Lors d’une conférence de presse tenue dans la soirée de ce lundi 19 décembre par le ministre de l’Intérieur, Hédi Majdoub, ce dernier a affirmé que tout porte à croire que ce sont des « services étrangers » qui ont commandité l’assassinat de Mohamed Zouari, « sans qu’aucune preuve ne vienne encore confirmer cette hypothèse ».

Le ministre a précisé, que la complexité de l’affaire a imposé aux autorités de ne pas s’adresser plus rapidement aux médias, ajoutant que la tenue de cette conférence est en elle-même une prise de risque dans la mesure où l’enquête est encore en cours.

Sur les détails de l’enquête, le ministre a précisé que l’assassinat de Mohamed Zouari a été planifié depuis juin 2016. Il a confié que les deux véhicules utilisés pour perpétrer le crime, ont été loués, le 13 décembre, à Tunis par deux tunisiens mandatés par une jeune femme.

Hédi Majdoub, a précisé que la jeune femme en question se trouvait à Budapest au moment où le crime a été commis et que les autorités tunisiennes l’ont sommée de rentrer au pays craignant pour sa propre sécurité.

Il a souligné que l’audition de la fille a permis de montrer que le crime a été planifié depuis des mois.

En effet, en naviguant sur internet au mois de juin, cette personne a dit être tombée sur un site internet offrant de l’emploi dans le cadre d’une société de production de films documentaires affiliée à une chaine de télévision Malaisienne.

Elle a alors pris contact avec ladite société et a dû rencontrer à Vienne en Autriche deux étrangers dont un d’origine arabe qui lui ont assigné des missions dans le cadre du tournage d’un film documentaire en Tunisie et lui ont demandé le 12 décembre, de louer deux voitures, de les laisser près de la mosquée de Sidi Chaker, de cacher les clés afin qu’une tierce personne vienne les récupérer et de quitter le pays pour se rendre à Budapest.

« Cette fille a d’ailleurs eu un contact direct avec la victime, dans le cadre d’un reportage qu’on lui a demandé de réaliser et pour lequel elle a été payée 2000 euros, en plus des frais au mois de septembre » a précisé le ministre.

« Sur la scène de crime les équipes scientifiques ont pu établir que la victime a été abattue par balles et touchée au niveau de la tête et du torse. Nous avons trouvé 5 douilles de 9mm, près de la voiture. Lors des premières minutes qui ont suivi le crime, nous avons trouvé une première voiture abandonnées de type Renault trafic avec du sang sur la portière du conducteur et contenant 3 douilles et 2 armes CZ 9mm équipées de silencieux. Ces armes étaient couvertes d’un liquide visqueux dont nous ignorons encore la composition et que nous pensons avoir été utilisé pour masquer des empreintes. La seconde voiture, une Kia Piccanto, retrouvée plus tard, contenait quant à elle deux téléphones portables avec des puces tunisiennes au nom d’une troisième personne, un tunisien », a-t-il expliqué.

« Ce qu’il faut aussi savoir c’est que l’assassinat a été planifié par des parties étrangères et à l’étranger, que des Tunisiens ont été mandatés, sans le savoir à priori, pour préparer la logistique nécessaire à l’opération et d’ailleurs deux équipes sans aucun lien entre elles et deux plans ont été préparés. Dans le second deux Tunisiens, résidant en Slovénie, ont été aussi « recrutés » par la même société pour soi-disant participer à la création de projets dans des pays arabes dont la Tunisie, cette fois, et ont été mandatés pour trouver un local à Sfax et acheter deux voitures pour le compte de la boite. Cette fois-là, le plan n’a pas marché puisqu’au moment de devoir laisser les voitures, dont les caractéristiques étaient bien spécifiques, dans un endroit indiqué et avec les clés cachées dans la boite à gants, un des deux individus a émis des doutes et refusé ces conditions. Le premier plan avec l’équipe chapeautée par la fille et les voitures louées a, alors, été adopté » a déclaré Hédi Majdoub.

Le ministre a, par ailleurs, affirmé, qu’aucune activité politique n’a été constatée chez la victime et que les services tunisiens n’ont aucune information quant à son implication avec des organismes internationaux. « Si le Hamas présente Mohamed Zouari comme étant l’un de ses dirigeants alors il n’est pas exclu que son assassinat ait été commis par des services étrangers qui auront à gagner de la liquidation d’un membre du groupe palestinien. Et à priori nous nous dirigeons vers cette hypothèse, même si pour le moment nous n’avons pas encore suffisamment de preuves pour le confirmer », a-t-il souligné, avant de préciser que les témoins interrogés dans le cadre de l’enquête et les vidéos de surveillance consultées par les services de sécurité ont pu établir qu’à priori l’assassinat a été commis par deux personnes, avec un physique étranger et parlant une langue étrangère.

A propos du journaliste de la Chaîne 10 israélienne, le ministre a précisé que Moav Vardi, de son nom, n’est pas un journaliste accrédité en Tunisie et qu’il n’a soumis aucune demande d’autorisation pour exercer sur le sol tunisien.

Il a précisé que l’individu, de nationalité allemande et portant un passeport allemand, a atterrit depuis Rome à Tunis le 17 décembre à 11h30, et s’est présenté comme étant un écrivain. « Dès son arrivée il s’est rendu à Sfax, avec l’aide de Tunisiens dans une voiture au nom de la femme d’un des individus, qui sont au nombre de 6 et qui ont tous été appréhendés pour être interrogés. selon les premières données, il a été établi que le « reporter » s’est dirigé vers la scène de crime pour y effectuer un reportage et qu’il accostait les citoyens en anglais, tantôt se présentant comme un employé de la BBC et tantôt comme un reporter de la chaine allemande ZDF. Il parlait en hébreu quand il effectuait ses enregistrements. Il est reparti à Tunis dans la soirée du 17 décembre et a réservé, sur internet, une chambre dans un hôtel du centre de la capitale, qu’il a quitté le lendemain à 7h00 du matin », a précisé le ministre.

« Cet individu a pris une autre vidéo devant le ministère de l’Intérieur, une vidéo d’une minute qui n’a pas été diffusée en direct sur la Chaîne 10, il n’avait pour matériel qu’une simple caméra que n’importe qui pouvait avoir » a-t-il ajouté, annonçant qu’une enquête est en cours pour déterminer s’il y a eu la moindre défaillance de la part des services de sécurité tunisiens quant à la présence dudit journaliste en Tunisie.

M.B.Z