La campagne électorale a débuté le samedi 14 septembre dans l’indifférence totale. Aucune manifestation d’euphorie. Les panneaux d’affichage sont restés nus. Aucune distribution de tracts dans les rues, les marchés ou les stations de transport. Les tentes de propagande, animées et bruyantes, qui d’habitude, lors de chaque campagne électorale, sont plantées un peu partout dans la cité ont disparu, tout comme les drapeaux qui embellissaient les rues et égayaient les âmes.
Pour l’heure, les activités de campagne recensées se limitent à une information sur la page du candidat Zouhair Maghzaoui qui annonce timidement qu’il s’est déplacé dans le cadre de sa campagne dans la région du Kef et qu’il poursuivra sa tournée dans les différentes régions du pays. De son côté, le candidat Ayachi Zammel a indiqué, dans un poste de quelques lignes, que compte tenu de son incarcération, sa propre campagne électorale appartient désormais à tous les Tunisiens pour « tourner la page » comme le scande son slogan de campagne. Quant à Kaïs Saïed, président sortant et candidat à sa propre succession, il semble qu’il a publié un manifeste électoral que les observateurs, et non seulement les citoyens, ont une grande peine à en avoir une copie.
Paradoxalement, les plus actifs en ce début de campagne électorale sont les trois candidats évincés par l’Isie (Instance des élections) mais confirmés par le tribunal administratif à deux reprises. Une première fois par décision en appel de son assemblée générale et une seconde fois à travers un jugement explicatif de son verdict en appel. Les chargés de campagne de Abdellatif El Mekki ont annoncé qu’ils continueront la campagne électorale quelque soit la situation de leur candidat. Imed Daimi et Mondher Zenaïdi, quant à eux, ont déjà publié, chacun de son côté, leur première vidéo en leur qualité de candidat à l’élection présidentielle.
Ce départ au ralenti et le manque d’engouement des citoyens pour ce début de campagne, outre les multiples considérations politiques, pourraient s’expliquer par deux coïncidences. La première concerne la fête du Mouled, une fête dont la portée religieuse n’est pas incontestable mais à laquelle les Tunisiens, contrairement à beaucoup d’autres peuples musulmans notamment au Machrek, vouent un grand attachement. Cette année particulièrement, la fête du Mouled a accaparé l’attention des ménages tunisiens compte tenu des prix exorbitants des grains de pin d’Alep, ingrédient principal de la rituelle « assida du zgougou ». La seconde coïncidence est en rapport avec la rentrée scolaire, un événement récurrent mais hautement stressant pour les familles tunisiennes compte tenu de son coût financier et de la mise en place d’une logistique adaptée aux horaires d’entrée et de sortie des écoles.
Reste la grande question posée par le tribunal administratif. Plantée au centre de la campagne électorale, elle nécessite sans tarder une réponse claire de la part des différents acteurs sans quoi, cette campagne pourrait partir en vrille et générer une situation politique, juridiquement et constitutionnellement insoutenable. En clair, combien de candidats auront finalement sur les bulletins de vote le 6 octobre prochain ?
En premier lieu, il y a l’instance des élections qui doit informer l’opinion publique, d’une manière définitive si elle garde le même nombre de candidats ou si elle va finalement se résigner à appliquer le verdict du tribunal administratif. Elle avait, une première fois, interprété à sa guise la décision de l’assemblée générale du tribunal administratif. On est curieux de voir sa réaction face à la décision explicative du tribunal administratif qui ne laisse aucune possibilité d’interprétation.
Ensuite il ya le président Kaïs Saïed, en sa qualité de président de la République, juriste de formation de surcroit, qui est obligé, en l’absence du tribunal constitutionnel, d’arbitrer entre l’Isie et le tribunal administratif, deux institutions de l’Etat impliquées directement dans le processus électoral.
Enfin, il y a le candidat Zouheir Maghzaoui, qui ne peut continuer de faire la sourde oreille et qui doit se prononcer sur la décision du tribunal administratif d’élargir à six le nombre de candidats.
Quant au candidat Ayachi Zammel, il est exempté de répondre à cette question, compte tenu de son incarcération qui le prive de tous ses droits, y compris celui de s’exprimer librement.
Jean-Jacques Rousseau disait :" Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit et l'obéissance en devoir. De là le droit du plus fort."
Point barre
Nous sommes en dehors de la légalité
Il appartient au Président de faire respecter la légalité conditionnelle
Dans le cas contraire il devient un Président illégitime