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Tunisie - Mobilité électrique, plus qu’une nécessité, une réalité économique 
28/11/2022 | 17:19
11 min
Tunisie - Mobilité électrique, plus qu’une nécessité, une réalité économique 

 

La rationalisation de la consommation énergétique est devenue une des priorités du gouvernement, surtout avec l’envolée des cours de pétrole. Ce qui a remis sur la table, plus que jamais la nécessité de migrer vers des énergies plus propres et notamment vers la mobilité électrique dont les coûts énergétiques sont moins chers. Cela a aussi mis sous les projecteurs une autre problématique importante, celle de la nécessité de la reconversion et la mise à niveau des industries nationales de composants automobiles. Le point.

 

La guerre en Ukraine a démontré une chose importante : la Tunisie est dépendante alimentairement et énergétiquement. Le pays a été sévèrement impacté par la hausse des cours, surtout avec les problèmes financiers qu’il vit avant la conclusion de l’accord avec le Fonds monétaire international. Cela a prouvé une chose, la nécessité de développer les énergies renouvelables et de passer à la mobilité électrique (un plein électrique coûtant entre 15 et 20 dinars, selon le type de véhicule). Certes nos ambitions sont importantes, mais restent depuis des années entravées, notamment à cause du manque de ressources.

En effet, la Tunisie ambitionne d’atteindre 35% d’énergie renouvelable en 2030 et 80% en 2050, outre l’amélioration de l’efficacité énergétique de 30% par rapport à 2010, pour ce même horizon.

 

Côté voitures hybrides et électriques, l'Agence nationale pour la maitrise de l'énergie (ANME) essaie de pousser tant bien que mal les divers intervenants, mais beaucoup d’obstacles demeurent. Dans une interview à Business News, le DG de l’agence Fathi Hanchi revient sur les avancées en la matière.

 

Ainsi, M. Hanchi a rappelé les efforts déployés par l’agence et qui se sont soldés par certains privilèges fiscaux annoncés dans la Loi de finances 2022 notamment l’exonération des droits de douane pour les véhicules électriques (voitures, utilitaires et bus), un abattement de la taxe de maitrise d’énergie de 50% ainsi qu’un abattement de 50% sur les droits de consommation pour les véhicules hybrides.

En outre, il a précisé que l’ANME est en train de préparer avec la Chambre syndicale des concessionnaires et constructeurs automobiles une enquête pour déterminer pourquoi déclic visait par les mesures fiscales de 2022 n’a pas eu lieu. Pour lui, deux points focaux sont en cause : l’effet prix, lié au surcoût important par rapport à une voiture thermique qui bloque le développement du marché et l’effet d’exploitation qui comprend trois facteurs : l’autonomie du véhicule et les limites de circulation que celà impose, la disponibilité d’un réseau de bornes de recharge et le temps nécessaire de recharge.

Ainsi et pour rassurer le consommateur, l’ANME a rencontré les acteurs principaux, qui pourraient jouer un rôle dans la mobilité électrique : les municipalités, les grandes surfaces, les espaces commerciaux, les gestionnaires des infrastructures publiques (OACA, OMMP, Tunisie Autoroute, ports, aéroports, etc.) ainsi que les sociétés de distribution de carburant.

S’agissant des sociétés de distribution de carburant, elles ont leur propre programme et sont en train d’inaugurer des bornes de recharge. Pour le reste, l’agence est en train de préparer un programme pour développer un réseau pilote adapté au type de stationnement et qui couvre le territoire tunisien.

En parallèle, l’ANME prépare une application mobile pour identifier l’emplacement des bornes de recharge et si elles sont libres ou occupées, ce qui permettra au consommateur de surmonter la barrière de l’exploitation.

En ce qui concerne la barrière de surcoût, l’agence étudie deux pistes : soit attendre jusqu’à ce que le marché se forme seule et le prix de ce genre de véhicule baisse jusqu’à être proche des véhicules thermiques, (il faudra développer entre temps l’infrastructure de recharge), soit accorder des subventions et des prêts avantageux pour couvrir le surcoût, chose qui est actuellement difficile avec les problèmes budgétaires.

Or, le ministère de l’Industrie a annoncé (après notre interview, ndlr) la mise en place d’encouragements pour l’acquisition de véhicules électriques via une exonération des droits de douane et une subvention de 10.000 dinars pour le remplacement d’un véhicule thermique accordé par le Fonds de transition énergétique.

 

Fathi Hanchi a aussi souligné la nécessité de se préparer pour l’avenir, en imposant l’installation de bornes de recharges dans les résidences collectives. Ainsi, le sujet a été abordé avec le ministère de l’Équipement pour insérer dans le cahier de charge de la promotion immobilière l’obligation d’équiper quelques places de parking obligatoire avec des systèmes de recharge.

En outre, tout un mécanisme de partenariat public privé (PPP) doit être mis en place pour déterminer par qui et comment vendre ce service, sachant que la rentabilité d’une borne de recharge est très basse actuellement (facilité de paiement, période de grâce, …). Le principe est que le fournisseur de service va acheter l’électricité auprès de la Steg, au prix actuel en ajoutant les frais du service fournis (parking, recharge, amortissement de l’équipement et marge). Chacun fixera le prix de son service à sa convenance : ça ne va pas être un prix administré mais peut être certains composants du prix seront fixés, a-t-il noté.

L’entrée en vigueur de la rémunération des bornes de recharge se fera très prochainement.

 

En ce qui concerne le type de prise de rechange, le responsable a expliqué que la problématique ne se pose presque plus. En effet, selon lui, 90% des modèles disponibles dans le monde utilisent deux genres de prise de recharge, la tendance étant d’aller vers une prise universelle. Bien sûr, la vitesse de recharge dépend de la capacité de batterie et du convertisseur intégré (de plus en plus cher selon la capacité de recharge). Or, les habitudes du consommateur changent selon la technologie disponible. Donc, dans quelques années et comme les téléphones portables ont été démocratisés, la mobilité électrique le sera forcément.

 

Concernant le traitement des batteries après usage, l’ANME a contacté l’Institut national de la normalisation et de la propriété industrielle (Innorpi) et les deux établissements ont commencé à travailler sur les normes à mettre en place pour encadrer la mobilité électrique.

« Nous allons suivre le marché et faire comme les pays qui nous ont devancés en imposant des normes de recyclage », a soutenu le DG de l’ANME, notant que dans le monde il y a déjà des procédures spécifiques de traitement des batteries lithium.

 

S’agissant du positionnement de la Tunisie sur le plan industriel, Fathi Hanchi a martelé que la Tunisie a l’opportunité de se positionner technologiquement et industriellement dans l’industrie de la voiture électrique. L’agence a ainsi commencé à rencontrer les parties prenantes, notamment les pôles de compétitivité et technopoles pour créer un espace dédié aux startups pour se positionner dans ce secteur.

L’agence envisage aussi de financer certains projets liés à la mobilité électrique, à travers le Fonds de transition énergétique, moyennant la rubrique projet de démonstration qui accorde une subvention de 50% du coût de l’opération avec un plafond de 100.000 dinars (projet à l’étude, ndlr).

Le responsable a souligné la nécessité de se positionner rapidement sur la production des batteries lithium. L’ANME est en train de faire le suivi des industriels tunisiens qui veulent se positionner sur le secteur afin de leur fournir le nécessaire pour percer sur le marché, notamment en levant les entraves fiscales.

Elle va aussi entamer une action pilote avec un véhicule électrique et une alimentation 100% énergie renouvelable via la création d’une ombrière solaire photovoltaïque avec batterie et borne de recharge afin d’étudier le comportement du véhicule face à ce genre d’équipement, ce qui va permettre in fine d’installer d’autres ombrières solaires l’objectif étant de montrer qu’on peut faire des kilomètres à très faible prix.

« C’est vrai que l’affaire commence à devenir urgente, mais nous avons une contrainte de disponibilité de fonds. C’est pour cela que nous avançons selon nos possibilités. Je suis sûr que si on installait le réseau pilote de bornes de recharge, nous inciterions une certaine catégorie à investir et acheter ce genre de voiture », a-t-il soutenu.  Il a précisé que la prochaine étape est la signature du contrat-programme avec les différents acteurs pour la mise en place du réseau pilote de bornes de recharge, suivi par l’annonce d’un package de solutions d’accompagnement pour les startups afin de se positionner dans les technopoles et pôles de compétitivité.

 

M. Hanchi a assuré que la reconversion des industriels de composants automobile est l’un des dossiers prioritaires chez la ministre de l’Industrie.

Chose qu’avait déclarée Neila Nouira Gongi à Business News, en affirmant que le ministère va faire un programme dédié.

« La Tunisie a été un précurseur en matière de mise à niveau industrielle dans les années 90. Aujourd’hui, un programme de mise à niveau sera mis en place pour permettre à nos entreprises de se préparer avec des financements, un accompagnement et surtout une veille pour que les entreprises tunisiennes soient préparées à ce qui vient. Nous allons lancer un programme d’accompagnement et de mise à niveau des entreprises, qui tiendra compte de cet aspect-là, car la guerre demain c’est celle-là. La transition énergétique est au cœur de tout processus de développement d’un pays », avait-elle indiqué.

 

Pour le volet industriel, Business News a rencontré le directeur général des Industries manufacturières au ministère de l'Industrie Fethi Sahlaoui, pour connaitre les avancements.

Le responsable a expliqué, à cette occasion, que l’industrie automobile est celle qui reflète le plus le concept de mondialisation.

« C’est un concept vertical basé sur une intégration verticale qui dépasse les frontières d’un seul pays », a-t-il spécifié.

En Tunisie, 280 entreprises sont actives dans le secteur et emploient 94.000 personnes, permettant des exportations de l’ordre de 2,5 milliards d’euros en 2021, dont 90% destinés à l’Europe (20 à 25% de l’ensemble des exportations), a indiqué M. Sahlaoui.

Pour lui, ce qui manque à l’industrie tunisienne ce sont des équipementiers de rang 0,5 (ceux qui fournissent directement les constructeurs pour première monture et qui emploient des ingénieurs et de la main d’œuvre qualifiée et permettent une intégration locale importante de plus de 40% pour avoir le label origine, ndlr) ;

Le DG estime que « les freins à l’investissement à la construction automobile en Tunisie demeurent les taxes et droits : le constructeur local se trouvant pénalisé de 25 à 30% par rapport à une voiture importée CBU ». Et d’espérer que la Loi de finances 2023 contiendra des mesures inversant cette tendance pour que le produit local soit favorisé sur le produit importé.

« Le paysage du secteur automobile est en train de changer et on en est très conscients. Cela se matérialise dans le pacte PPP qui a été signé en juin 2022 avec Tunisian Automotive Association (TAA), qui vise la promotion de l’industrie automobile à l’horizon 2027 et qui contient 31 mesures », a-t-il affirmé.

Ce pacte comprend six objectifs stratégiques, et 31 mesures et engagements ayant comme finalité de permettre à l’industrie automobile d’atteindre son plein potentiel et un niveau de compétitivité à même d’impacter positivement l’ensemble de l’économie tunisienne.

Ses principaux objectifs sont :

  • Atteindre des exportations représentant près de 13,5 milliards de dinars en 2027 contre 7,5 milliards de dinars en 2021
  • Attirer des investissements d’une valeur équivalente à 22% du PIB du secteur en 2027 contre 12% en 20192
  • Installer une unité d’assemblage de véhicules électriques (et/ou véhicules autonomes et/ou véhicules connectés) porteuse de transfert technologique avec un investissement de 300 millions d’euros ainsi que deux nouveaux équipementiers automobiles de rang 1 (à titre d’exemple : Continental, Bosch, Denso…) avec un investissement de 100 millions d’euros chacun outre quatre centres de compétences et/ou de recherche et développement
  • Créer 60.000 emplois additionnels entre 2022 et 2027 pour atteindre 150.000 emplois en 2027
  • Atteindre un taux d’intégration nationale de 48% en 2027 avec une diversification de la chaîne de valeur et un taux d’encadrement de 19% en 2027 contre 12% en 2021.

 

Sur les 31 engagements du pacte il y a 22 mesures de l’État et neuf engagements du privé.

Les 22 mesures à mettre en œuvre par l’État sont réparties comme suit :

  • Infrastructure : quatre mesures pour améliorer l’infrastructure tunisienne et l’efficience logistique à travers notamment la mise à niveau des ports, l’amélioration des lignes maritimes, l’aménagement des zones industrielles, et l’aménagement des sites d’implantation pour les constructeurs automobiles. Ça concerne notamment les quais 8 et 9 du port Radés, le port de Zarzis, le port d’Enfidha dont le parachèvement est prévu pour 2026.
  • Cadre réglementaire et incitatif : huit mesures pour améliorer le climat des affaires via la simplification des procédures administratives et des primes à l’investissement et réinvestissement ;
  • Emploi & Formation : deux mesures pour assurer l’adéquation entre l’offre et la demande au niveau du marché de l’emploi mais également assurer une disponibilité des profils spécialisées et de qualité ;
  • Recherche & Développement : trois mesures pour assurer une montée en valeur ajoutée du secteur Automobile ;
  • Visibilité et Image : cinq mesures pour communiquer, promouvoir et mettre en exergue les potentialités existantes du secteur automobile afin d’attirer les constructeurs automobiles.

 

D’autre part, le secteur privé s’engagera aux côtés de l’État dans une logique de partenariat étroit afin de garantir l’atteinte du plein potentiel compétitif de l’industrie automobile en Tunisie, en améliorant l’écosystème du secteur et ce afin de promouvoir les investissement, l’emplois et les exportations :

  • Cadre réglementaire et incitatif : deux engagements pour améliorer le suivi et la veille statistiques du secteur automobile en collaboration avec l’INS, aussi que la mise en Pacte pour la compétitivité de l’industrie automobile en Tunisie place d’un « code de performance et de bonnes pratiques » qui améliore davantage la relation client-fournisseur.
  • Emplois et formation : quatre engagements du secteur privé pour améliorer l’emploi et la formation en quantité et en qualité.
  • Recherche & Développement : deux engagements pour financer un nombre de projets de R&D et projets start-ups et le développement de quatre clusters stratégiques.
  • Visibilité et Image : un engagement du secteur privé pour assurer le démarchage et la communication.

 

En outre, le secteur privé s’engage à créer de nouveaux investissements automobiles en Tunisie et des emplois précités dans les objectifs.

 

La mobilité électrique est devenue un impératif dans un monde en perpétuel changement. Outre les contraintes écologiques qui imposaient à la Tunisie de suivre le peloton, aujourd’hui, le pays est rattrapé par la réalité économique.

 

Imen NOUIRA

28/11/2022 | 17:19
11 min
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Commentaires
A4
Soyons logiques !
a posté le 02-12-2022 à 16:20
Vous avez d'un côté une voiture à essence taxée à 100 %.
Et de l'autre côté une voiture électrique à 0% de taxe.
Pour quel type de véhicule va opter l'état en faillite ?
ABIDI
Ils s'enfoutent royalement
a posté le 29-11-2022 à 15:27
Nos dirigeants et nos hauts fonctionnaires s'en fichent royalement des nécessités et du bien du citoyen.
Comme simple exemple, l'Open-Sky dont la signature de la convention traine depuis plus de dix ans ......!!!
Hela nous n'avons plus d'état
M.S.A
le problème à l'envers
a posté le 29-11-2022 à 11:47
je ne sais pas pourquoi les journalistes entament toujours les problèmes à l'envers; d'ou on va fournir l'énergie électrique pour ce type de consommation, sachant que notre consommation en énergie électrique domestiques et des entreprises dépasse plusieurs fois dans une année la production , on me dit aussi, que l'infrastructure électriques n'est plus adaptée. je sais aussi que la transition vers la production de l'énergie autre que classique est encore dans une phase de réflexion en Tunisie et on a un gros entrave à ce développement représenté par la STEG et derrière L'UGTT qui font tout pour bloquer les panneaux solaires a entrer dans les coutumes des tunisiens ( citoyen et entreprises ).

Merci
Un citoyen
Un très bon article
a posté le 28-11-2022 à 19:22
Reste à le traduire en réalité locale et c'est le plus grand défit pour que cela ne reste pas un projet dans des cartons comme tant d'autres projets novateurs