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La grogne des grèves
21/09/2015 | 19:59
5 min
La grogne des grèves

Si le nombre de grèves a techniquement baissé, le syndicat reste plus intransigeant que jamais et mène les négociations avec le gouvernement d’une main de fer. Enseignement, santé, transport et autres secteurs sensibles, multiplient les grèves et les grabuges à cause de motifs variés touchant aussi bien les augmentations salariales, les promotions, l’amélioration des conditions des travailleurs mais aussi les nominations contestées par le syndicat. A chaque fois, Tunisiens et travailleurs deviennent les otages de la grogne syndicaliste.  En face, le gouvernement, impuissant, assiste à un jeu qu’il ne maîtrise pas encore.

 

 

 

Alors qu’il a pris son poste par la « force publique », le nouveau directeur de l’hôpital Habib Bourguiba de Sfax a fini par être dégagé par le personnel médical attisé par un syndicat qui s’opposait à sa nomination. Le syndicat a-t-il, une fois encore, gagné ? Rien n’est moins sûr pour l’instant car ce recul n’est qu’un repli stratégique pour Chokri Tounsi, ce général de l’Armée, dont la nomination reste « irrévocable » pour le ministre de la Santé Saïd Aïdi. Un militaire à la tête d’une institution sanitaire au bord du délabrement semblait être une idée de génie pour le ministère qui souhaitait remettre de l’ordre au sein de l’hôpital Habib Bourguiba de Sfax. Cet hôpital est le plus grand établissement hospitalo-universitaire de la région du sud et accueille des malades de plusieurs villes du pays dont Sfax, Sidi Bouzid, Gabès, etc.

Mais les syndicalistes ne l’entendent pas de cette oreille et si, officiellement et publiquement, les slogans brandis affichent « une volonté de garder cette institution 100% républicaine et à l’abri des tiraillements », en réalité, le syndicat reste attaché à sa mainmise sur cette institution qui enregistre des grèves à profusion. L’ancien directeur, récemment évincé, était en effet réputé pour sa proximité avec les syndicalistes ce qui leur offrait une marge de manœuvre non négligeable pour passer leurs « lois ».

 

Mais le secteur de la santé n’est pas le seul à être en proie à la « dictature des syndicats ». Cette expression a émergé peu après le 14-Janvier et revêt tout son sens aujourd’hui à la lumière des bras de fer incessants qui se tiennent quotidiennement entre syndicalistes et pouvoir. L’exemple le plus édifiant, actuellement, est sans doute celui de la crise de l’enseignement. En effet, des tiraillements qui ont duré plusieurs mois ont conduit à un boycott par les enseignants des derniers examens de l’année 2014/2015. Le ministère, pour désamorcer la crise, s’est vu obligé de décréter un passage de classe automatique pour l’ensemble des élèves afin d’éviter qu’ils se retrouvent, encore, pris en otage par leurs enseignants.

Aujourd’hui encore, deux jours seulement après une rentrée des classes placée sous haute tension, les enseignants récidivent et annoncent une nouvelle grève de deux jours. Les élèves du primaire et de l’enseignement de base n’auront donc rejoint leurs salles de cours que durant 48 heures.

Les négociations entre ministère et syndicats de tutelle sont dans l’impasse aujourd’hui. Le syndicat dénonce la non-prise au sérieux de ses doléances et le ministère pointe du doigt des revendications jugées excessives. Le 17 septembre, premier jour de grève des enseignants, Néji Jelloul, ministre de l’Education nationale, a déclaré dans le cadre de l’émission J8 de Hamza Belloumi sur El Hiwar Ettounsi que « le point de discorde [entre le syndicat et le gouvernement] réside dans une réclamation du syndicat qui concerne deux autres promotions exceptionnelles relatives à 2019-2025 ». Il explique par ailleurs que cette « tempête dans un verre d’eau », selon ses propres termes, est due au fait que « les instituteurs du primaire  ont eu droit à trois promotions alors que les autres enseignants n’en ont pas bénéficié ». De son côté,  le secrétaire général de l’enseignement de base Mastouri Gammoudi, a déclaré, la veille de la grève, à Mosaïque Fm, que Habib Essid a refusé les propositions du syndicat de l’enseignement après que celles-ci aient été « approuvées par les représentants des ministères de l’Enseignement et des Affaires sociales ».

 

Depuis 2011, les grèves sont devenues monnaie courante en Tunisie et les syndicats, principalement et surtout ceux affiliés à l’UGTT, mènent la danse, même si le nombre des grèves a enregistré une baisse cette année. Selon les statistiques publiées par le ministère des Affaires sociales, concernant juillet 2015, le nombre de grèves a significativement baissé comparé à ceux de la même période de 2014. L’étude, dont les résultats ont été relayés le 15 août 2015 par la TAP, révèle que le nombre de grèves a baissé de 86% en juillet 2015 par rapport au mois de juin de la même année et de 67% en comparaison avec le mois de juillet 2014. L’état d’urgence décrété le 4 juillet par la présidence n’y est sans doute pas pour rien, mais le bras de fer du syndicat avec le gouvernement, continue de bloquer certains secteurs et constitue une des raisons principales de la fuite de nombreux investisseurs.

 

Nouveau jour, nouvelle grève. Aujourd’hui, lundi 21 septembre 2015, on assiste à la grève des transporteurs routiers de marchandises bloquant le secteur du transport des carburants ainsi que celui du transport des marchandises dans les ports maritimes. Un nouveau mouvement de protestation qui a généré, hier, un important mouvement de panique des automobilistes, constaté à travers tout le pays. De longues files de voitures étaient amassées devant les stations essence, et les conducteurs, en colère, se sont retrouvés, une fois encore, impuissants devant cette annonce soudaine.

 

Protestant contre « la dictature des patrons », la dictature des syndicats ne cesse de se matérialiser. A de nombreuses reprises et dans de nombreux secteurs, cette logique de la confrontation est devenue aujourd’hui la règle dans toute négociation entre syndicalistes et responsables gouvernementaux. Au-delà de cette volonté affichée de défendre les travailleurs, le syndicat, pour ne pas dire exclusivement l’UGTT, essaye à tout prix d’imposer sa loi et de tester son pouvoir en privilégiant l’affrontement, devenu aujourd’hui la règle. Mais qu’est-ce qui pousse le gouvernement à se laisser faire ?

Pour l’instant, Habib Essid se retrouve les miens liées. Face à une gronde sociale et syndicale de plus en plus attisée, les responsables gouvernementaux sont obligés d’admettre que certaines situations méritent tout de même que l’on s’y intéresse de près et que certaines revendications, malgré les pressions et le grabuge, restent relativement légitimes.

Dans ce climat délétère, une trêve sociale pourrait bien bientôt voir le jour. Le chef du gouvernement, Habib Essid, a annoncé à Shems Fm le 13 septembre, que des négociations sont en cours actuellement avec la centrale syndicale et celle patronale pour arriver à un consensus satisfaisant les différentes parties. L’on s’attend, selon Habib Essid, à la signature « très prochaine » d’un accord en faveur d’une paix sociale qui prévaudra jusqu’en 2017 et qui fera baisser d’un cran toutes ces tensions, parfois inutiles.

 

 

Synda TAJINE

21/09/2015 | 19:59
5 min
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Commentaires (6)

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DINOSAURE
| 23-09-2015 18:52
L'UGTT est la force de frappe des partis politiques qui n'ont aucun poids électoral, qui ont une idéologie qui n'a plus cours de nos jours, qui n'ont aucun programme économique et social.
Il sont entrain de ruiner le pays et obliger l'état a s'endetter pour financer les augmentations salariales.
Nous ne sommes plus très loin de la GRECE.

j.trad
| 22-09-2015 19:02
il faut que les spécialités soient réparties sur les gouvernorats ,de façons que les sfaxiens aillent se soigner dans les hôpitaux des autres gouvernorats ,les maladies du coeur à GABES ,les poumons au KEF,la neurologie à TOZEUR,la gastronomie là bas ,l'ophtalmo plus loin,et ainsi de suite pour que Sfax se dégage de l'encombrement ,c'est un gouvernorat qui a monopolisé la médecine ,pour quelle raison??!!

Mouzal
| 22-09-2015 10:53
Le syndicat a plus que sa place dans le paysage politique et social du pays. Un syndicat participatif est bien entendu le plus souhaité. Participatif en tant que partenaire des autorités et des patrons, mais non strictement et systématiquement revendicatif. Il y a des droits à protéger mais également des devoirs en contrepartie. En fait ce sont les devoirs qui donnent des droits. Cela est le plus souvent oublié.
Nous sommes dans une épure actuelle proche d'un système marxiste/bolchévique avec la dictature du prolétariat et ce système tout comme la dictature autocratique est un réel danger pour la démocratie parlementaire que nous recherchons, précisément pour éviter toute dérive vers un pouvoir entre les mains d'une nomenklatura.
Dans plusieurs pays la grève est interdite dans les administrations par exemple (Allemagne) et d'une façon quasi générale une grève touchant un service public ne peut être générale. Un service minimum doit être assuré.
Tout citoyen a des droits, tous ont les mêmes droits mais prendre en otage une majorité d'entre-eux pour revendiquer est tout simplement inadmissible. Quant à la grève sauvage elle est tout simplement hors la loi.
Ce qu'il nous faut c'est un syndicat fort, certes, mais pas par le chantage!
Nous sommes tous citoyens d'un même pays, et s'il faut parfois faire sacrifice pour le soutenir, pour lui rendre une partie de ce qu'il nous a donné et permettre aux générations suivantes de vivre dans encore plus et mieux de dignité alors faisons le!

DHEJ
| 22-09-2015 09:12
Mais notre gouvernement ne saura pas le faire.


J'ai un bon "RAIES" spécialiste dans la pêche au chalut, saurer mener LA MACHINE à bon port!

Je peux ne pas aimer L'UGTT mais elle est une force non négligeable à tenir en considération lors de la modélisation de l'architecture institutionnelle, capable d'accélérer ou décélérer le TAUX DE CROISSANCE!

Désormais la pression n'est plus F/S

Mais elle est 1/2xMx(Vi)²/(Vo)


HSE1994
| 22-09-2015 06:41
Suite à la prise du pouvoir par l'ugtt rien ne se décide dans ce pays sans son aval et ce dans tous les domaines sans pour autant avoir le minimum de compétence pour
La conséquence ce sont les prises d'otages à répétition et la démolition de se qui reste de l'économie agonisante

Alex niffer
| 21-09-2015 22:11
Vous ne savez pas que nous sommes là société de viens que je t enseigne comment tu dois M enseigné et donne moi et je te montrerai ce que je suis capable de faire.