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En Tunisie, les deux tiers des candidats au recrutement se révèlent incompétents !
12/07/2016 | 20:00
6 min
En Tunisie, les deux tiers des candidats au recrutement se révèlent incompétents !

 

L’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), a rendu public son rapport national sur l’Emploi en Tunisie lundi 11 juillet. Une analyse complète du marché du travail basée sur deux enquêtes de terrain effectuée sur un échantillon de quelques 400 entreprises et 10.300 diplômés.

Cette analyse du marché du travail dévoile un taux de chômage qui dépasse nettement les taux enregistrés dans des pays comme la Jordanie, le Maroc ou bien la Malaisie. Un marasme, conséquence d’une économie qui tourne au ralenti depuis bon nombre d’années, maintenant, aggravé par les multiples crises politiques.

 

Par ce travail, le think tank offre des éléments de reponses aux questions : A combien s’élève la demande d’emploi potentielle des entreprises ? Est-ce que l’université est en phase avec la demande sur le marché du travail ? Ou encore, Quel est le temps d’attente pour une première insertion ?

 

Selon le ministère de l’Emploi, la Tunisie compte aujourd’hui, 4 millions de personnes actives parmi lesquelles 28,1%, sont des femmes. Un million de personnes sont dans le secteur privé, 500 mille sont des autoentrepreneurs, 650 mille sont des fonctionnaires de l’Etat et plus de 600 mille sont au chômage, soit 15,2% de la population active. Ce dernier chiffre est inégalement réparti selon les régions et le sexe. Il apparait dans l’étude menée par le ministère que les ¾ de l’ensemble des chômeurs sont concentrés dans le Sud et l’Ouest du pays.

 

Face à cette crise, l’IACE a entrepris une étude complète sur l’état du marché du travail et a abordé la question côté offre et côté demande, cette dernière, corrélée étroitement à la formation des individus. L’enquête menée par le think tank tunisien, s’est faite en premier lieu, via des questionnaires qui ont mis face à face l’enquêteur et la personne interviewée, en l’occurrence le chef d’entreprise. Et pour ce qui est de la méthodologie de l’enquête, auprès des diplômés du supérieurs ayant obtenu leurs licences entre 2010 et 2015, un formulaire en ligne partagé sur les réseaux sociaux leurs a été soumis.

 

Le document, aujourd’hui en ligne, met en évidence les problèmes de compétences des candidats aux différents postes, en clair, 60% des candidats au recrutement ne remplissent pas les critères liés au poste pour lequel ils aspirent, pire encore les deux tiers se révèlent incompétents. Parlant des secteurs techniques, seulement 46% des candidats ont une bonne ou excellente maitrise des compétences techniques, le reste (54%) ont des compétences moyennes, peu satisfaisantes ou encore insuffisantes.

La situation se corse encore plus, lorsque le candidat est appelé à faire des présentations écrites et orales de ses compétences et expériences, lors des entretiens. Sous cet angle, près des deux tiers des candidats sont jugés incompétents. Cela signifie, qu'il y a absence totale de la maitrise de l'expérience écrite et orale. Et les implications en termes de parcours professionnels sont dramatiques. Ce Phénomène analysé est intrinsèquement lié au système d'éducation et de formation en place aujourd’hui dans notre pays

Ce problème de qualité et de compétences, se répercutent également et inévitablement sur la capacité des entreprises à satisfaire leurs besoins en main d'œuvre et donc, sur leur stratégie, leur expansion et leur positionnement sur le marché. Ajouter à cela les périodes d'attente pour combler les postes vacants, l’entreprise tunisienne peinera à se frayer un chemin dans un monde globalisé ou la compétitivité n’est pas un choix.

 

Le résultat de l’enquête en ce qui concerne les délais pour trouver un emploi est sans appel. Pour un étudiant de la Faculté de Droit et des Sciences économique et Politiques de Sousse, il faut en moyenne 72 mois d’attente pour décrocher un poste, 56 mois pour Institut Supérieur de Gestion de Sousse et 49 pour l’Institut Supérieur des Langues de Tunis. Pour des études technologiques ou en « Business School », le temps pour une première insertion est plus réduit et varie de 6 à 12 mois. Ce chiffre dépend aussi des régions. « Cependant, si on considère la taille des entreprises, ces conséquences peuvent toucher à la survie même de celles-ci, puisque des pertes de marché sont dans ce cas inévitables », avait martelé Walid Bel Haj Amor, vice-président de l’IACE durant la conférence de presse organisée hier lundi, pour l’annonce du rapport.

 

Ce document sur la compétitivité, rapporte également que 972.000 postes d’emploi sont occupés dans le secteur privé, dont plus de la moitié (54%) dans la Fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques, les TIC et le commerce. En même temps, ces secteurs dégagent quelques 36 mille postes vacants. Au total, le secteur privé a actuellement besoin de 145.508 nouvelles recrues. 68% du nombre de postes vacants seront concentrés dans 5 secteurs parmi 19, soit, les secteurs liés au commerce et services, suivis des activités spécialisées, scientifiques et techniques, l’industrie du textile et de l’habillement.

 

Une projection effectuée par le think tank, sur les deux prochaines années, révèle que le secteur privé aura besoin de 270.000 nouvelles recrues, considérant la destruction de 50.000 postes d’emploi pour le même intervalle de temps. On obtiendra une création nette de 75.000 emplois, 68,5% desquels seront sollicités par les grandes entreprises c’est-à-dire les entreprises employant plus que 200 personnes, selon la terminologie retenue par l’INS.

 

L’analyse des postes d’emplois demandés laisse entrevoir que le marché a besoin de plus en plus de main d’œuvre qualifiée ou peu qualifiée, opérant dans des activités classiques comme le bâtiment par exemple. Le marché a donc besoin d’individus formés, que les universités, hormis les instituts technologiques, sont incapables de fournir.

 

L’offre du marché du travail en Tunisie concerne plus de 600 mille chômeurs, 35% d’entre eux ont suivi un enseignement supérieur. Selon l’étude proposée par l’IACE, l’effectif des diplômés est en constante baisse par rapport à 2010. Le déclin des chiffres des inscrits dans les établissements publics s’explique par : La baisse de l’effectif des bacheliers qui intègrent l’université publique et la prolifération des universités privées qui constituent un refuge pour bon nombre d’étudiants.

Si l’université tunisienne est jugée pour sont inadaptation aux tendances du marché, pour s’être déconnectée des besoins des entreprises, lançant sur le marché des diplômés inaptes à s'y insérer, et ainsi être en grande partie la source du chômage massif. Ce jugement ne peut être équitable que si on tient compte des moyens et de champs d’action dont elle dispose.

 

Serait-ce donc un problème lié à son mode de fonctionnement interne, à l'inertie et au cloisonnement des cadres enseignants ou encore au cadre juridique la régissant ?

Pour être pratique et opérationnel, partons des résultats des travaux de la Commission nationale de la Réforme et consigné dans le "Projet de réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique 2015 – 2025". Cette commission, à travers un diagnostic de l'université tunisienne, a mis en évidence les constats suivants: dégradation du niveau des entrants à l’université, non adéquation entre les flux d’étudiants et les ressources disponibles, dégradation des conditions d’enseignement et de vie universitaire, absence d’indicateurs de mesure de la qualité dans la formation et l’encadrement. On relève également, l’absence de la bonne gouvernance et d’autonomie des universités, l’absence d’ancrage des universités dans leur environnement régional, le déséquilibre régional et la dispersion de la carte universitaire, outre la faiblesse du rendement du système de la recherche scientifique, particulièrement dans le domaine de l’innovation et la non-valorisation des entreprises à forte valeur ajoutée.

 

Ce rapport qui prend dans sa conclusion la forme d’une autocritique, propose enfin des recommandations en ce qui concerne le système éducatif tunisien.

« Il est impératif de donner aux universités tunisiennes les moyens et outils à même de leur permettre de se hisser aux normes du marché international et de jouer à armes égales avec leurs concurrentes. Qui dit industrie, dit entreprises. Il faudrait, dans ce cas, considérer les universités et institutions universitaires comme des entreprises produisant un service et évoluant dans un environnement concurrentiel. Et de ce fait, les soumettre à un mode de gestion propre à des entreprises opérant dans un environnement concurrentiel et où le contrôle de la qualité à tous les stades du processus de production soit la règle (inputs et outputs)».

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Sofiene Ahres

12/07/2016 | 20:00
6 min
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Commentaires (24)

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zohra
| 15-07-2016 15:18
Merci pour votre réponse j'apprécie votre côté humain.

Tunisienne
| 15-07-2016 12:32
Merci beaucoup de votre appréciation !

Certes, une partie de la balle est dans le camp de Monsieur Bouden ! Mais je crois que c'est surtout une prise de conscience généralisée qu'il faudrait. Ainsi que la capacité de chacune des parties-prenantes de voir un peu plus loin que le bout de son nez et de comprendre que c'est dans l'intégralité et la crédibilité de tout le système que le bien-être individuel de tout un chacun sera possible ! ...

Je vous souhaite une excellente journée !

Tunisienne
| 15-07-2016 12:20
Chère Madame,

Je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous dites que ce système pénalise les étudiants qui ont le plus de mérite (les plus dynamiques, les plus responsables, les plus impliqués dans leur formation...) !

Pour l'anecdote, sachez que certains étudiants (et enseignants !) arrivent à pervertir des modules de professionnalisation (culture entrepreneuriale, techniques de communication, comportements professionnels...) en des matières à apprendre par coeur (donc aussi «jetables» que le reste) ! Mais ce que j'en dis relève de mon expérience personnelle et n'est peut-être pas généralisable ! Espérons-le en tout cas !
Je crois qu'il est très important que ceux qui sont sensibilisés et conscients de ces problèmes essaient de rompre le cercle vicieux, chacun à son niveau : des étudiants, des parents, des enseignants-chercheurs, un responsable de formation dans un établissement universitaire, un Président d'université, un administratif, un professionnel en entreprise qui accueille un étudiant en stage... Ce sera déjà pas mal !

Très bonne journée !

KATO
| 15-07-2016 10:56
Visiblement, vous n'avez pas fait beaucoup de progrès en français, malgré toutes les formations suivies depuis votre arrivée en France en 1980.

leonidas
| 14-07-2016 17:54
Vous avez tout dit. Excellente analyse de la situation de notre système éducatif. J'espère que M Bouden est de passage. Un brave type.

zohra
| 14-07-2016 13:31
Donc que faire, il peut être temps peut d'ouvrir les centres de formation, recycler les jeunes, les aider à s'en sortir. Que les municipalités donnent une main forte à ce cercle vicieux, ouvrir des bureaux d'aide aux jeunes, leur apprendre à rédiger une lettre de motivation, un CV, leur apprendre à se vendre ect... Ouvrir des centres d'orientation. Que le tout monde se met au travail. Il faut bouger. Il faut motivet les jeunes, Il ya des jeunes honnetes ont ne va pas les punir eux aussi

Tunisienne
| 14-07-2016 10:33
Comment s'étonner lorsque s'est installée une culture de l'apprentissage instantané et «consommable» (entendez donc jetable !), de l'instrumentation du savoir et du délitement des valeurs (absence d'ambitions, de motivation, de rêve, de projets de vie et professionnels, de reconnaissance des valeurs intrinsèques du savoir, du travail, de l'effort...) ?
Et cela, tout le monde et tout le système y ont contribué : les lacunes globales de tout le système éducatif; le système LMD avec, de plus, ses grandes perversions en Tunisie; les dysfonctionnements du système universitaire (système de gratification et de promotion des enseignants-chercheurs qui les pousse à l'opportunisme et au minimalisme dans l'enseignement, approches et démarches pédagogiques archaïques et décalées par rapport aux exigences socioprofessionnelles actuelles); absence de marges de manoeuvre au niveau des établissements universitaires; laxisme et minimalisme de tous; des responsables universitaires qui surfent entre les considérations scientifiques et celles politico-sociales pour avoir la paix et/ ou par ambition; une université qui peine à trouver ses marques en termes de vocation et de mission dans le contexte actuel (enseignement, recherche et excellence scientifiques ou professionnalisation des étudiants); des étudiants qui, au lieu de tirer profit de l'apprentissage, apprennent par bribes -juste ce qu'il faut pour passer les exams- et mettent toute leur énergie à exploiter les failles du système et à développer d'année en année de nouvelles techniques de triche (résultat : des diplômes tronqués et des diplômés amnésiques, qui n'ont aucune latitude ou disposition à la réflexion ou à la synthèse et qui ont même du mal à mobiliser le minimum de savoirs); des parents qui ne sont pas étrangers aux attitudes de leurs enfants (valeurs véhiculées, encouragement de la débrouillardise, «l'essentiel, c'est d'avoir le diplôme et on verra après !»); des entreprises qui n'arrêtent pas de déplorer le manque d'operationnalite des diplômés mais qui ne font souvent rien pour se rapprocher effectivement du monde universitaire pour l'aiguiller (lorsqu'il y a «coopération», elle reste souvent superficielle et relève généralement du discours et du slogan)...
En définitive, tout le monde a démissionné et nous sommes dans un système où tous les fact leurs sont réunis pour produire qui des diplômes et des diplômés approximatifs et par-défaut ! Pourquoi s'étonner alors de ce qui n'est qu'un aboutissement logique d'une congruence de faillites ?

PS : Je ne suis pas sûre que le raisonnement en termes de QI puisse éclairer pertinemment la question ! Beaucoup d'attributs (la volonté, l'effort, la résilience, l'ambition, le sens de la responsabilité...) peuvent compenser un déficit de QI !

zohra
| 14-07-2016 08:30
Je vous crois, mais, de mon époque "époque de Bouguiba", c'était vraiment la discipline, dans tous les domaines, les écoles, l'internat....

Abel Chater
| 14-07-2016 01:00
Non, je te jure par tout ce qui m'est sacré, que mes propos au sujet des tricheries scolaires et universitaires, ne dénotent que le sommet de l'iceberg. Je te jure que j'ai vu des feuilles de test en deuxième année universitaire, dont le niveau ne pourra en aucun cas dépasser l'école primaire.
L'intelligence chez nos écoliers se mesure à présent par les moyens de tricherie qu'ils développent pour leurs camarades. Lorsqu'un Prof attrape un fraudeur, c'est au Prof de faire attention aux conséquences de sa persévérance et de son obstination. Le lycéen ou l'étudiant commence par demander pardon, puis par demander de la compréhension pour sa situation familiale (père ivrogne, parents divorcés, maman ***, etc.). Par la suite, il monte en crescendo, jusqu'à menacer qu'il n'aura plus rien à perdre, contrairement au Professeur qui va le dénoncer. Depuis sa voiture, jusqu'à sa femme et ses enfants. Toute une liste de menaces trouve lieu verbalement et à haute voix devant les autres élèves ou étudiants. Ces derniers répètent en chorale : «pardonnez-lui Monsieur» (Sèmhou Monsieur).
Non Zohra, la dictature dans le monde arabe nous a ruinés. Tout est focalisé autour de la survie du dictateur et de sa famille régnante. Tout le reste n'est qu'une jungle, où aucun domaine n'est épargné de la pourriture. Maintenant qu'on s'est sauvés de la dictature et de la déification des êtres humains en Tunisie, il est temps qu'on s'attaque au mal par ses racines. Cela ne pourra se réaliser qu'en disant la vérité et rien que la vérité, même contre soi-même.
Salutations et respect.

leonidas
| 13-07-2016 17:49
La génération qui a eu son bac grâce au kit en bonne proportion.les filles au beau physique trouveront emplois auprès des grandes banques des sociétés sises au lac 1 et2 qui cherchent des atouts autres que la compétence et les garçons doivent les pauvres trouver des emplois de merde surtout sils n'acceptent pas un salaire qui ne couvrent même pas les cigarettes le croissant et le café au lait de ces "privilégiées" habituées a l'assistance professorale et paternelle.