Fonction publique : Plus de 13% de retardataires et 20% d'absentéisme justifié, selon Kamel Ayadi
La Tunisie ne pourra s’en sortir qu’en engageant des réformes structurelles inévitables et douloureuses. La fonction publique est l’un de ces premiers chantiers. C’est dans le cadre de la réforme engagée que le ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, Kamel Ayadi, a tenu une conférence de presse ce mardi 19 juillet 2016 au palais de la Kasbah, pour présenter les résultats de la "Campagne nationale pour prévalence de la valeur du travail et du contrôle de la présence dans la fonction publique".
Ainsi, M. Ayadi a expliqué que cette campagne représente le point de départ pour le programme complet de réformes structurelles pour la modernisation de l’administration et l’amélioration de son efficacité et sa réhabilitation pour renforcer son rôle dans le domaine du leadership et du soutien des réformes prévues dans tous les autres domaines.
Le ministre estime que cette réforme est inévitable et représente le point de départ à toutes les autres réformes structurelles ainsi que le garant de leur réussite. Il s’agira d’une réforme en profondeur qui touchera l’organisation, la loi, les procédures et les comportements avec la mise en place d’une culture du travail.
Autre point, Kamel Ayadi considère que l’administration tunisienne a payé la facture de la paix sociale, avec de multiples augmentations salariales depuis 5 ans, des recrutements exceptionnels, la fin de la sous-traitance et de l’intérim, la régularisation de la situation des emplois précaires, le recrutement des blessés de la révolution et des bénéficiaires de l’amnistie générale.
La campagne qui a été réalisée n’a pas seulement visé la présence physique des fonctionnaires mais aussi leur efficacité ainsi que les attentes des citoyens en termes de transparence et d’accueil.
Elle a révélé des différences importantes dans les salaires ainsi qu'un problème de mobilité alors qu’il y a un surplus dans les ressources humaines qui pourrait être utilisé à bon escient dans des postes où il existe des besoins.
En effet, en Tunisie, le nombre de fonctionnaire dépasse les moyennes mondiales : 84 agents pour les 1.000 habitants contre 35 et même 20 agents pour les 1.000 habitants pour les autres pays du monde. La masse salariale a dépassé le montant programmé pour 2016, avec 13.000 millions de dinars, soit 14% du PIB. L’Etat ne pourra plus en supporter davantage, et l’objectif est de repasser au-dessous des 12% du PIB. C’est ce qu’a expliqué M. Ayadi.
Ainsi, le ministère propose un ensemble de réformes dont la révision du régime général de la fonction publique, le réemploi des ressources pour garantir la mobilité des agents et assurer la décentralisation, la mise en place du concept de la "Haute fonction publique" qui permettra la création d’un leadership au sein de la fonction publique et qui sera un trait d’union entre le gouvernement et l’administration, tout en étant neutre et en assurant la continuité de l’Etat. Ces hauts fonctionnaires compétents bénéficieront d’une stabilité et d’un régime spécial qui leur permettra d’être bien rémunéré, tout en bénéficiant de la mobilité entre public et privé.
Concernant les résultats de la "Campagne nationale pour prévalence de la valeur du travail et du contrôle de la présence dans la fonction publique", Kmel Ayadi a précisé que le ministère a entrepris une campagne de sensibilisation pendant le mois de mai avec 12 rencontres avec les agents de la fonction publique, plusieurs contrôles relatifs à la présence, à la ponctualité et la qualité de service, ainsi qu'une consultation en ligne pour sonder les avis des fonctionnaires sur leurs difficultés et ce qui pourrait les motiver.
Dans le cadre de cette campagne, l’instance de contrôle des services publiques a contrôlé 47 établissements publics alors que celle des citoyens superviseurs a effectué 608 visite de contrôle de qualité qui a concerné 407 services publics et l’instance de contrôle des dépenses a réalisé 15 missions dans les régions (qui a ciblé 5 gouvernorats essentiellement). Pour sa part, la consultation en ligne a enregistré la participation de 1.500 fonctionnaires.
Il en ressort que la moyenne du taux des retards enregistrés a été de 13,7% avec des taux compris entre 0 et 48% pour la première heure de travail. Le taux constaté a été de 21% pour les régimes de présence électronique alors que le taux n’est que de 12% pour le régime papier. Ceci dit, le ministre est conscient que les taux enregistrés électroniquement sont beaucoup plus fiables que ceux constatés manuellement. En outre, vu que la campagne a été annoncée, les fonctionnaires étaient plus ponctuels et plus présents que d’habitude, s’attendant à des contrôles !
Autre chiffre, le taux d’absentéisme justifié a atteint 20%, les collectivités locales ayant enregistré le plus fort taux avec 40% suivi par les établissements publics (35,7%). Les maladies longue durée expliquent ce taux important.
Concernant la consultation en ligne, les fonctionnaires ont expliqué leur retard par des problèmes de transport (58,3%) et l’accompagnement de leurs enfants (34%). Concernant l’écartement de fonctionnaires par ce qu’on appelle communément "la mise au frigo", 73% des fonctionnaires disent avoir déjà remarqué ce genre de pratique. 50% pensent qu’elle est due à la non-spécification des missions et des objectifs au sein de l’administration.
Pour conclure, le ministre a indiqué que le programme de réforme comprend la modernisation des lois et celle des procédures de contrôle. Le ministère va publier le rapport et l’envoyer aux partis politiques, aux organisations et à la société civile. Des courriers ont été envoyés aux ministères contrôlés pour remédier à certains problèmes comme des files d’attentes inacceptables, etc. Le ministère pense également à faire un blaklisting pour certains médecins, pour lutter contre l’absentéisme.
Interrogé sur l'éventualité de réviser la semaine des 5 jours ainsi que la séance unique, le ministre a indiqué que tout est possible et que le ministère est en train d’étudier toutes les possibilités et tout ce qui peut améliorer la fonction publique.