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Sami El Fehri, coupable ou innocent telle n’est plus la question !
02/06/2020 | 19:59 , mis à jour à 17:59
9 min
Sami El Fehri, coupable ou innocent telle n’est plus la question !

 

Avec les récentes élections, présidentielle et législatives, le feuilleton de la formation du gouvernement et la crise sanitaire qui s’est abattue sur le monde en début d’année, l’opinion publique a quelque peu relégué aux oubliettes l’affaire Sami El Fehri. Un communiqué de l’AMT et la récente annonce de suspension de l’émission politique phare d’Elhiwar Ettounsi, sont venus raviver les questions qui entourent l’affaire. Questions qui ne concernent plus désormais l’innocence ou la culpabilité du prévenu mais ont plus trait au processus juridique rendu compliqué et qui sème le doute sur les réelles motivations de son arrestation…

 

 

Sami El Fehri ne constitue en rien une menace pour la sûreté nationale et pourtant, alors que son affaire est en cours d’instruction, il croupit en prison depuis des mois et tous ses recours ont été rejetés. Comparu aujourd’hui même devant la cour de cassation de Tunis, Sami El Fehri s’est vu rejeter un recours contre le mandat de dépôt émis à son encontre.

 

Arrêté depuis le 5 novembre, Sami El Fehri a subi un interrogatoire de plus de dix heures, une descente musclée a été effectuée à son domicile devant sa femme et ses enfants à un moment où les élections étaient à peine achevées et que le nouveau paysage politique commençait à se dessiner. Accusé de blanchiment d’argent et d’abus de pouvoir, l’homme de média a eu droit à un traitement qui rappelle étrangement celui réservé aux personnalités « gênantes ».  

 

 

Le 5 novembre, le porte-parole du pôle judiciaire économique et financier Sofiène Selliti annonçait la nouvelle, le ministère public près du pôle judiciaire, économique et financier, en collaboration avec la brigade d’investigation sur les crimes économiques et financiers, a ordonné l’arrestation et la mise en garde à vue de Sami El Fehri, de l'administratrice judiciaire et du gérant d’Eight prod pour les raisons d’enquête relatives à l'affaire d'abus à Cactus Prod. « Les trois personnes indiquées seront placées en garde à vue pendant 5 jours pour suspicions de blanchiment d’argent, abus de pouvoir d’un fonctionnaire public et outrage aux mesures et procédures d’usage. Après l’interrogatoire de Sami El Fehri, lundi 4 novembre 2019, et le report de l’affaire au 26 décembre 2019, la brigade d’enquêtes dans les crimes économiques et financiers a poursuivi ses travaux sous la supervision du ministère public qui a autorisé l’arrestation de Sami El Fehri, de l'administratrice judiciaire et du mandataire légal de la chaîne » a-t-il précisé.

 

A l’heure de son arrestation, Sami El Fehri était déjà interdit de voyage tout comme son épouse, suite à une plainte déposée par le ministère des Finances pour mauvaise gestion de biens confisqués et suspicion de corruption à travers la signature de contrats en infraction des réglementations en vigueur, notamment, la société Cactus Prod et d’autres sociétés. Le timing de son arrestation avait alors suscité des interrogations quant au tournant politique que prend l’affaire car au moment même où il a été arrêté, de multiples descentes policières jusqu’à l’aube ont eu lieu, chez Sami El Fehri, chez des parents et de proches amis, et ce en plus des sièges de la société de production et de la chaîne de télévision. L’avocat Abdelaziz Essid avait alors indiqué que les agents recherchaient les enregistrements du documentaire spécial réalisé par Sami El Fehri à propos du financement illicite du parti islamiste Ennahdha. En effet, Elhiwar Ettounsi avait annoncé la prochaine diffusion du documentaire en question et les dirigeants du parti islamiste ont explicitement menacé Sami El Fehri de poursuites judiciaires s’il décide de le faire, allant jusqu’à dire que ce faisant, il leur a déclaré la guerre.

 

Ce n’est donc pas le fond de l’affaire, qui traine disons-le depuis des années, qui pose problème, mais surtout sa forme. Quand Sami El Fehri a été arrêté, Abdelaziz Essid le disait clairement : « Les interrogatoires vont se poursuivre aujourd’hui sans qu’il n’y ait officiellement aucune affaire devant la justice et aucun juge d’instruction saisi. Seul le Parquet décide donc d’interdire de voyager, de placer en garde à vue, de faire des descentes policières. Nous n’avons pas vu cela dans les plus grandes affaires de terrorisme ».

 

Le 31 janvier, l’avocat évoquait un chantage et des menaces dont aurait fait l’objet son client. « Aujourd’hui, nous faisons confiance à la justice malgré tout ce qui s’est passé. Au départ, j’allais évoquer certaines pratiques. Les auteurs savent de quoi je parle et je détiens des preuves irréfutables. Mais je ne vais pas opter pour l’escalade. Je ne veux pas parler des coulisses de l’instruction et je me limiterai à la discussion des articles de loi parce que les données que je détiens peuvent provoquer un séisme » avait-il assuré, avant de souligner que le droit de la défense a été bafoué et la chambre des mises en accusation s’est réunie toute seule, sans la présence de la défense.

 

« Je souhaite que les juges s’abstiennent et évitent d’être impliqués dans ces sales besognes. Comment la Cour de cassation émet sa décision tard dans l’après-midi et on se retrouve avec un nouveau mandat de dépôt le lendemain ? Comment les procédures ont pu être faites avec une telle rapidité. Ce qui s’est passé est une première » a ajouté Me Essid, excédé après que la Cour de Cassation ait décidé de la libération de Sami El Fehri et que la décision n’a pas été appliquée. Le ministère public avait alors interjeté appel et la chambre des mises en accusation a émis un nouveau mandat de dépôt, le tout en un temps record ne dépassant pas une demi- journée. Un enchevêtrement de mesures, de procédures et de décisions qui n’ont eu au final qu’un seul résultat, le maintien en prison de l’accusé.

 

Le 10 février c’est l’AMT (Association des magistrats tunisiens) qui publiait un communiqué pour évoquer « les divergences et les amalgames concernant les mandats de dépôt émis à l’encontre de personnalités influentes » et l’application des dispositions du Code des procédures pénales au sein des chambres de la Cour de cassation, ou entre la cour de cassation et la Cour d’appel. L’Association insistait sur la gravité de ces divergences « ayant même atteint une contradiction dans l’application des dispositions du Code des Procédures pénales dans l’absence des mécanismes d’unification des efforts de la jurisprudence».

« Bien que ces divergences ne concernent que les affaires liées à des personnes influentes impliquées dans des affaires de corruption, de blanchiment d’argent, de contrebande et de terrorisme, elles ont affecté la confiance générale dans la justice, tout en portant atteinte au principe de l’égalité devant la loi » disait l'association des magistrats. 

 

 

Pour mettre fin à tous les différends juridiques soulevés entre les chambres de la Cour de Cassation et la Cour d’Appel, le premier président de la Cour de Cassation avait fixé la date du 2 juin pour examiner l’affaire de Sami El Fehri, sans qu’elle ne soit examinée par les chambres réunies. Réagissant à cela, l’AMT s’est dite attachée, dans un communiqué publié le 30 mai,  à ce que les chambres réunies prennent en charge l’affaire, dans la mesure où elles constituent la plus haute instance juridique, appelant dans ce contexte, la chambre de la Cour de Cassation en charge de l’Affaire à se déporter du dossier et le remettre à nouveau au premier président de la Cour de Cassation pour qu’il le soumette devant les chambres réunies.

 

L’association appelait ainsi à la nécessité de mettre en place les conditions et le climat nécessaires pour les juges des chambres réunies afin qu’ils assurent leurs missions en toute indépendance et loin de toute forme de « pression ». C’est d’ailleurs en faisant référence à ces pressions que la Ligue Tunisienne pour la Défense des droits de l’Homme a mis en garde contre l’implication de l’institution judiciaire dans les conflits politiciens, en faisant justement référence à l’affaire Sami El Fehri.

 

La LTDH a souligné que l’élimination des adversaires à travers des procédures taillées sur mesure porte atteinte à la crédibilité de l’Etat. « Ce qui s’est passé les 29 et 30 janvier 2020, en refusant l’application de la décision de la Cour de Cassation relative à la libération de Sami El Fehri, tout en le maintenant séquestré illégalement à la prison d’El Mornaguia, et l’émission d’un nouveau mandat de dépôt avec une rapidité sans précédent, fait soulever des doutes et porte préjudice à l’autorité judiciaire » avait-elle précisé dans un communiqué datant du 8 février 2020. Et d’ajouter que ces pratiques reviennent à une exploitation de l’appareil judiciaire pour des règlements de comptes politiques et une mise au pas des médias.

 

 

On ne peut plus désormais citer l’affaire Sami El Fehri sans penser à celle dont a fait aussi l’objet le patron de Nessma, Nabil Karoui. I-Watch, se basant sur un rapport datant de 2016, a déposé une plainte contre Nessma Network, pour blanchiment d’argent, évasion fiscale et escroquerie. D’abord entendu en tant que témoin, Nabil Karoui, s’est retrouvé du jour au lendemain sur le banc des accusés, alors même qu’il grimpait dans les sondages pré-électoraux et que sa candidature à la présidentielle se confirmait. Arrêté en juin 2019, Nabil Karoui, a interjeté de nombreux recours avant d’être finalement libéré en octobre et disputer le second tour qui l’opposait à Kaïs Saïed. On a parlé alors d’une négociation qui aurait permis ce revirement de situation et les faits ne l’ont pas démenti.

 

De nombreux observateurs ont donc fait le lien entre les deux affaires. Les procédures interminables, l’excès de zèle, le timing douteux auquel sont « déterrés » les dossiers évoquent selon certains une justice « instrumentalisée ». Sami El Fehri s’est attaqué au nouvel « establishment » et il a été très facile de lui trouver une « affaire », maintenant quel est au juste le rôle de la justice et que devrait-il être? Telle est la fatidique question…  

 

  

Myriam Ben Zineb

 

02/06/2020 | 19:59 , mis à jour à 17:59
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Commentaires
expert
innocent to be or not to be
a posté le 10-02-2021 à 21:51
that is the question! la reponse est clair celui qui a joué trop risqué du temps des teabelsi et comme le nom l indique risqué cad un jour si ca marche mal te coute tres cher et c est ce qui est arrivé a notre semi fehri er ce qui va arriver a gannouchi and co pondu un jour sur la place de l horloge. bien que j aime bien semi car il a fait décoller la tv tunisienne mais en meme temps la rabaisser de niveau avec des emissiinsvde bas niveau
BIEN
@sellami| 03-06-2020 21:36 Merci pour le lien!
a posté le 03-06-2020 à 22:57
Notre justice n´existe apparemment pas!
La mafia est plus enracinée dans le pays plus que jamais!
sellami
Sami carrière
a posté le 03-06-2020 à 21:36
Et que pense Myriam Ben Zineb de cette vidéo?

https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=2297890807189836&id=100009068181288
Zohra Credy
L'affaire Sami Fehri
a posté le 03-06-2020 à 18:49
L'affaire Nabil Karroui, Sami Fehri comme les affaires d'assassinat politique des martyrs Chokri Bélaid et Mohammed Brahmi montrent que la justice reste inféodée au pouvoir politique et notamment au parti qui a eu la majorité absolue 2011 à 2014 et une majorité relative depuis 2014 et notamment après l'éclatement de Nidal Tounès soit le parti islamiste. '? mon sens, ces affaires et ce qu'elles cachent reflètent un fait plus grave que la soumission de la justice au pouvoir politique, elles laissent présager de l'existence d'un '?tat parallèle dirigé par le mouvement islamiste Nahdha. En aucun cas ces actes ne peuvent être imputés à une ou deux personnes mais ne pourraient être que l'oeuvre d'une machine institutionnelle ayant de grands moyens. Cette réalité est inquiétante à plus d'un titre
Aliboron
Un ***
a posté le 03-06-2020 à 18:06
Tant que ce gars est en prison,moi personnellement je suis tres content.
Citoyen_H
@kol | 03-06-2020 11:52
a posté le 03-06-2020 à 15:42
Bravo, en quelques lignes, vous résolu un mystère qui, tout compte fait, n'en était pas un..
L'opacité intense de la pseudo-justice en place depuis son infection dû à la puanteur morbide des bagla-liha, fera en sorte que l'on ne connaitra jamais, les démêlés des dessous de cette affaire, tout comme des milliers d'autres.
Tout ce que je sais, c'est que "fama rabi".
Salutations


abc
Il n'y a pas de fumé sans feu
a posté le 03-06-2020 à 13:24
Désolé, il est important pour nous tunisiens de savoir si Sami est coupable ou pas '?'
Donc cesser de tourner autour du pot.
Ne pas oublier que Sami a bien profité sous l'ancien régime et sans avoir été inquiété pour autant.
BIEN
La justice en Tunisie dites-vous?
a posté le 03-06-2020 à 12:44
Notre famille a intenté un procès contre un avocat dépuis 2012, et jusqu'à présent, il n'y a même pas eu d'invitation à un procès. Dans ce "processus judiciaire" il s´agit de détournement de fonds et d´arnaque de mon defunt frère.
Nous attendons toujours et attendons toujours ..
La justice peut définitivement être oubliée en Tunisie !!
Je peux vous assurer qu´en Tunisie, jusqu´à ce jour , n´a jamais eu de justice ou de démocratie.
kol
La corruption et les Islamistes ont gangrene le systeme
a posté le 03-06-2020 à 11:52
Du coup, on n'a plus d'institutions et la justice est devenue partiale

meskina tounes, meme Ben Ali n'a pas ete aussi vil que ces Tartuffes qui nous gouvernent et pour qui la masse vote!
On a les dirigeants qu'on merite!
Ben Mansour
Tout laisse à croire
a posté le 03-06-2020 à 06:37
En réalité, il me semble qu'il ne faudrait pas être homme de droit ou légiste pour comprendre un peu ce qui se passe envers une personne qui ne présente aucun danger pour l'état et qui est accroupi derrière le barreau en attendant son sort surrout en présence d'un nombre important d'employés qu'il gère.
Il ne faudrait pas oublier non plus qu'il s'agit d'une affaire d'une affaire financière.
Donc, tout laisse à croire que la chaîne de TV qui rencontre actuellement des difficultés financières est visée en premier lieu beaucoup plus que la personne.
Si on tient compte aussi de l'arrêt ou de la suspension de l'émission de Bel Khadhi supposée la première , bien suivie grâce à une équipe de journalistes sérieux qui diffusent l'information à temps avec des interprétations bien réfléchies et profondes , alors là, le doute d'habdicaper la chaîne RV. Tout d'abord pour la vider de sa mission devient claire et net dans le but de l'arrêter totalement
A ce point, les choses deviennent graves et injustes .
Nephentes
Que fait la potiche Fakhfakh
a posté le 02-06-2020 à 22:20
On a normalement un nouveau premier ministre qui dirige un nouveau gouvernement avec dedans un nouveau ministre de la justice
Je sais pas ce qu'il fait au juste dans cette affaire comme dans d'autres

Il devrait s'interesser lui et son nouveau ministre de l'interieur aux centaines de containers de 30 tonnes qui ont enjambes au cours de ces deux mois et demi de confinement , sans autorisation, la rembarde de leur navire au large de Rades Bizerte Sousse Sfax pour plonger dans la mer et nager jusqu'au rivage pour s'egayer dans la nature

Nos douaniers n'ont meme pas eu le temps de mvoir ce qu'il y avait dedans on ne sait jamais

ce qui fait qu'on ne sait pas si ces containers se sont enrhumes ou pas lors de leur nage vers le rivage

Dans le contexte actuel Covid19 cela peut representer un risque
BEN
BEN ALI EST MORT VIVE BEN ALI
a posté le 02-06-2020 à 22:02
C'est un avertissement à tous ceux qui veulent s'attaquer aux islamistes, et la volonté de donner une leçon à Sami el Fehri et à tous ceux qui oseront faire leur travail de journaliste...On lui fera voir de toutes les couleurs, ce n'est certainement pas en arrêtant l'émission de M Belkhadi qu'il va s'en tirer. On lui fera vendre sa boîte et on le réduira au silence, c'est la minimum syndical. Entre temps les autres chaînes se tiennent à carreau, on se bouscule pour inviter les gens d'Ennahda, d'El Karama, etc. car la plupart ont retenu la leçon. Ils ont compris que BEN ALI EST TOUJOURS LA, mais il ne s'appelle plus BEN ALI...Elle est belle notre révolution, quelle désillusion...
PS Ceux qui, dans le monde des médias, n'ont pas compris ou feignent plutôt que le fond de l'affaire n'a rien à voir avec le blanchiment, verront leur tour arriver. Mais ce sera trop tard, ils regretteront de ne pas s'être solidarisés avec leur collègue, tout en demandant que la justice fasse son travail, car bien entendu personne n'est au dessus de la loi.
Nephentes
Utiliser les institutions comme serpiliere
a posté le 02-06-2020 à 21:57
La justice tunisienne est moribonde

S'inspirant directement de l'experience Erdogan Nahdha deploie chantage et intimidations envers les fonctionnaires de justice et cadres securitaires
Rien que ca

Nahdha ne veut pas reformer

Elle veut des juges des policiers des douaniers des hauts fonctionnaires corrompus serviles laches sans honneur sans patriotisme a prets a executet avec zele ses basses besognes

A l 'epoque en 2010 puis en 2013 Erdogan sous couvert de lutte contre le predicateur Gullen avait mis au pas justice police armee en pratiquant le chantage
Il avait deliberement vise juges et policiers ripoux, facilement influencables, pour asseoir sa dictature en les utilisant comme du temps de zaba comme des hommes de main

Avant de museler la presse

Voila pourquoi Justice Police Douane n'ont pas ete reformees malgre leurs crimes

On a besoin d'executants serviles sous influence prets a tout pour conservet leurs privileges et leurs reseaux

L'affaire Sami Fehri intervient dans cette logique : et cela semble marcher
GOD
coupable ?
a posté le 02-06-2020 à 21:37
Quelle question stupide!
Posons la question á chaque "Hommass" ou à toute femme de ménage en Tunisie la réponse sera: OUI!
Avons-nous vraiment besoin d'un appareil judiciaire pour trancher ces affaires aussi évidentes ?
Je me demande s'il y a une justice en Tunisie. Imaginez un moment si nos médecins travaillent si lentement et si improductif? c´est incroyable, comme si notre justice voulait avant tout réinventer la roue!
ou avons-nous un système judiciaire? je crois NON!