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Les mesures phares de la nouvelle loi bancaire
08/01/2017 | 15:59
9 min
Les mesures phares de la nouvelle loi bancaire

 

Après la révolution, la Tunisie s’est lancée dans plusieurs chantiers de réformes économiques. Parmi elles, celle du secteur bancaire et financier, l’objectif étant de moderniser le secteur et de combler les vides existant, notamment concernant la finance islamique, le redressement ou la liquidation d’un établissement financier ou le régime de sanctions.

Polémiques et multiples rebondissements après, la Loi relative aux banques et aux institutions bancaires N°2016-48 a été enfin adoptée, jugée constitutionnelle, promulguée et publiée au Journal officiel de la République tunisienne (JORT) du 15 juillet 2016. Pour mieux la comprendre, la Banque centrale de Tunisie (BCT) vient de publier un document sur les 100 mesures phares de la nouvelle loi bancaire. Focus sur les plus importantes.


 

La nouvelle loi bancaire vise à organiser les conditions de pratique des opérations bancaires et financières suivant les normes prudentielles et internationales, en y incorporant une méthodologie de contrôle. Ceci en vue de préserver leur solidité et protéger les fonds et les consommateurs des services bancaires. L’objectif étant de garantir le bon rendement du secteur bancaire et de réaliser la stabilité financière, en renforçant les principes de bonnes gouvernances, la transparence et la concurrence.

Ainsi, la révision de l’ancienne loi a été basée sur 5 axes : la réorganisation du secteur, les conditions d’axer et d’exercer, le renforcement du système de contrôle, la révision du système de sanctions et la mise en place d’un système de résolution des difficultés bancaires, avec l’institution d’un Fonds de garantie des dépôts bancaire.

 

Pour résumer la nouvelle Loi relative aux banques et aux institutions bancaires N°2016-48, la BCT présente ses 100 mesures phares regroupées en 12 rubriques majeurs :

 

Réorganiser le marché bancaire à la faveur de l’émergence de nouveaux opérateurs

Ainsi, la nouvelle loi veut préserver le modèle de la banque universelle, tout en promouvant de nouveaux «Business Models» de banques spécialisées et en élargissant l’exercice des activités de gestion de moyens de paiement et de change manuel, à de nouveaux opérateurs autres que les banques ou la Poste. Elle étend aussi le périmètre d’intervention des banques d’affaires en leur permettant d’accorder sur leurs fonds propres des financements spécifiques aux entreprises.

 

Encadrer l’exercice des opérations bancaires islamiques

En effet, la nouvelle loi bancaire et financière instaure un cadre légal spécifique régissant l’exercice des opérations bancaires islamiques, en permettant aux banques et aux établissements financiers «conventionnels» de s’adonner aux opérations bancaires islamiques sur la base d’une autorisation préalable de la BCT.

 

Réviser les conditions d’accès et d’exercice de l’activité bancaire

La nouvelle loi fixe et clarifie les conditions d’accès et d’exercice de l’activité bancaire. Une commission des agréments sera instituée en tant qu’autorité collégiale investie du pouvoir d’octroi et de retrait d’agrément.

En outre, la nouvelle loi exige, aussi, des critères additionnels pour l’octroi de l’agrément pour permettre aux établissements de mieux répondre aux exigences prudentielles et une gestion saine. Elle annonce l’augmentation du capital exigé (50 MD pour les banques, 25 MD pour les établissements financiers, 10 MD pour les banques d’affaires et les sociétés de factoring et 5 MD pour les établissements de paiement) avec un délai maximum de conformité fixé à juillet 2017.

 

Consolider la gouvernance des banques et des établissements financiers

La loi N°2016-48 consolide les règles de bonne gouvernance, notamment à travers la séparation entre les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général, tout en clarifiant les attributions du conseil d’administration et du conseil de surveillance qui sont appuyés par des comités indépendants en matière de gestion des risques, d’audit, de rémunération et de nomination.

Pour renforcer la bonne gouvernance, les établissements seront dans l’obligation dorénavant d’instituer des fonctions d’audit interne, de gestion des risques et de contrôle de conformité indépendantes des structures d’exploitation et d’appui. Ils devront aussi désigner des administrateurs indépendants et des administrateurs représentant les petits actionnaires.

Autre point important, la politique de rémunération des dirigeants financiers sera adossée aux indicateurs de solidité, de solvabilité et de rentabilité. Le cumul de fonction entre divers établissements ne sera plus toléré.

 

Renforcer le pouvoir de la BCT en matière de surveillance prudentielle

La nouvelle loi permet à la Banque centrale d’avoir une plus grande marge de manœuvre pour superviser et contrôler les banques et leur solidité, notamment en ayant recours à des experts spécialisés pour l’assister dans l'examen et l’inspection de certains domaines d’activités.

Autre point, la BCT aura son mot à dire concernant les commissaires aux comptes mandatés par les banques et établissements financiers. Elle pourra aussi charger une fois par an, un ou plusieurs commissaires aux comptes pour effectuer, aux frais de la banque ou de l’établissement financier, toute mission supplémentaire rentrant dans le cadre des missions d’audit externe.

 

Instaurer un nouveau régime de sanctions

Autre nouveauté, celle de l’instauration d’un régime de sanctions. Ainsi, une commission des sanctions présidée par un magistrat sera mise en place, avec une révision des sanctions pénales appliquées en cas d’infraction aux dispositions légales et règlementaires en vigueur.

Il y aura bien sûr une distinction entre les sanctions qui relèvent du domaine de compétence du gouverneur et celles qui relèvent des attributions de la commission des sanctions.

 

Etablir un cadre clair et précis pour une intervention préventive et un redressement efficace des banques et des établissements financiers

La nouvelle loi bancaire se veut préventive. En effet, les autorités veulent intervenir pour le redressement des banques et des établissements financiers dès le constat de signes précurseurs de difficultés.

Ainsi, la loi clarifie des facteurs déclencheurs des difficultés nécessitant la soumission d’une banque ou d’un établissement financier à un plan de redressement dont la BCT fixe les orientations en vue de traiter les carences et de rétablir l’équilibre financier. Elle détermine les instruments mis à la disposition de la BCT pour le traitement de la banque ou de l’établissement financier en difficulté, tout en clarifiant la portée de l’obligation qui incombe à l’actionnaire de référence et aux principaux actionnaires pour soutenir la banque ou l’établissement financier en difficulté.

En outre, la loi préconise la possibilité de désigner un administrateur provisoire, lors de la phase de redressement, qui dispose des pouvoirs nécessaires pour la gestion et l’administration de la banque ou de l’établissement financier.

 

Mettre en place un régime juridique adapté pour la résolution efficace des difficultés bancaires

La loi N°2016-48 prévoit la mise en place d’un régime juridique adapté pour la résolution efficace des difficultés bancaires, visant le maintien de la stabilité financière, la continuité des activités et des services critiques et à éviter au maximum le recours au soutien financier public.

A cet effet, une commission de résolution sera instituée en tant qu’autorité collégiale indépendante et compétente en matière de résolution, dotée de pouvoirs juridiques spéciaux dont les effets peuvent impacter les droits des actionnaires et des créanciers.

Les conditions d’ouverture des procédures de résolution pour les banques et les établissements financiers en situation compromise sont bien spécifiées, avec la détermination des facteurs déclencheurs nécessitant la soumission d’une banque ou d’un établissement financier aux procédures de résolution.

 

Mener efficacement la dissolution et la liquidation des banques et des établissements financiers

La nouvelle loi bancaire explique également les raisons et la manière de dissoudre et de liquider une banque ou un établissement financier. Elle énumère, ainsi, les faits générateurs de l’ouverture d’une procédure de liquidation.

La dissolution et de liquidation est prononcé par le tribunal du jugement sur la base d’un rapport motivé, établi par la commission de résolution. Le tribunal désigne un liquidateur sur proposition de la commission de résolution, avec une approbation du plan de liquidation.

 

Instituer un Fonds de garantie des dépôts bancaires

Autre nouveauté de la loi, la création d’un Fonds de garantie des dépôts bancaires. Il s’agit d’un filet de sécurité en vue d’empêcher l’effet de contagion d’une banque en difficulté sur le système bancaire en procédant à une indemnisation rapide des déposants.

Le Fonds sera sous la forme d’un établissement public doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière et administrative, avec un capital de 5 MD détenu à parts égales par l’Etat tunisien et la BCT. En cas d’indisponibilité de leurs dépôts, les déposants seront indemnisés dans un délai maximum de 20 jours.

 

Lutter contre les dérives financières et asseoir les jalons d’un marché bancaire transparent

Pour lutter contre les dérives financières tout en mettant en place les jalons d’un marché bancaire transparent, la nouvelle loi bancaire habilite la BCT pour édicter des normes de contrôle interne à observer par les banques et les établissements financiers pour la gestion des risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme sur la base des standards internationaux.

Les conditions d’accès à l’activité bancaire ont été révisées, en imposant des règles plus strictes notamment en matière d’honorabilité des actionnaires.

La loi interdit, à toute personne condamnée par un jugement définitif pour corruption ou évasion fiscale ou blanchiment d’argent et financement de terrorisme ou démise de ses fonctions pour sanction administrative, de diriger ou administrer une banque.

 

Protéger les consommateurs

La loi N°2016-48 concrétise l’obligation pour les banques d’offrir des services bancaires de base. Une convention écrite entre la banque et son client fixe les services auxquels le compte donne lieu ainsi que la liste et le montant des commissions applicables.

En outre, les banques et les établissements financiers sont obligés d’informer préalablement la BCT de la commercialisation de tout produit ou service financier ou de l’institution de toute nouvelle commission. Ils sont aussi dans l’obligation de mettre en place les politiques et les mesures visant à consacrer les règles de sécurité et de transparence des opérations. Enfin, la loi prévoit l’institution d’un organe de médiation bancaire auprès de l’association professionnelle tunisienne des banques et des établissements financiers chargé de l’examen de requêtes des consommateurs des services bancaires.

 

 

La nouvelle loi bancaire ouvre de nouvelles perspectives aux banques tunisiennes. Moderniser les services bancaire et financier, en offrant un service plus complet et plus transparent pour les clients et minimisant les risques, est son objectif premier.

Ceci dit, plusieurs chantiers restent à entreprendre, notamment la mise en place des deux commissions : celle des sanctions et celle de résolution. En outre, les banques tunisiennes sont dans l’attente des textes applicatifs de cette loi. La première circulaire, qui définit les différentes catégories de produits de financement islamiques et leurs caractéristiques, ne devra pas tarder à être publiée. La seconde circulaire, qui définira les conditions d’ouverture de fenêtres islamiques, sera prête au cours du premier semestre 2017.

 

Imen Nouira

08/01/2017 | 15:59
9 min
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Commentaires (8)

Commenter

étudiante en droit
| 23-04-2017 12:12
y a t-il des ouvrages concernant le redressement bancaire selon la loi de juillet 2016 ?

malek
| 09-01-2017 18:05
pour mederniser le système bancaire faudrait bien commencer par installer le concept de la signature électronique qui va nous permettre de gagner le temps du déplacement et atteindre l'objectif du "zéro papier"

INCULTURE TOTALE DE LABANQUE....
| 09-01-2017 14:47
ces textes sont d un MANQUE DE SERIEUX , et denotent une INCULTURE et une MECONNAISSANCE TOTALE de la banque.....pour arriver a la fin a decider a ce que ce soit le PEUPLE qui paierait la facture des banques faillantes, EXONERANT LES ACTIONNAIRES, prives ou etatiques meme.......
ces incultes ne savent meme pas que les RECOMMENDATIONS DU COMMITE DE BALE sont appliquees par TOUTES LES BANQUES DU MONDE, et ceux qui ne se conforment pas a ses RATIOS, sont hors jeu de la communaute bancaire mondiale......
c est a pleurer.......

Pourquoi?
| 09-01-2017 12:01
Nos hommes d'affaires sont des affairistes, et ils ne sauront jamais diriger les entreprises publiques à leur optimum.

Et si le secteur public va mal, c'est d'abord à cause des nominations des amis, des copains et des membres de la famille de certains de nos politiciens en tant que PDG.

Encore plus pire, la nomination de Mr. Zied Ladhari en tant que Ministre de l'Industrie et du Commerce ou de Madame Boutheina Ben Yaghlane en tant que directrice générale de la caisse des dépôts et consignations... Comment voulez-vous que le domaine public fonctionne avec ces nominations absurdes et rien que partisanes.

Professeur de droit
| 09-01-2017 11:31
Le fond du problème est que la notion meme d'entreprise étatique est incompatible avec la mentalité de la population.
Comment ne pas embaucher le cousin ou la nièce de la tante et, par prestige, tous les fils, diplomés ou pas, des voisins et des copines de madame (on risque le divorce, pour ça!) ?
Dans un pays où, meme les premiers ministres prennent des voisins au gouvernement ( comme ministres!!!), c'est une illusion d' espérer une gestion saine du personnel dans une grande entreprise étatique, vu la multiplicité des centres de décision.
La relance de l'économie tunisienne exige (ce n'est pas la seule mesure, bien sur), la privatisation des TOUTES les entreprises étatiques, à l'exception de celles qui ont un role réglementaire et sécuritaire indiscutable (type OACA).
L'Etat encaissera de l'argent (plus que ce qu'il mendie, de façon humiliante, à travers le monde)et le pays recommencera à produire des richesses, puisque ces entreprises (près de la moitié de notre économie) redeviendront REELLEMENT productives, ce qu'elles ne sont pas, à ce jour.
Faites confiance aux privés pour se débarrasser des incompétents.Et pas des préjugés stupides (type oligarchie et autres sottises de ce genre).
Les hommes d'affaires, étrangers ou tunisiens, sfaxiens ou djerbiens (surtout les industriels) qui ont de l'argent sont les seuls qui savent faire tourner les entreprises.C'est ainsi, dans tous les pays qui marchent. le reste n'est que balivernes et perte de temps.

ABDOU
| 09-01-2017 09:45
Il est grand temps d'instituer une loi equivalente pour la gestion des entreprises publiques et eviter la derive vers l'abime de tout le systeme. Ces entreprises sont gerees d'une maniere, le moins qu'on puisse dire, approximative. La question de fond qui se pose ces entreprises sont elles des administrations ? La reponse est evidemment non. Pourtant la realite tunisienne est differente. Il n'y a qu'a voir le ratio masse salariale sur chiffre d'affaires. Comment ces "boites" peuvent etre survivre sans le concours du budget de l'Etat? Tout cela avec une qualite de service tres mediocre qui lese les clients du service public. Le gouvernement doit reagir, sinon il doit les rattacher au ministere des affaires sociales a l'instar des caisses sociales dont le sort est clair a moins d'entreprendre les reformes necessaires. Ces reformes ne seront douloureuses que pour ceux qui ne savent rien faire a part avoir un salaire sans contre partie au detriment de certains chomeurs qui peuvent etre plus qualifies qu'eux. Je sais que l'UGTT est dispose du droit de veto. Mais il faut trancher avant qu'il ne soit trop tard.

takilas
| 08-01-2017 21:08
Où sont passés les 5500 milliards + 880 milliards volatilisés lors de la période de troika dont cette derniére m....était patronné par la bande, constituée entre Londres et Paris) momée nahdha lesuel nom fut arnaqué à des Ulémas en Islam ayant le nom de mouvement islamique (le vrai), et qui a combattu le colonisateur depuis le début du siécle dernier. N'est-ce une revanche du colonisateur sur une des innombrables victoires de La Tunisie ? depuis plusieurs siécles sur un des prétendants à la colonisation.

Pourquoi?
| 08-01-2017 19:02
qu'a injectés notre banque centrale dans le système bancaire tunisien qui appartient en grande partie à la bourgeoisie et à l'oligarchie???


http://www.businessnews.com.tn/oxford-business-group-presente-le-programme-de-reforme-du-systeme-bancaire-tunisien,520,66109,3