L’actualité nationale la plus commentée de la semaine n’est pas la célébration de la fête de la République, ni le feuilleton de la Kasbah, encore moins la situation économique (désastreuse !) du pays. Ce qui a accaparé l’attention ces derniers jours, c’est le récent projet de loi organique censé remédier à la violence pratiquée à l’égard des femmes tunisiennes. Un projet de loi adopté en conseil des ministres et qui passera bientôt au vote des élus de l’ARP. Autant dire que ce projet, bien qu’il suscitera des débats certains, aura toutes les chances d’être adopté. Au premier abord, il semble consacrer les, oh combien grandes, valeurs de protection de la femme, d’intégrité physique etc.
Ce projet de loi prévoit un an d’emprisonnement et 5000 dinars d’amende pour tout auteur de harcèlement envers les femmes dans un lieu public. On est aussitôt tentés d’applaudir. Etant une femme, et pour avoir à maintes reprises (et pendant des années) subi ce genre de harcèlement (comme une grande majorité des femmes tunisiennes) dans la rue, dans les transports publics, dans les cafés et autres, je ne peux être insensible à ce genre de progrès. Mais en est-ce vraiment un ?
Ce genre de loi, s’il se présente comme salvateur, ouvre, bien au contraire, la porte à toutes sortes d’interprétations misogynes selon lesquelles la femme serait un être inférieur qu’il faut protéger. Ceci permettra aux défenseurs d’une société patriarcale et masculine de justifier certains arguments allant dans le sens de l’interdiction à la femme de sortir dans la rue non accompagnée et de participer pleinement à la vie active sous peine d’être « agressée » par les prédateurs qui lui veulent du mal. Même si ceci reste vrai, en partie.
Ce genre de loi est, également, dangereux dans le sens où il permet aux femmes, usant de mauvaise foi, d’exercer une sorte de chantage ou d’ascendant sur les hommes. Lorsque seule sa parole est prise en compte et qu’une loi sert uniquement à la protéger contre les hommes, que vaudrait son témoignage s’il est biaisé ? A l’heure où la Constitution tunisienne stipule que tous les citoyens sont égaux devant la loi, abstraction faite, notamment, de leur genre, comment faire la différence entre la victime et le bourreau ? Dans ce projet de loi, le harcèlement sexuel est défini comme étant « tout acte, geste ou mots à connotation sexuelle ». Comment faire la différence, donc, entre une véritable agression et une simple drague entre deux adultes, majeurs et consentants ?
Une autre question se pose. Même si une inversion des rôles a été posée, ironiquement, par les critiques de ce projet de loi, il y a tout de même lieu de se demander ce que cette loi prévoit « dans le cas où une femme harcèle sexuellement un homme ? ». Ce cas de figure peut paraitre anecdotique pour certains. Il faut avoir l’honnêteté d’avouer que, dans bien des cas il l’est, mais ceci reste pourtant une possibilité. Par ailleurs, est-ce qu’un homme aura, encore, le droit de draguer, simplement, une fille dans la rue sans risquer de se voir jeté en prison ?
La législation tunisienne, encore fortement patriarcale, est souvent sexiste. Elle ne prend pas en compte certaines évolutions de la société. On observe cela dans l’inégalité de l’héritage, l’absence de notion de viol conjugal et bien d’autres lois archaïques. Mais elle peut aussi être injuste envers les hommes en raison de cette « discrimination positive » qu’on nous pousse à pratiquer en faveur des femmes. Discrimination positive qui porte préjudice à l’homme, dans bien des cas, mais qui risque aussi, dans beaucoup d’autres, de se retourner contre celles là même qu’on veut protéger. Tel est le cas des lois sur la garde des enfants lors d’un divorce, de celles relatives à la pension alimentaire, et bien d’autres encore. Des lois qui impactent, négativement, d’autres textes liés aux salaires, à l’égalité des chances dans l’emploi, etc.
Je ne peux que tristement remarquer que, dans cette loi, rien n’est prévu contre le (certes tabou mais aussi bien réel et même courant) crime du viol conjugal. La législation anti-pédophilie souffre, elle aussi, d’un grand vide. En effet, ce projet de loi stipule une peine de six ans (article 227) est encourue pour toute personne ayant une relation sexuelle consentante avec une mineure de moins de seize ans et de cinq ans avec une mineure consentante de plus de seize ans et moins de 18 ans. Mais est-ce suffisant pour considérer la pédophilie comme un véritable crime de société, admettre sa réelle existence et lutter contre ? Permettez-moi d’en douter…
L’égalité entre l’homme et la femme, si chèrement revendiquée est loin d’être un acquis. La femme tunisienne, comme dans bien d’autres sociétés fait l’objet, quotidiennement, de harcèlement, d’agressions et d’intimidations. Ceci est un fait. Mais est-ce suffisant de faire des lois qu’on ne peut appliquer en pratique ? Des lois, belles sur le papier, mais qui n’apportent rien dans la vie de celles qu’on veut protéger. Comment appliquer cette loi si l’intimidation reste monnaie courante dans ce genre de situation ? Comment protéger les femmes dans les lieux publics où elles sont, souvent, rabaissées, humiliées et intimidées et ne sont même pas en mesure de se défendre ?
Si la loi pour l’égalité des salaires, ou celle qui ne donne plus la possibilité au violeur d’échapper aux poursuites en se mariant avec sa victime, peuvent être de bons pas en avant pour améliorer le quotidien des femmes tunisiennes, celle supposée combattre les agressions sexuelles va-t-elle dans le même sens ? L’on est en droit de se le demander…



Commentaires (37)
Commenteret qui protège les hommes ???voilà un titre bien à propos ,
Attention...
BRAVO aux lois aveugles copiées-collées bêtement de l'Occident, supposées être bénéfiques pour les femmes.
Ce n'est pas pour rien que les hommes tunisiens cherchent foyer dans les cafés du matin au soir. Cette phobie entre les hommes et les femmes que nos politiciens arrivistes plagient d'Europe, sans tenir le moindre compte de la différence de nos cultures réciproques, va bientôt cultiver l'homosexualité, qui l'emportera en Tunisie comme c'est le cas en Occident.
Pauvres hommes tunisiens qu'on féminise et qu'on éloigne des femmes à coups de lois semant l'inégalité, l'anxiété, le refus et l'abandon d'un plaisir censé être commun et constructif, non pas animal et destructif.
Ceci est le résultat éclatant de l'éloignement de notre religion musulmane et de nos us et coutumes. Nous cherchons à imiter les autres, mais nous avons perdu toutes les logiques humaines.
Constructifs enfin
Loi cache-misère
Confiramation
au pays des cons !
https://youtu.be/-IrRaQeT_jI
karaté
@Gg
Non Très Cher Compatriote, les données empiriques sont en contradiction avec ce que vous écrivez ci-dessous!
Je vous conseille de ne jamais mettre les pieds à mon Village Tazarka, en effet avec votre mentalité envers la femme tunisienne vous risquez d'y avoir énormément de problèmes :))))
Les femmes de mon village ont une force surhumaine. Chez nous à Tazarka, il n'y a pas de harcèlement et d'agression sexuelle sur nos champs. En effet, nos femmes savent se servir d'une pioche afin de se défendre!
Très Cordialement
Jamel