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Le populisme ne sauvera pas Kasserine
02/09/2016 | 19:59
6 min
Le populisme ne sauvera pas Kasserine

 

La vidéo de Samira Meraï, ministre de la Santé depuis lundi, et de la députée d’Ennahdha, Safia Khalfi, qui ont un échange tendu à l’hôpital de Kasserine après la journée noire du mercredi, est devenue virale sur les réseaux sociaux. On applaudit le « dévouement » de la députée de la région qui « défend bec et ongles sa ville » et on tance la ministre qui a « répondu avec arrogance » aux doléances d’une région à feu et à sang. Ce constat primaire a été fait par de nombreux observateurs, mais une toute autre vérité se cache derrière…

 

Un échange tendu a été filmé entre la nouvelle ministre de la Santé publique du gouvernement de Youssef Chahed, Samira Meraï, et la députée d’Ennahdha de la ville de Kasserine, Safia Khalfi, lors d’une visite effectuée à l’hôpital régional de Kasserine. Ce mercredi-là, du 31 août 2016, la ville se réveillait d’un double drame : une opération anti-terroriste qui a fait un mort parmi les citoyens et un accident de la circulation ayant causé la mort violente de 18 personnes et en a blessé 80 autres.

 

Aussitôt mise en ligne, dans l’effervescence qui a suivi le double drame vécu par les Kasserinois, la vidéo est tout de suite devenue virale. On y voit une Samira Meraï, à la fin de sa visite, prise à partie par une élue de la région et attaquée sur « son manque d’implication », face à l’ampleur de la catastrophe.  Safia Khalfi lui demandait de « rester sur place et de se consacrer au dossier, au plus près des citoyens », ce à quoi la ministre a répondu sur un ton las : « Si j’étais venue en ma qualité de médecin, je serais restée, mais là je suis ici en ma qualité de ministre ! Je suis accompagnée par les ministres de la Défense et du Transport et l’hélicoptère ne m’attendra pas ! Aujourd’hui, je suis ministre, et vous en tant que députée, vous devez venir au ministère pour exposer vos préoccupations».

Une réponse qui a rapidement enflammé la toile. Elle a été, pour nombreux, jugée « arrogante » pour une ministre qui, en exercice depuis seulement quelques jours, aurait dû consacrer l’importance qu’il faut au dossier de la ville de Kasserine. Une ville dont l’hôpital est dans un état évident de délabrement le rendant incapable de répondre aux besoins des citoyens et de faire face à des cas d’urgence dont celui de l’accident de mercredi. Cette réaction a été envenimée, par ailleurs, par une absence remarquée d’officiels venus s’enquérir de la situation de la ville et notamment par l’absence, très critiquée, du président de la République, qui ne s’est pas déplacé après l’accident.

 

Mais qu’aurait pu faire la ministre au juste ? Force est de reconnaitre que sa réaction n’a pas été à la hauteur de la situation. Là encore, des efforts en matière de communication sont à faire. Cependant, il est important de rappeler la précarité des équipements de l’hôpital régional de Kasserine. Un établissement de santé publique dont le manque de moyens fait qu’il ne peut assumer la charge qu’on lui impose. Tel est le cas de nombreux autres établissements dans le pays, et plus particulièrement dans les régions intérieures. Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire, fait une description édifiante de la situation de l’hôpital régional de Kasserine, l’ayant visité le lendemain de la catastrophe.

Mais si l’état de délabrement des hôpitaux est de notoriété publique depuis des années, les députés d’Ennahdha n’ont pas été nombreux à crier leur indignation et à défendre les citoyens des régions qu’ils représentent. Surtout, lorsque l’on sait que l’un des leurs était ministre de la Santé, à savoir Abdellatif Mekki.

A l’époque, le syndicat des médecins internes et résidents avait demandé à Abdellatif Mekki, sur fond de polémique autour des 3 ans de travail obligatoire dans les régions, de faire un état des lieux des hôpitaux des régions intérieures afin d’établir leurs besoins en matériel. Rien de concret n’a été fait à l’époque.  Abdellatif Mekki était ministre de la Santé de décembre 2011 jusqu’à 2014, où plusieurs attentats terroristes ont fait de nombreux morts et blessés, transférés à l’hôpital de Kasserine et dans plusieurs établissements intérieurs. Aucun député de son parti ne s’est indigné de voir des malades entassés dans des couloirs en attendant de recevoir des soins de fortune.

 

Aujourd’hui, si la députée d’Ennahdha était présente à l’hôpital,  afin de se rendre auprès des citoyens qui l’ont élue dans sa circonscription électorale, et de prendre en considération leurs doléances, sa présence n’avait rien à voir avec le domaine de la santé, qui lui est complètement étranger. Il ne s’agit donc que de pure surenchère politique. Prendre la ministre de la Santé à partie et l’empêcher, de force, de quitter les lieux, s’inscrit dans cette logique. Surtout lorsque l’on sait que cette ministre, issue de Afek Tounes, a été choisie pour un portefeuille qui a été convoité par Ennahdha.

La députée est certes connue pour son assiduité aux plénières du Parlement, comme la majorité des élus de son parti, avec 91% de présence ainsi que 77% de participation au vote, elle est pourtant très peu connue pour ses positions en faveur du secteur de la santé ou de la ville de Kasserine, en général.

 

Abdelkoddous Saadaoui, ancien conseiller du ministre du Développement, et membre du conseil national d’Afek Tounes, s’est exprimé sur sa page Facebook aujourd’hui au sujet de cette polémique. Originaire de la ville, il affirme avoir travaillé pendant un an en tant que conseiller du ministre du Développement du gouvernement de Habib Essid [ndlr : Yassine Brahim] et n’avoir jamais constaté la présence de ladite députée pour défendre les citoyens de sa région. « Vous n’êtes jamais venue, et on vous a invité à maintes reprises », écrit-il.

Le journaliste et syndicaliste Mongi Khadhraoui, originaire lui aussi de la ville de Kasserine, s’est exprimé de son côté sur les réseaux sociaux, hier, tançant la députée nahdhaouie et l’accusant de faire de la surenchère sur le dos de la ministre. Dans sa publication, le journaliste assure n’avoir jamais vu à l’œuvre la députée Safia Khalfi, qui appartient pourtant à un parti de la coalition au pouvoir. Un parti qu’il juge « responsable, en bonne partie, des malheurs de la région » et estime, par conséquent, « qu'elle est mal placée en pour accuser les autres ».

 

 

Le développement régional est un slogan de campagne brandi, à l’occasion de grands discours, à chaque fois que les circonstances le dictent. Lors de la plénière qui a permis le vote de confiance du gouvernement de Youssef Chahed, la grande majorité des députés a ponctué ses discours de passages sur « la nécessité d’accorder plus d’intérêt aux régions intérieures, oubliées et délaissées ». Pourtant dans les faits, peu de choses ont été faites encore.

Il a fallu attendre le double drame de Kasserine pour que le Parlement bouge. Une session parlementaire extraordinaire est, en effet, prévue courant septembre afin de se pencher sur le gouvernement de Kasserine et les régions défavorisées. « Le président de l’ARP a assuré que les besoins de la ville de Kasserine feront l’objet d’un suivi et d’un débat dans le cadre d’une séance plénière », a précisé Mohamed Ennaceur. En attendant, le populisme reste plus facile à appliquer que de véritables réformes et la région de Kasserine pourra de nouveau, une fois le choc absorbé, être reléguée aux oubliettes… 

 

Synda TAJINE

 

 

02/09/2016 | 19:59
6 min
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Commentaires (28)

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@@forza
| 04-09-2016 21:50
Votre honnêteté intellectuelle vous honore. Je ne suis ni politisée et encore moi NDA.
Un danger guette la Tunisie. Ces nouveaux politicards qui manipulent l'opinion et savent utiliser les images et les médias. Jalloul en premier, Elloumi a essayé aussi.
En ce qui concerne notre cas.
Sachez Monsieur ou Madame Forza que le projet d'envoyer des médecins spécialistes dans les régions pour une garde payée 650 dinars est une erreur monumentale.
On fanfaronne avec des résultats fais et des chiffres creux de sens, taux de couverture de 100% ne veut absolument rien dire.
Souvent c'est les résidents en formation qui font le boulot dans six spécialités certains jours du mois et ça nous coûtera 30 milliards.
Cette solution est un piège posé par l'UGTT des médecins universitaires qui font aussi la fameuse APC.
Prochainement ils vont réclamer bientôt d'être payés 650 dinars dans tous les hôpitaux alors que les autres professionnels ne recevaient même pas le dixième.
Souvenez vous de ça et vous verrez.
Actuellement les médecins de la santé sur place se sentent dévalorisés et les jeunes spécialistes ne veulent plus aller travailler pour 2000 dinars alors qu'ils peuvent les gagner en 4 jours. Il a fait ça pour 6 spécialités dans 6 gouvernerats. Aidi s'est fait piéger par H. Mizouni. Zéro grève des universitaires durant le mandat de Aidi. Hamdoullah.
Au moins le pré projet de Mekki rétablissait une sorte de justice. Il faudra y venir un jour vous verrez aussi.
Aujourd'hui les enfants des paysans meurent pour défendre la partie. Regardez où vivent les familles des martyrs.
Politiquement et c'est là où se cache le mal.
On doit regarder de prêt et dans le temps ce Aidi.
Il nous a fait le projet Amal, une idée folle qui a coulé l'Etat après la révolution. Puis un jour il est parti et ne s'avise plus de parler de ce projet.
Dans la santé il va consacrer des centaines de milliards pour l'hépatite C, pourquoi ce choix totalement irrationnel pour la Tunisie? Tous les spécialistes locaux le confirment.
Aidi a promis de nouveaux hôpitaux dans des régions où le taux d'occupation des lits est à peine de 30%. Pourquoi? C'est ça la courage politique.
Aidi fait de politique que FB et sur les plateaux des émissions TV du samedi soir.
Aidi a publié des dizaines de photos où il embrassait des enfants et des malades. C'est digne ça.
Aidi publie des vidéos où il fait des visites dites surprises où il engueule des directeurs généraux en public parfois micro à la main. C'est crédible ça?
La liste est encore longue.
Je ne peux croire que ce type soit au service de la Tunisie.

Forza
| 04-09-2016 18:18
Je ne sais pas qui m'a interpellé et nous pouvons avoir des avis divergents mais je trouve son programme d'imposer des spécialistes dans chaque hôpital profite aux régions pauvres et au moins sur ce dossier, il a apporté un plus car une reforme fondamentale comme a été présentée par Mekki a été bloquée par les lobbies, sous ces conditions, l'idée de Aidi au moins garantit un minimum de service aux hôpitaux de l'intérieur.
Je ne peux Concernant ses différents avec Karoui, le médecin de Sidi Bouzid et l'UGTT a Sfax car je n'ai pas suffisamment de détails.

@forza
| 04-09-2016 17:49
J'apprécie toujours vos commentaires. Aidi a fait des ravages dans la santé. Ces solutions coûtent très chers et sont totalement à côté de la plaque.
La charité et les mesures populistes n'ont jamais fait une politique pérenne. Aidi est un démagogue, il promet et il oublie.
Il croit dur comme fer que c'est un homme politique mais en réalité son bilan de militant est vide. Il est le dernier à avoir le droit de critiquer Mme Merai.
Elle vient de prendre ses fonctions.
Il doit accepter de rester silencieux quelques temps. Franchement toute son attitude depuis le début témoigne d'une immaturité et même d'un ***

obs
| 04-09-2016 13:41
Les hôpitaux de Tunisie sont crasseux à l'image des patients des toubibs ,infirmiers es ,agents de nettoyage qui volent les produits détergents sans oublier les intendants qui dévalisent les cantines aux dépens des patients qui n'ont que quelques pois chiches dans un ragoût incomestible j'en passe et des horreurs .C'est vraiment la décrépitude d'un Tunisie tiersmondiste et en voie de disparition

observator
| 04-09-2016 12:43
le jour de l'accident.

observator
| 04-09-2016 12:41
qu'aucun officiel n'est allé sur le lieu de l'accident.
Tous ont visité des hôpitaux ......mais pas le village endeuillé même le défenseur attitré des zwawla Hamma Hammmami.
Quelle hypocrisie.

Forza
| 04-09-2016 12:34
Je viens de visiter sa page facebook. Il a critiqué les décisions a la vite et il a raison. Son programme d'assurer la présence de médecins pour les 5 ou 6 plus importantes spécialités dans tous les hôpitaux est à retenir.

Forza
| 04-09-2016 12:19
Je n'ai pas lui ce qu'il a écrit a propos de Merai mais c'est son droit. Maintenant la majorité des commentateurs ont pris leurs positions par rapport a celle de la députée d'Ennahda. Ceux qui supportent Merai, ne le font pas parce que convaincue de la position de la ministre ou de sa qualification mais juste pour marquer un but contre Ennadha, de me pour la plupart qui attaquent Merai. C'est ça le problème surtout des anti-Nahda. Ils n'analysent pas et ne font pas une position objective, ils se définissent comme la négation des positions de nahdhaouis, la députée est contre Merai, les anti-islamistes la déclarent alors le model de le femme tunisienne militante. D'ailleurs je vois le même comportement d'islamistes sur Babnet qui tirent contre tout ce qui vient du front populaire ou Massar sans réflexion.

Yezzi
| 04-09-2016 10:47
Et voilà que Aidi lui répond! Décidément ce Aidi ne vit que dans le conflit et le scandale.
Ils étaient collègues au gouvernement Essid. Vous comprenez pourquoi La Tunisie a perdu 18 mois avec cette équipe. Le pervers narcissique refoulé a servi ses intérêts et non ceux du pays.
Il n'a même pas respecté le devoir de réserve qui était le sien.
Mme Merai courage soyez une vraie patriote et dites nous la vérité sur la situation. Il essaye de vous intimider.

LIBRESPRIT
| 03-09-2016 17:32
Oublions vite ces mots: zlass,frachich,hmamma,etc...pour devenir tout simplement CITOYENS d'un Pays qui a plus de 3000 ans d'HISTOIRE !