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Chroniques
Le 14 janvier 2011, on n’a pas attendu d’autorisation pour manifester contre le régime
Par Ikhlas Latif
13/01/2022 | 21:59
3 min
Le 14 janvier 2011, on n’a pas attendu d’autorisation pour manifester contre le régime

 

J’y étais avec des milliers d’autres concitoyens à hurler des « Dégage » devant l’horrible siège du ministère de l’Intérieur. La peur au ventre, on oscillait entre bravade, espoir et appréhension de ce qui pourrait arriver dans l’immédiat et d’un futur incertain. Un sentiment indicible s’était emparé de la foule. Ambiance électrique et électrisante. Jeunes, moins jeunes, des anciens, des familles avec enfants, des nantis, des entre-les-deux, des fauchés, tous sortis dans la rue, spontanément (j’insiste, je n’adhère pas à la théorie du complot), défier le régime. Un certain 14 janvier 2011, cette foule bigarrée et hétéroclite n’avait certainement pas attendu d’autorisation pour manifester. Les jeunes générations ne peuvent peut-être pas saisir l’emprise psychologique par la terreur qu’avait le régime d’alors sur la population. Ils ne peuvent peut-être pas saisir le courage (ou l’inconscience d’aucuns diront) que cette action représentait.

Onze ans après, les secousses de cette levée de boucliers se répliquent encore. Plus rien, plus personne n’arrivera (espérons-le à tout le moins) n’arrivera à nous réduire au silence, à nous ligoter. Saboter des manifestations n’aura pour conséquence que de faire monter en flèche la victimisation des prétendus militants et de se mettre à dos le reste. L’image du régime ne s’en trouvera que plus ternie. Mais que faire ou que dire face au crétinisme en place ?

 

La flambée épidémique tombe à point nommé pour annuler tout rassemblement. On ne va pas se hasarder à trouver une corrélation entre les velléités tyranniques de l’autorité post 25-Juillet et les décisions d’une commission scientifique. Mais ça tombe vraiment à point nommé. Et puis vint la sortie du gouverneur de Tunis qui, sous sa moustache politisée, a bien explicité l’optique du Président absolu et de sa cour. Pas très commode le nouveau gouverneur. Il intime aux détracteurs et critiques de se taire. "Nous leur suggérons de nous aider par leur silence", qu’il dit. "Ceux qui veulent manifester font partie du passé", qu’il ajoute. Le silence. Toutes les voix dissonantes doivent se murer dans ce silence qui a pourtant été brisé un certain 14 janvier 2011. Quand je dis toutes, c’est vraiment toutes, quelle que soit l’obédience ou l’idéologie, quel que soit le bord, du moment que ces voix s’opposent au grand chef auréolé de sainteté.  

 

Tous ceux qui n’accordent pas leurs violons sur les siens, se retrouvent l’objet des pires calomnies, taxés des pires qualificatifs. On en a entendu des choses venant du chef de l’Etat, censé représenter l’unité : microbes, corrompus, vermines, suppôts du diable, traitres… sont autant de doux mots, tout droit sortis du gosier présidentiel.

On est loin du « J’ai très envie de les emmerder » d’un Macron qui a suscité un tollé en France. Nous, nous sommes au stage du boss (les gamers m’excuseront pour cette appropriation politique). Nous, nous avons droit à une pléthore d’épithètes malsonnantes. Un président ne devrait pas dire ça. Un président qui se dit le garant des libertés et de la démocratie ne devrait pas dénier à ses opposants le droit à la contestation, à manifester librement, à s’exprimer en toute liberté.

 

Kaïs Saïed est en clash ouvert et permanent avec tous ceux qui ne s’inscrivent pas dans sa démarche, même ceux qui sont contre ses ennemis jurés du moment, les As de la victimisation, on nommera les islamistes. Tous y passent, médias, juges, syndicalistes, militants de la société civile…

Alors pour que les oreilles présidentielles ne soient pas incommodées par les slogans des manifestants, on installe déjà les barrières devant l’horrible siège du ministère de l’Intérieur. Barrières qui, onze ans plus tôt, n’avaient pourtant pas empêché les Tunisiens à crier haut et fort le fond de leur pensée à la face de leurs dirigeants.

 

Par Ikhlas Latif
13/01/2022 | 21:59
3 min
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Commentaires
J.trad
Mais aujourd'hui tous les médias ligotés ,
a posté le 14-01-2022 à 16:26
Je savais qu'un jours ou l'autre ,nous serons comme des gerbes dans la main des mauvaises herbes ,je ne sais si l'image et la métaphore ont pu transmettre le mélodrame il faut attendre le jours où des médias amis du peuple disposent d'un réseau libre. ,vraiment libre ,pour permettre au peuple indigne de transmettre sa colère
Benjdid
Stupéfaction
a posté le 14-01-2022 à 11:30
Je réécris mon commentaire d hier , à part feu benamor président de la commission des dossiers frauduleux qui instaurait avec son équipe plus de 3000 dossiers, qui a eu le courage, et l honnêteté de s attaquer frontalement aux problèmes....ces dix dernières années personne, pour une fois qu un homme et son équipe prennent les choses en main , donc oui je soutiens à 100% et il n y a pas deux chemins pour réussir : notre destin est entre nos mains , je pense que feu Bourguiba serait content qu un patriote, enfin ,soit au pouvoir, alea jacta est
A4
Jamais plus !
a posté le 14-01-2022 à 11:24
Il y a 11 ans j'étais à l'avenue Bourguiba.
Mais avec la qualité des cons qui ont débarqué après, je ne peux que le regretter aujourd'hui: ça ne valait pas la peine !!!
Il faut dire que ces cons étaient là parce que d'autres plus cons ont voté pour eux ... contre un paquet de chocotom et une promesse d'accéder au paradis éternel.
MH
Les jours de KS sont comptés
a posté le 14-01-2022 à 01:35
Tôt ou tard, il viendra un jour où il sera éjecté par la force de la pire des manières. C'est le sort de tout dictateur. Son salut ne peut venir que d'un miracle qui ne viendra pas. Ce putschiste est condamné à l'exploit pour redresser la situation qui va de mal en pire, et en même temps pour sauver sa tête. Est-il conscient dans quel pétrin s'est il mis?