Tribunes
Schadenfreude : la joie du malheur des autres, un miroir de nos propres ombres
Par Mohamed Salah Ben Ammar
Les arrestations et les accusations se suivent et se ressemblent. Quotidiennement, nous sommes soumis à ce chapelet de têtes plus ou moins célèbres qui tombent.
Chaque cas suscite des discussions passionnées entre amis et en famille.
Régulièrement, il se trouve un ou plusieurs pour tomber à bras raccourcis sur le malheureux pour affirmer qu’un tel aurait une connaissance qui lui a confirmé que… et les rumeurs vont bon train. Les commentaires partagés sur les réseaux sont sidérants de propos haineux, d’une violence inouïe.
Ah, la schadenfreude, ce mot allemand si délicieusement complexe, que l’on pourrait traduire en arabe par chmata, n’a jamais été aussi partagé dans notre société. Ce sentiment, qui nous pousse à savourer les malheurs d’autrui, est un témoignage de notre mal-être, d’un environnement toxique… des aspects les plus sombres de notre société.
La schadenfreude, en tant que miroir de nos ombres, nous renvoie à nos propres frustrations. Actuellement, elle met en lumière une société en quête de sens, où les discours de haine et de division s’épanouissent, favorisant une culture où le malheur des autres devient une source de joie morbide pour certains.
Les conséquences de la chmata ne se limitent pas à des effets individuels ; elles fragilisent la société dans son ensemble. Une communauté qui se réjouit des malheurs d’autrui crée un climat de méfiance et d’isolement, freinant l’émergence d’initiatives.
Dans notre société et en particulier depuis quelques temps, il n’est pas rare d’entendre des figures politiques qui, tels des charognards, se nourrissent de la souffrance des autres, exploitant cette joie malsaine pour se maintenir au pouvoir. "Tous pourris" est un slogan que les populistes exploitent pour dissimuler leur incapacité à répondre aux problèmes de la société.
Se réjouir du malheur d’une personne, quand bien même elle serait en faute, est un travestissement de la justice.
La justice ne doit jamais être synonyme de vengeance ou de règlement de comptes.
La présomption d’innocence ne doit pas être bafouée, notamment par ceux qui sont au pouvoir.
Or, certains partis politiques et autres parlementaires, après la Révolution, ont sali et dénigré à tout va, transformant les malheurs d’autrui en un spectacle.
La joie provoquée par la chute de quelqu’un, surtout s’il est connu, est, pour les esprits chagrins, une manière de se donner un peu de consistance. Lancer des rumeurs sur ceux qui sont à terre, incapables de se défendre, est une violence inouïe. Ce phénomène ne se limite pas à la sphère politique ; artistes, sportifs, hauts fonctionnaires et hommes d’affaires de tous horizons en sont victimes, un constat alarmant qui révèle notre incapacité actuelle à bâtir une démocratie.
Dans notre société, toute réussite est suspecte aux yeux de ceux qui ont tout raté.
Certains médias ne sont pas en reste ; en exacerbant ces sentiments de revanche, ils gagnent certes des audiences, mais au prix de leur intégrité. Les images de ce journaliste, coutumier du fait, bavant sur l’honneur d’un banquier qui a été plus tard innocenté, nous hantent encore. C’est simplement odieux. Dans ce climat, la présomption d’innocence se transforme en une farce, où les vérités sont étouffées par les rumeurs malveillantes et par la parole du plus fort.
Nombreux sont ceux qui, innocents, ont été emprisonnés injustement, voyant leur réputation ruinée, victimes d’un système revanchard. Ils ne s’en sont jamais remis. Ce phénomène est souvent décrit comme une forme de justice « divine » par ceux qui se sentent lésés par un système injuste. Le plus inquiétant est que ce sentiment est instrumentalisé par des discours populistes.
Les frustrations sont compréhensibles. Le mérite n’est plus synonyme de réussite, c’est une illusion cruelle pour ceux qui luttent chaque jour pour obtenir ce qui leur revient de droit, l’accès à l’éducation ou à la santé, par exemple. Dans ce cas, le succès d’autrui peut être perçu comme le résultat d’injustices, qu’elles soient naturelles ou sociales. La loterie de la naissance est encore cruelle dans notre société. Mais dans le cadre d’une société, faire de la chmata une dynamique est destructeur. Contrairement à ce qu’ils prétendaient, ce cercle vicieux ne mène pas à plus de justice, mais nous détourne des bonnes solutions.
Nous ne changerons pas les choses en trouvant des boucs émissaires, mais en luttant en permanence contre les injustices sociales. Ces injustices, qui, tel un Phénix obscur, renaissent en permanence de leurs cendres. Lutter contre la corruption ou les passe-droits ne s’improvise pas. Les slogans et les annonces tonitruantes témoignent de l’incompétence ou de la mauvaise foi. Il est essentiel pour un système de tout mettre en œuvre pour garantir l’équité et faire en sorte que chacun devienne maître de sa destinée. Cela ne pourra être fait que si nous apprenons à cultiver la bienveillance et la solidarité et à transcender ces émotions destructrices. Pour un changement durable, il est crucial de cultiver une conscience collective valorisant la compassion et le sentiment d’appartenance à une communauté.
Nous devons réaliser que le plaisir passager de voir une personne tomber fait du mal et masque une insatisfaction, le manque d’estime de soi et une pauvreté intellectuelle.
Encourager des récits de réussites fondés sur le soutien mutuel peut transformer notre rapport aux échecs et aux succès. Cultiver la bienveillance nous libère de nos ombres et éclaire le chemin des autres. En fin de compte, chaque individu, quelle que soit sa position sociale, fait face à ses propres démons ; seuls ceux qui en prennent conscience arriveront à les maîtriser.
sur le fil
Dans la même Rubrique
Commentaires
Nefertiti
Peut être'?'.
a posté le 11-11-2024 à 18:07
Toute réussite est devenue suspecte car tous ceux qui se sont enrichis dans ce pays, le doivent grâce soit à des passe-droits soit en payant.
Je ne pense pas qu'on se réjouisse des malheurs des autres, mais nous demandons que justice soit faite pour tous les délits quels qu'ils soient.
Ras le bol des passe-droits et du pouvoir de l'argent.
Je ne pense pas qu'on se réjouisse des malheurs des autres, mais nous demandons que justice soit faite pour tous les délits quels qu'ils soient.
Ras le bol des passe-droits et du pouvoir de l'argent.
Sahli
Désolé...
a posté le 07-11-2024 à 14:51
Désolé mais le mot allemand approprié pour décrire votre article est ***
Toto
Justice n'est pas chmeta
a posté le 07-11-2024 à 08:19
Relisez bien l'article, il l'a bien dit. La justice n'est pas chmeta. Et le pardon alors ?
Houcine
Théories des sentiments moraux.
a posté le 07-11-2024 à 00:33
Texte utile et intéressant dans le cas de peuples capables de délibération et de sens de l'observation dans le souci de parfaire, au moins contribuer au bien général.
Les protestants, et spécialement une '?cole écossaise, si je ne me trompe, y a consacré quelques uns de ses talents, et Smith pouvait en retirer des bénéfices pour son usage lorsqu'il devait organiser ses vues et opinions.
Par son exemple, on voit que même les domaines où l'on nous invoque la ""scientificité" restent bassement et prosaiquement pétris de psychologie et de pesanteur des traditions et des coutumes.
Les peuples se distinguent en cela et par cela sont faconnnés, et c'est d'abord par l'enquête sur soi qu'ils peuvent mieux s'inventer et se réinventer.
Je ne veux oas disputer des formules comme la réussite suscitant l'envie ou les jalousies.....
Nous mériterions une réforme de notre entendement, sans paraphraser un homme illustre gagner à mieux penser ce qui fait chose commune afin de mieux former société. Le spectacle se joue devant les yeux, il suffit de bien voir.
Les humains ne sont ni bons par nature, ni davantage mauvais selon cette motion.
Ils vivent des situations, interagissent en rapport de cela et dans des rapports complexes aux autres ....et à soi.
Des normes ou règles communes inscrites dans l'éthos, les conduites s'y conforment ou non, voilà qui fait la balance.
C'est de justesse dans les relations et de de justice dans les interactions qu'on.pourrait deviser.
La "nature humaine", cette formule datée et peu efficiente n'existe pas.
Les humains sont des êtres de Culture.
Ils sont fabriqués dans ke moule de letr Culture, ensembles de codes, règles et normes où ils naissent et grandissent.
Peuvent s'en émanciper ceux dont la vertu d'enquêter sur soi, délibérer sur ses actions et conduites, s'il letr est permis d'y pretendre.
Ce ne serait oas une question de savoir
ou d'instruction, peut-être y faut-il un tempérament et une posture.....
Voire.
Merci.pour votre contribution.
Les protestants, et spécialement une '?cole écossaise, si je ne me trompe, y a consacré quelques uns de ses talents, et Smith pouvait en retirer des bénéfices pour son usage lorsqu'il devait organiser ses vues et opinions.
Par son exemple, on voit que même les domaines où l'on nous invoque la ""scientificité" restent bassement et prosaiquement pétris de psychologie et de pesanteur des traditions et des coutumes.
Les peuples se distinguent en cela et par cela sont faconnnés, et c'est d'abord par l'enquête sur soi qu'ils peuvent mieux s'inventer et se réinventer.
Je ne veux oas disputer des formules comme la réussite suscitant l'envie ou les jalousies.....
Nous mériterions une réforme de notre entendement, sans paraphraser un homme illustre gagner à mieux penser ce qui fait chose commune afin de mieux former société. Le spectacle se joue devant les yeux, il suffit de bien voir.
Les humains ne sont ni bons par nature, ni davantage mauvais selon cette motion.
Ils vivent des situations, interagissent en rapport de cela et dans des rapports complexes aux autres ....et à soi.
Des normes ou règles communes inscrites dans l'éthos, les conduites s'y conforment ou non, voilà qui fait la balance.
C'est de justesse dans les relations et de de justice dans les interactions qu'on.pourrait deviser.
La "nature humaine", cette formule datée et peu efficiente n'existe pas.
Les humains sont des êtres de Culture.
Ils sont fabriqués dans ke moule de letr Culture, ensembles de codes, règles et normes où ils naissent et grandissent.
Peuvent s'en émanciper ceux dont la vertu d'enquêter sur soi, délibérer sur ses actions et conduites, s'il letr est permis d'y pretendre.
Ce ne serait oas une question de savoir
ou d'instruction, peut-être y faut-il un tempérament et une posture.....
Voire.
Merci.pour votre contribution.
bouraoui
oui la SHEMATA est bénifique
a posté le 06-11-2024 à 15:09
oui c'est un soulagement pour tous ceux qui ont subi la tyranie ou l'injustice la peine infligée par la justice soulage
Pépites