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Tourisme, la solution plutôt que le problème
21/04/2020 | 21:34
8 min
Tourisme, la solution plutôt que le problème

 

Le tourisme tunisien, un secteur sinistré qui n’a cessé d’essuyer les coups durs depuis la révolution et cette crise sanitaire pourrait être le coup de grâce si des mesures urgentes ne sont pas prises. Il s’agit d’un secteur stratégique en termes d’employabilité, de création de valeur et d’entrée en devises. Quelles sont les mesures d’accompagnement mises en place pour ce secteur ? A-t-on pensé à la période après Covid-19 ?

 

Le tourisme a toujours été un secteur important en Tunisie, mais les crises successives depuis 2011, l’attaque de l’ambassade américaine, les attentats, la faillite de Thomas Cook ont fait qu’il a été durement ébranlé ces dernières années. 2019 a été une année remarquable avec près de neuf millions de visiteurs et deux millions de dollars de recette. La pandémie de Covid-19 a été un réel coup de massue pour les professionnels du secteur avec une crise d’envergure internationale et une reprise concrète qui ne pourra se faire en plein régime qu’à partir de 2021.

Intervenu lundi 20 avril 2020 dans l’émission Hadith Asseâa de Adel Bouhlel sur la chaîne Attessia Tv, le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Mohamed Ali Toumi est revenu sur le poids de ce secteur dans l’économie tunisienne.

Le secteur du tourisme représente ainsi plus de 1,2 million d’emplois directs et indirects, c’est 5,62 milliards de dinars d’entrée en devises.

Selon une étude réalisée par la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH) et le cabinet d’audit et de conseil international KPMG, le secteur participe à hauteur de 14,2% du PIB. S’agissant du manque à gagner, le gouvernement l’estime à 1,4 milliard de dollars en 2020, dans une correspondance envoyée par le gouverneur de la Banque centrale et le ministre des Finances au Fonds monétaire international (FMI) et qui table sur une récession de 4,3% pour 2020. M. Toumi pense qu’on est très loin du compte. Il recense notamment comme manque à gagner : les 350 millions de dinars (MD) de recette des vols charters des deux compagnies aériennes Tunisair et Nouvelair, les 200 MD des recettes des croisières programmées en se basant sur les chiffres réalisés en 2010, les 500 MD des recettes de location de véhicules aux non-résidents, les 1.500 MD de recettes du tourisme de santé et les 1.400 MD de recettes des séjours des Algériens et des Libyens. Pour lui, le manque à gagner dépassera les 9 milliards de dinars.

En effet, c’est un pan entier de l’économie qui sera ravagé : hôtels, maisons d’hôte, gites ruraux, agences de voyage, restaurants et cafés touristiques, casinos, sociétés de location de voitures, guides touristiques, artisans/commerçants, les sociétés d’animation touristique (chamelier, quad, calèche, vendeur de méchmoum), les bateaux de tourisme, les cliniques, etc., outre les fournisseurs de ces secteurs comme l’agriculture et l’industrie ainsi que le transport.

 

Une source du ministère du Tourisme a indiqué, dans une déclaration à Business News ce mardi 21 avril 2020, que le ministère avait anticipé la crise avant même le confinement. Il avait apporté des solutions et envoyé une lettre au ministère des Finances avec ses propositions. Début mars, il a créé une cellule de crise spéciale Covid-19. Le département a ainsi travaillé sur deux volets en cette période de crise.

Le premier volet concerne la contribution dans l’effort national de solidarité contre la crise Covid-19. Ainsi, la FTH a participé avec 6.230 chambres d’hôtel mises à la disposition des Tunisiens rapatriés et des équipes médicales, la Fédération tunisienne des agences de voyage (FTAV) avec du matériel roulant, essentiellement des bus, pour le transport des catégories précitées, avec des repas offerts au staff médical et aux forces de l’ordre outre les dons en matériel et en nature pour les hôpitaux.

Le deuxième volet concerne la pérennité des entreprises touristiques.

Le ministère a ainsi œuvré à garantir les salaires des employés au moins pour le mois d’avril, avant que les employeurs et salariés trouvent une formule adéquate qui leur convient. Certaines catégories pourront bénéficier des 200 dinars de l’Etat. Un effort a été fourni par le département pour que les artisans et les guides puissent en bénéficier via l’insertion du numéro de leur carte professionnelle dans la plateforme https://batinda.gov.tn. Le département a demandé au ministère des Affaires sociales d’inscrire les artisans n’ayant pas de cartes professionnelles en tant que « familles dans le besoin » pour qu’ils puissent bénéficier de l’aide de l’Etat.

Le ministère œuvrera aussi pour que les professionnels du secteur puissent bénéficier de la ligne de financement de 500 MD mise en place par le gouvernement pour les entreprises sinistrées. L’objectif étant que les sociétés du secteur puissent avoir assez de la liquidité pour payer leurs charges (salaires, factures, etc.) jusqu’à une reprise d’activité. Toutefois, les professionnels réclament que ces lignes ne passent pas par les banques à cause de la bureaucratie mais par la BTS ou un comité ministériel.

D’ailleurs, c’est dans ce cadre que Mohamed Ali Toumi s’est entretenu, ce mardi, avec le gouverneur de la BCT Marouane Abassi avec comme ordre du jour le comportement du secteur bancaire avec le secteur du tourisme. Cette rencontre a été précédée, il y a quelques jours par un entretien téléphonique avec le président de l'Association professionnelle tunisienne des banques et des établissements financiers (APTBEF) et le directeur général de la Banque nationale agricole (BNA) Habib Belhaj Gouider.

Le ministère est en train de négocier un taux d’intérêt préférentiel ou des taux de faveur pour le secteur, la flexibilité des remboursements ou une période de grâce assez importante pour laisser le temps au secteur de se remettre sur pied.

Autres mesures importantes, la suspension des déclarations d’impôt et de CNSS ainsi que la suspension de toute poursuite judiciaire pour chèques impayés. Le ministère a également réclamé le rééchelonnement du payement des factures de la Steg et de le Sonede pour les professionnels du secteur.

Pour leur part, les professionnels réclament de déclarer le secteur comme étant sinistré, l’arrêt de toutes les poursuites judicaires de la part du fisc et la CNSS jusqu’à une reprise d’activité ou au moins quelques mois, la suspension du taux d’intérêt, etc.

 

Le ministère du Tourisme se prépare pour le déconfinement, avec la mise en place d’un protocole sanitaire (mesures, exigences, …). Pour M. Toumi, il ne faut pas rester à l’arrêt mais au contraire s’adapter au Covid-19 et faire le maximum avec un respect des mesures sanitaires pour grignoter le maximum de parts de marché et de valeur.

Parmi les mesures à prendre : interdire une activité à 100%, le all-inclusive, les buffets, déterminer des horaires de baignade pour la piscine et la mer et l’affluence, déterminer le nombre de personnes dans les boites de nuit et les distances entre les tables dans les restaurants et cafés. Des mesures qui seront soumises au ministère de la Santé pour validation.

 

Dans un premier temps, ces marchés émetteurs étant touchés de plein fouet par la pandémie, la Tunisie misera sur un tourisme local (1 million de personnes en 2019), puis frontalier avec nos voisins Algériens et Libyens (4 millions de visiteurs en 2019) et ensuite dans un second temps international en visant des marchés relativement épargnés par la pandémie, comme la Russie, la Pologne, la République Tchèque et éventuellement l’Allemagne et ceci jusqu’à une reprise d’une activité normale.

Pour la haute saison, malheureusement il n’y aura pas de remède car les tour-opérateurs réservent en général durant la période de mars/avril. Donc, le ministère va se focaliser sur l’arrière-saison qui commence en octobre avec des produits comme la thalasso, le tourisme médical, le golf, etc.

 

Pour Mohamed Ali Toumi, en toute crise il y a une opportunité à saisir pour sortir plus fort. Selon lui, parmi les pistes à étudier pour le secteur : étaler la saison, diversifier les produits, investir en arrière-saison, mise en place de fonds de garantie, et plus de digitalisation et moins de bureaucratie.

Le ministère du Tourisme et de l’Artisanat continuera ses chantiers lancés avant le Covid-19 dont certains ont commencé avec René Trabelsi et d’autres par M. Toumi qui est venu avec toute une vision, nous confie-t-on. On misera dorénavant sur un tourisme qualitatif et ciblé.

Au menu, reclassification des hôtels selon les normes internationales et un cahier de charge avec un nouveau point introduit avant même cette crise sanitaire, la sécurité sanitaire. Il y aura sûrement des déclassements mais aussi des classements.

Autre chose importante, exit les intrus, la priorité sera donnée à un personnel formé et qualifié, l’objectif étant une qualité de service irréprochable et répondant à la demande d’une clientèle de plus en plus exigeante.

Le ministère misera aussi sur une diversification des produits avec un tourisme alternatif. Une stratégie a été mise en place à cet effet pour développer outre le balnéaire qui a déjà sa clientèle d’autres produits notamment dans les régions. Parmi eux, on peut citer : le tourisme de randonné, sportif, culturel (excursion, archéologie, musée…), écologique, saharien, médical, bien-être, du Golf, Mice (conférence et congrès), outre les maisons d’hôte, les gites, les thalasso, etc. Des investissements seront mis en place à cet effet avec des campagnes ciblées. Le ministère favorisera aussi les influenceurs et les journalistes spécialisés pour promouvoir certains des produits précités. Des marchés seront ciblés avec des produits sur mesure répondant à leur attente.

 

Le tourisme est un secteur important pour la Tunisie à tous les niveaux, le sauver c’est sauver des recettes mais aussi des emplois. Des pans entiers de l’économie tunisienne en dépendent, des familles aussi, d’où la nécessité de faire le maximum pour épargner ce secteur pour qu’il puisse sortir avec le moins de dégâts.

 

Imen NOUIRA

21/04/2020 | 21:34
8 min
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Commentaires
observator
L'éternel malade
a posté le 22-04-2020 à 10:52
Ce secteur, crée sur mesure pour une minorité de samsaras a été un handicap au développement en genera
l du pays.
Il a coûté beaucoup d'argent au pays pour un secteur sans valeur rajoutée qui a augmenté la vulnérabilité du pays.

Il est faut de parler de secteur touristique mais plutôt du secteur des hôtels.
Un ensemble d d'hôtels en bord de mer grand consommateur d'eau douce dont l'agriculture s'en est privée.
Un pays qui a été dirigé par une dictateur au profit d une minorité corrompue.
Aujourdhui nous payons le résultat.
Cela fait des décennies qu on parle de réformer et de réformer mais on ne fait parce su il n y a rien à faire à un secteur créé sans le bon sens.
De tout temps, ce secteur a subit des crises cycliques et pas seulement depuis 2010.
Aujourd'hui, il est 4 fois plus endetté que l agriculture sans compter les subventions dont il a bénéficié et il réclame encore et toujours.
Aucune étude sérieuse n a été menée pour évaluer ce secteur depuis sa création. Pourquoi ?


Il faut réduire le poids de ce secteur.
Il faut reformer l'économie vers une économie faite au profit de l'ensemble des tunisiens.
L'économique doit être au service du citoyen et non l'inverse.
Walid
Tourisme Secteur vital et stratgéique pour la Tunisie
a posté le 22-04-2020 à 09:50
Il faut sauver le Tourisme et les secteurs connexes.
Il faut également reformer urgemment:
- Open SKY partout !!!
- Libéraliser l'acquisition des etrangers pour que des etrangers avec leur savoir faire puissent ouvrir des hotels, restaurants et autres activités nocturnes car sans un environnement de loisirs de qualité a quoi bon venir en Tunisie a part pour des prix pas chers. regarder Marrakech, Beyrouth etc..
- Libéraliser la vente d'alcool sur tout le territoire
Alyssa
l'élite riche peut changer tous
a posté le 22-04-2020 à 08:36
Lélite intelligente de certain peuples ont deja saisi que la condition de leur société affecte leur avenir et leur vie .un homme riche qui vit en Allemagne bénéficient en fait d'une situation plus stable qu'un riche tunisien avec une double fourtune !! Qu'est-ce qui empêche l'élite et nos riches d'aller dans cette direction? Par exemple, les propriétaires d'hôtels et de grands projets, qu'est-ce qui les empêche de contribuer à l'amélioration des villes dans lesquelles ils se trouvent (Campagnes de sensibilisation hygienity, decorartion des rues..)
Warda
Et la propreté !
a posté le 21-04-2020 à 22:07
Vendre une destination avec des poubelles qui traînent partout, plages avec détritus, toilettes aéroport sales, un grand nettoyage s'impose en urgence pour éviter la propagation des virus.
Si la Tunisie reste sale avec cette periode d'épidémie alors que tous les pays parlent hygiene, propreté, écologie plus personne ne viendra.
Publicité, images choc, faire prendre conscience qu'un pays aux normes sanitaire est plus accueillant qu'un pays qui veut l'argent du tourisme sans se soucier de la propreté de son environnement.