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Situation de confusion : les agences d’intérim assimilées à tort aux entreprises de sous-traitance
22/04/2024 | 08:59
6 min
Situation de confusion : les agences d’intérim assimilées à tort aux entreprises de sous-traitance

 

Les débats et critiques portant sur la sous-traitance n’ont cessé de faire la une des médias. Cette thématique a, aussi, été au centre des mouvements de protestation de l’UGTT. Tout le monde semble voir d’un mauvais œil ce secteur, quitte à y assimiler d'autres, à savoir celui de l’intérim.

 

Le sujet refait surface en 2024 à la suite des déclarations du chef de l’État, Kaïs Saïed. Il y a de cela près de deux mois, en février 2024, le président de République a appelé à mettre fin à la sous-traitance. En mars 2024, il ordonne la révision du Code du travail afin d’interdire la sous-traitance dans le secteur privé. Depuis, les agences d’intérim, souvent assimilées aux entreprises de sous-traitance, font tout ce qui est en leur possible pour résister.

L’origine du mal dans cette histoire semble être le faible cadre juridique, voire son absence pour certains. Du côté de la loi, la sous-traitance et l’intérim n’ont pas vraiment été abordés de façon adéquate. La législation tunisienne s’est contentée de quelques articles inclus au Code du travail. Il s’agit des articles 28, 29, 30 et 285. Beaucoup reprochent au Code du travail d’être caduc et dépassé par les événements et l’évolution de la société et du marché du travail. Même l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives avait mis l’accent, dans une étude intitulée « Législation du Travail en Tunisie - Évaluation et impact sur l'emploi » et publiée en 2022, sur l’importance de réformer le code et de revoir les textes en vigueur.

 

Ce faible cadre juridique ne fait qu'aggraver la situation et rendre la distinction entre la sous-traitance et l’intérim quasi-impossible. Or, il s’agit d’une chose, théoriquement, facile à faire. La différence entre l'intérim et la sous-traitance est claire au niveau de la relation entre l’employeur et l’employé. L'intérim signifie qu’une entreprise embauche des travailleurs pour des missions temporaires ou à durée déterminée. Ces employés sont affiliés à une agence d'intérim et exercent leur fonction au sein de l’entreprise cliente afin de couvrir un besoin temporaire en main-d'œuvre. D’un autre côté, la sous-traitance signifie recourir à une entreprise externe afin d’exécuter une tâche. Pour être dans la vulgarisation, recourir à la sous-traitance signifie opter pour une solution clé en main. L’entreprise sous-traitante est amenée à atteindre un objectif sans que l’entreprise l’employant n’intervienne au niveau de l’exécution, du personnel déployé ou des ressources matérielles utilisées.

Afin de comprendre encore plus la chose, le gardiennage et le nettoyage, activités au cœur du secteur de la sous-traitance, sont affiliés à une chambre syndicale. Elles sont sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Les entreprises de travail temporaire sont groupées dans une autre chambre syndicale affiliée à l’Utica et sont sous la tutelle du ministère des Affaires sociales. Les secteurs du gardiennage et du nettoyage font l’objet d’une réglementation par le biais d’une convention collective sectorielle. Ceci n’est pas le cas pour les agences d’intérim. Elles opèrent sous la patente d’activité d’intérim et sont classées par l’Agence de promotion de l’Investissement comme sociétés de placement de personnel.

Les agences d’intérim ne cherchent pas à réaliser du bénéfice en exécutant une tâche. Elles font de la mise à disposition de personnel, c’est-à-dire, qu’elles déploient du personnel qualifié pour une durée bien déterminée. Elles réalisent une mission. D’ailleurs, les agences d’intérim sont très actives dans le secteur bancaire puisqu’elles garantissent les ressources humaines compétentes. L’intérim n’est, donc, pas une forme d’emploi précaire. Il s’agit d’un travail temporaire.

 

Pour ce qui est de la réalité des rémunérations, du côté de la sous-traitance, on cherche à maximiser les revenus en diminuant les coûts. L’entreprise y ayant fait appel se contente de payer une facture sans avoir à se soucier de la condition des employés et de leur rémunération. Le même phénomène peut être observé au niveau des agences d’intérim, mais il s’agit de dépassements. Les sociétés font appel à l’intérim pour minimiser leurs coûts non pas au niveau des rémunérations, mais de l’engagement sur le moyen et le long terme. Les structures sollicitant un travailleur temporaire évitent d’embaucher et, plus que tout, de titulariser. Ainsi, l’intérim permet de bénéficier d’une compétence pour une durée bien déterminée, mais sans que celle-ci ne dépasse les quatre années.

La loi tunisienne oblige les entreprises à recruter les travailleurs intérimaires exécutant une mission en CDD depuis quatre ans, d’après un dirigeant d’une grande agence d’intérim basée en Tunisie. Celui-ci nous a expliqué que l’agence d’intérim prenait tout en charge. Il s’occupe de rédiger les contrats des intérimaires, d’assurer la couverture sociale et de déclarer tout auprès des autorités tunisiennes. Néanmoins, la défaillance juridique, la législation lacunaire et le manque de contrôle ouvrent la porte aux dépassements et aux mauvais traitements. Les agences d’intérim ne sont pas dans l’obligation, par exemple, d’appliquer les conventions collectives cadre pour les intérimaires. À titre d’exemple, un banquier intérimaire peut se retrouver rémunéré au Smig et non selon la grille salariale sectorielle ou interne de l’établissement.

« Concrètement, plus le salaire est élevé, mieux c’est… Ceci garantit la motivation de l’employé et une certaine productivité… De mon côté, et pour parler business, nous adressons à l’entreprise une facture comprenant la rémunération, l’impôt, la couverture sociale et les congés payés de l’employé… Notre agence d’entreprise offre, même, des tickets-restaurant, une assurance et des congés de groupe… Généralement, sur un salaire net, il faut ajouter 45% pour avoir le salaire en brut… Nous facturons un bénéfice sous forme de 10% de ce dernier… Plus le salaire évolue, mieux c’est… Les marges ne sont pas fixées par la loi… Le marché est très chargé… Il y a une très faible marge… Les sociétés de sous-traitance travaillent avec un système de forfait contrairement aux agences d’intérim qui appliquent un bénéfice », a-t-il ajouté.

 

En se penchant sur la question, on pourrait s’interroger sur l’intérêt de faire appel à l’agence d'intérim. Après tout, il ne s’agit que d’un emploi temporaire. Or, ceci permettra à nos jeunes diplômés d’au moins acquérir une première expérience professionnelle et de découvrir le monde du travail. Les quelques dizaines d’agences d’intérim présentes en Tunisie permettent de trouver une solution aux 23,7% des chômeurs diplômés de l’enseignement supérieur. De plus, les agences d’intérim ont leur propre personnel et salariés. Il s’agit de structures économiques déclarant leurs revenus et respectant la législation en vigueur.

 

Ainsi, il serait judicieux de se pencher sur les moyens permettant de réformer ce secteur et d’inciter les agences d’intérim à appliquer les conventions collectives sectorielles afin de préserver ce secteur et non de le diaboliser, voire causer sa destruction. Le travail par intérim est une forme d’emploi répondant au besoin temporaire des sociétés tunisiennes ayant besoin d’une certaine flexibilité au niveau de leurs ressources humaines et non une forme de sous-traitance qui doit être abolie.

 

Sofiene Ghoubantini

22/04/2024 | 08:59
6 min
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Commentaires
Agatacriztiz
Pendant que j'y pense.
a posté le 22-04-2024 à 15:03
Il faut également que le Ministère du travail réfléchisse à une éventuelle taxation des entreprises recourant de plus en plus et "abusivement" à l'intérim, surtout celles qui sont connues pour le "plein emploi" qu'elles sont sensés offrir (comme le travail saisonnier dans le domaine touristique).
riri
pathétique...encore
a posté le 22-04-2024 à 15:01
Mec, t'es dans un pays où on confid milliards et millions et milliers.

Alors confondre intérim et sous traitance.. c'était prévisible non?

Et interdire la sous traitance c'est d'une bétise totale.

Interdire l'Open Sky est une catastrophe

Interdire ou réprimer l'IA est stupide

on continue la liste des décisions stupides prises en Tunisie depuis des mois?

Le Maroc est mort de Rire, son concurent la Tunisie se transforme en Algérie et coule.
Larme à l'oeil
Petite pensée...
a posté le à 15:16
...à tous nos mafieux fugitifs planqués à l'étranger ou en Tunisie : aboyez, aboyez, vous n'avez rien vu encore !..
Sherlock Homss
'? la loupe !
a posté le 22-04-2024 à 12:19
Audit de tous les contrats d'emploi conclus entre l'administration (ex: Tunisair, municipalités, personnel de ménage et de nettoyage) et les sociétés d'intérim, des paiements mensuels versés à ces sociétés de négriers des temps modernes, avec vérification méthodiques des fiches de paie distribués aux employés et bien entendu des sommes réellement perçues par ces derniers.
mtz
verification
a posté le 22-04-2024 à 11:14
il faut verifier les chiffres annoncés de 400 dt de salaires net pour les agents de tunisair handling alors que le montant facturés par la societe d'interim est de 2000 dt ce qui donne les montants de milliars de benefice par an .
si ces ciffres sont exacts les responsables de ces entreprises publiques auteurs de ces appels d'offres doivent rendre des comptes .
si les informations fournies au president sont fausses a propos du personnel travaillant pour tunisair il faut punir ceux qui trompent les tunisiens
Agatacriztiz
C'est vrai...
a posté le 22-04-2024 à 09:56
Mais les agences d'intérim, dans un pays comme le nôtre et au regard du contexte et de la nature de la grosse majorité des emplois offerts, SONT et ne peuvent '?TRE que des entreprises de "sous-traitance", ne nous voilons pas la face.