir que d'initiative privée!

Que nos concitoyens les plus aisés investissent en Tunisie! Je ne comprends pas pourquoi une société comme Evertek produit ses téléphones en Chine alors qu'on a la MO pour les assembler en Tunisie!

Il faut aussi arriver à attirer les investisseurs étrangers. Néanmoins, ce genre de sit-in ne peut que les faire fuir... et augmenter le nombre de chômeurs.

Nephentes
| 13-04-2016 13:26
Dans ce pays la hantise de la précarité et de l'exploitation chez les jeunes et les demandeurs d'emploi est telle que tous et toutes cherchent avant tout un poste à contrat indéterminé.

Cela amène à des blocages persistants au niveau de l'acceptation de la flexibilité du travail et de la culture de l'effort et du mérite.

A côté de cela on constate des processus de recrutement gravement entachés par la corruption, y compris dans des entreprises semi-étatiques ou des banques.

Cela génère de profonds ressentiments qui ouvrent la voie à des mouvements sociaux qui seront de plus en plus violent, face à un choix de la repression tout azimut

Le taux actuel de chômage avoisine les 33% chez les jeunes.

Depuis 2009, les gouvernements successifs ont tenté de créer 18.000 emplois dans l'exploitation du phosphate, la sylviculture, l'environnement le transport et les NTICs,

Mais CELA EST TRES INSUFFISANT

Lors d'un récent concours -2013- de recrutement à Gafsa, 30.000 candidats s'étaient inscrits pour 2.700 postes.

Seuls les mécanismes de développement de micro-projets par l'intermédiaire de al micro-finance sont viables actuellement.

Ce gouvernement décidément très à côté de ses pompes doit accorder le double des subventions et participations actuelles au bénéfice du secteur de la micro-finance avec priorité aux NTICs, à l'agriculture biologique et aux énergies renouvelables.

Raad
| 13-04-2016 12:47
Mais à qui profite t'elle cette situation qui n'a plus de nom....
Il faut être sur place pour juger et donner un avis aussi bien sur Pétrofac que sur ces petits voyous qui sèment le désordre sur l'ensemble de cette Île, sans fois ni loi.
Ce n'est point la première ou la dernière fois que les routes sont bloquées , que les ferrys ne quittent pas le port dans un sens comme dans l'autre, au gré des événements.
Y'à t'il vraiment une autorité sur cette Île..non, je ne le pense pas...,ni Maire ni gouverneure, ni police...
Oui, il y'a une sorte de milice qui fait la pluie et le beau temps sur cette Île, il faut le demander aux Kerkenniens eux mêmes pour le savoir.
Une petite bande de voyous, qui sans scrupule vendent vos biens, pillent vos terres, sous votre regard, sans pouvoir dire grand chose.
Coté nord," El Attaya" vous avez les partisans du Hezb Ettahrir, coté sud "Mellita"une bande de voyous et de trafiquants de tous genres.
Les autorités locales le savent, et le tout sans brancher, ce qui laisse à dire, à qui dois-je me plaindre...peut être au bon dieu...
Non, il faut que l'Etat fasse quelque chose au plus vite pour mettre un terme à toutes ces magouilles qui se déroulent sur place, que les services de l'Etat soient présents pour mettre de l'ordre, et arrêter ces récalcitrants qui sévissent sans aucune crainte.
Il n'est pas normal qu'une entreprise aussi importante et performante que Pétrofac soit prise en otage sous l'emprise de certains voyous, ou sous la menace des syndicats ou d'un parti politique quel qui soit pour être dans une situation anarchique.
Que ceux qui prétendent que les services de sécurités n'ont pas été tendre avec ces voyous, car il ni y'a pas d'autres choix pour arriver à éradiquer une situation telle qu'elle existe aujourd'hui face à ce type de conflits.
Alors je le répète encore une fois, les ONG, la LTDH,et l'UGTT aussi ont beau à donner des leçons aux autres derrière leur bureau, ils vaudraient mieux qu'ils s'abstiennent et nettoient d'abord devant leurs portes.
En démocratie, "la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres".

fby
| 13-04-2016 10:33
Le fond de tous les problèmes en Tunisie est social. C'est des diplômés sans emplois qui sont derrière cette situation tendue.Nul ne peut les priver de leur droit de réclamer leur droit à un travail digne. Durant 5 ans, la société Petrofac verse 800 000 DT annuel au Gouvernorat de Sfax. Cette somme sert ente autre à payer plus que 260 diplômés sans emplois affectés à différentes administrations à Kerkennah. Durant ces cinq ans, l'administration, par incompétence et mauvaise fois des dirigeants locaux de Petrfac, n'a pas pu créer cette association environnementale pour régulariser la situation de ces 260 diplômes sans emploi que leur nombre ne cesse d'augmenter d'une année à l'autre.

Wednesday
| 13-04-2016 09:18
Voila ce qu'on appelle défendre le diable!

Il veulent fermer la boutique, voilà ce qu'on appelle du "Tbourib", ou quand ignorance et méchanceté, sabotage et égoïsme tu nous tient.

Imaginez une ville comme kerkenah (ou plutôt les meneurs), qui font une gréve générale pour soutenir des malfrat arrêtés pour sabotage au travail de site pétrolier, et d'agression contre des forces de l'ordre qui appliquent la loi.

"Wallahi chay ydhahek!"

Et on verra après ("la samaha Allah") si petrofac sera obligée de partir, comment les citoyens vont "pleurer du sang", et regretter ce départ qui était bénéfique pour toute l'île.

Les meneurs et les saboteurs ne doivent en aucun cas gagner, car il sont en train de faire du racket et faire régner leur loi, et de prendre en otage l'autorité de l'Etat.

La loi doit être au dessus de tout le monde, surtout lorsque l'enjeu touche à un nerf aussi névralgique du pays.

Autre chose, cette ligue des droit de l'homme qui défend les agresseurs, ou était elle quand ces malfrats occupaient clandestinement le site pétrolier et touchaient directement aux droits de l'homme des autres travailleurs empêchés par ces agresseurs d'accomplir leur métier?

Elle était bouche cousue et se faisait toute petite, et voilà que maintenant elle monte au créneau pour défendre des hors la loi qui agressent aussi les forces de l'ordre.

"Malla" ligue des droits de l'homme!
C'est ce qui s'appelle gérer avec deux poids et deux mesures, ou plutôt faire de la politique!!

Si cette ligue veut vraiment aider, qu'elle laisse la loi prendre son cours!

Professeur de droit
| 13-04-2016 05:59
Ce pays est vraiment devenu un cirque, étalant l'incompétence dans tous les domaines :
- L'UGTT ne serait dans son rôle que si les personnes détenues sont des travailleurs ( de préférence de Petrofac). Si ce n'est pas le cas, leur défense ne relève pas de l'action syndicale et ne concerne pas l'UGTT.
- Dans les droits de l'homme, il y a le mot "droit". Les personnes "chargées" par les forces de l'ordre étaient-ils dans leur droit,en bloquant la voie publique aux représentants de l'Etat? De surcroit sous le régime de l'état d'urgence? La défense de insurgés en action, utilisant la force contre l'Etat n'est pas l'esprit de la défense des droits de l'homme.
Par contre, une fois ces personnes maitrisées et aux mains de l'Etat, les défenseurs de droit de l'homme sont dans leur rôle, pour vérifier comment ces personnes sont traitées, quel que soit ce qu'elles ont fait.

Najib
| 12-04-2016 22:23
Si le pouvoir ne prend pas des mesures contre cette union de voyous , le pays va être ruiner .