
La Banque Nationale Agricole (BNA), la Banque de l’Habitat (BH) et la Société Tunisienne de Banque (STB) « ne jouent plus leur rôle de bras financier de l’Etat et croulent sous le poids des crédits carbonisés »! La décision du gouvernement, et à sa tête Youssef Chahed, de trouver une sortie de crise pour endiguer l’endettement de ces 3 banques publiques en sous performance s’est donc imposée. C’est de pied ferme qu’il a annoncé l’imminence de cette mesure, mais sans pour autant préciser les modalités des solutions possibles. L’annonce a, à elle seule, soulevé un tollé alors que pour le moment c’est encore le flou artistique…
« Il faut se poser honnêtement la question de l’opportunité de l’Etat de détenir des parts dans les trois banques publiques que sont la BNA, la BH et la STB », a lancé le chef du gouvernement, Youssef Chahed, lors d’une rencontre avec les étudiants de l’Institut préparatoire aux Etudes scientifiques et techniques (IPEST) le 14 Janvier dernier.
Ce dossier, il l’a remis sur la table lors de son interview exclusive accordée à Hamza Belloumi pour expliquer les raisons de la démission-limogeage de l’ancien ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, Abid Briki, et où il a déclaré que la BNA, la BH et la STB sont en grande difficulté financière et qu’elles constituent une charge pour l’Etat. Ces établissements, qui étaient censés constituer « une partie de la solution » pour financer l’économie tunisienne, sont devenus « un problème majeur pour l’Etat ». Simultanément, après cette annonce, les cours en bourse de ces 3 banques se sont envolés.
Pour compléter son annonce, le chef du gouvernement a également préconisé la cession des participations minoritaires de l’Etat dans une quinzaine d’autres banques parmi lesquelles Al Baraka, la Zitouna, la STUSID, la Banque de Tunisie et des Emirats, la Banque Tuniso-Libyenne (BTL) et d’autres banques. La raison est simple : l’Etat ne génère pas de dividendes dans ses participations et l’option de vendre s’est donc présentée comme une solution.
Alors que reproche le gouvernement à la BNA, la BH et la STB ? Ces banques qui avaient pour fonction originelle de financer les secteurs en difficulté tels que le secteur agricole, celui de l’artisanat et du financement des PME sont en crise depuis 2013 et se sont révélées incapables de jouer leur rôle initial de bras financier de l’Etat.
Malgré les réformes engagées depuis 2013 et les audits complets, la situation de ces banques ne s’est pas franchement améliorée. Suite à ces audits, l’ARP avait d’ailleurs approuvé leur recapitalisation, leur restructuration et la refonte de leur gouvernance. Une amélioration a été ressentie mais la décision du gouvernement de réorienter la stratégie bancaire et de limiter la présence publique dans ce secteur l’a emporté.
Le ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, Fadhel Abdlkefi a confirmé les affirmations du chef du gouvernement, le 27 février dernier dans l’émission 24/7 présentée par Myriam Belkadhi sur Al Hiwar Ettounsi, Il a indiqué que parmi les trois banques publiques, seule la BH avait affiché une amélioration mais qu’il fallait admettre que « la banque de l’Habitat n’a rien à voir avec les financements de l’Habitat et que la BNA n’a rien avoir avec les financements agricoles ». Un autre reproche a été formulé, les trois banques publiques ne soutiennent pas assez certaines entreprises publiques qui sont surendettées, telles que l’Office National de l’Huile (ONH), l’Office des Céréales (OC) et l’Offices de Terres Domaniales (OTD).
Pour endiguer ce problème le chef du gouvernement entend, parmi les scénarios possibles, instituer « une seule grande banque publique, qui disposerait d’une assise financière assez importante pour concurrencer le secteur privé ». Fadhel Abdlkefi a également présenté cette possibilité en déclarant « que la nouvelle vision du gouvernement entrant dans le cadre du plan de réforme du secteur public est orientée vers l’existence d’une grande banque nationale dotée d’importants fonds propres et davantage de souplesse dans sa gestion ».
La ministre des Finances, Lamia Zribi, s’est également exprimée en annonçant, dans une déclaration accordée à l’agence de presse Reuters, que le Fonds Monétaire International (FMI) « a fait geler la deuxième tranche du crédit accordée à la Tunisie estimée à 350 millions de dollars à cause de la lenteur des réformes exigées ». Cette mesure coercitive de la part du FMI aurait ainsi « poussé le gouvernement à étudier la possibilité de vendre les parts de l’Etat dans trois banques publiques au cours de l’année 2017 dans le cadre d’une réforme du secteur bancaire ».
Les exigences du FMI, à l’origine de multiples théories complotistes, ont fait jaser le président de la commission des Finances à l’ARP, Mongi Rahoui. Il a ainsi argué qu’un pays qui se respecte doit posséder ses propres banques publiques car dans l’hypothèse d’une crise systémique ce sont elles qui sont censées intervenir pour réguler le marché. Il a également dénoncé le caractère unilatéral de la décision de vente des parts de l’Etat dans les 3 banques publiques. Selon lui, il ne s’agirait pas d’ « une décision ministérielle », mais d’une exigence du FMI. « Des personnes au sein du gouvernement travaillent pour le FMI et la Banque Mondiale ! » a-t-il osé déclarer pointant du doigt que la souveraineté nationale du pays est en danger.
Des accusations qui ont été formellement démenties par Fadhel Abdlkefi qui a riposté en déclarant que « le FMI n’a jamais donné d’ordres ni émis de conditions » en insistant sur le fait que cette institution financière, « qui accorde des prêts à des conditions avantageuses revendique forcément des réformes ». C’est une condition sine qua non qui est tout à fait concevable d’autant plus que « tout le monde s’accorde sur la nécessité de ces réformes ».
La fédération des banques tunisiennes relevant de l’UGTT n’a pas tardé à réagir et a appelé à une mobilisation « face à la décision unilatérale du gouvernement » qu’elle a qualifié de « fatale pour le climat social ». Dans un communiqué publié lundi 27 février 2017, la Fédération a ainsi annoncé une série de mouvements face aux «dérapages dangereux » du gouvernement. La riposte qu’elle compte mener consistera à organiser une campagne de sensibilisation à laquelle participeront « des parties nationales à l’intérieur de l’ARP » pour contrer la tentative de mise à genoux du secteur bancaire…
Alors que les options de fusionner les trois banques, de les privatiser ou de poursuivre l’exécution de leurs programmes de restructuration sont encore floues, l’orientation libérale du gouvernement semble désormais acquise. Le gouvernement de Youssef Chahed n’a encore pris aucune décision officielle mais les divergences et les contestations se multiplient déjà. Cette décision, si elle se concrétise pourrait mener à une réflexion plus ample, sur une probable privatisation de Tunisair, de la Société des transports de Tunis ou de la Société nationale des chemins de fer tunisiens, des sociétés endettées où la performance est loin d’être au rendez-vous.
Khawla Hamed

Commentaires (14)
Commenterla goutte d'or
anti banque
chronique d'un acharnement planifié
bravo tounsi anti chlayek
Tunisair est plus problème tique que ces banques car son déficit est colossal.
Mais notre gouvernement ferme les yeux et fait la sourde oreille uniquement pour protéger ces fils à papa les employés de cette compagnie de voyous
@BN
B.N : Merci de relire nos règles de modération.
Séparer banques de dépôt et banques d'affaires!
Oui à la vente de BNA, BH et STB mais la façon la plus efficace de le faire est de séparer d'abord totalement banques de dépôt et banques d'affaires. Cette séparation fut la règle pendant 70 ans. Mais, dans les années 1990, les lobbys bancaires ont permis que les banques d'affaires puissent jouer au "poker" avec l'argent des banques de dépôt, et ainsi avec la garantie de l'Etat, or l'état tunisien ne peut rien garantir pour le moment et dans les années/décennies à venir.
Notre oligarchie, notre bourgeoisie et nos milliardaires sont hostiles à la séparation des activités bancaires. Aucune envie d'être privées ni de l'accès gratuit aux dépôts ni de la garantie de l'Etat !
Et je doute (je dis bien douter) que notre Troïka a injecté des sommes gigantesques pour éviter que la chute de notre système bancaire oligarque n'amène un effondrement de tout le système économique tunisien'
@Mr. Youssed Chehed, notre Premier Ministre: ça ne fait aucun sens de réaliser la vente de BNA, BH et STB sans rétablir auparavant une séparation stricte entre banques de dépôt et banques d'affaires pour qu'elles ne puissent plus spéculer avec l'épargne des Tunisiens et pour qu'elles ne bénéficient plus de la garantie de l'Etat. Sans cette garantie, nos banques privées seraient beaucoup plus prudentes, car en cas de pertes les actionnaires devraient payer l'addition. Et en cas de crise, les faillites des banques d'affaires n'auraient qu'un impact très limité sur l'économie réelle de la Tunisie.
Oui à une réforme de notre système bancaire, mais nous avons besoin d'une réforme intelligente qui sert plutôt les intérêts de notre Tunisie et de tous les Tunisiens et non pas seulement de ceux de notre oligarchie, notre bourgeoisie et nos milliardaires
J'espère que l'on n'a pas déjà décidé derrière les coulisses de confier la réalisation de la vente (accompagnement) de BNA, BH et STB à la banque BAT (banque d'affaires de Tunisie)? J'espère qu'il y aura une procédure d'appel d'offres et que tout se passe dans la transparence totale et en toute régularité! Puis, la bourse de Tunis a les instruments, le savoir-faire et l'expérience afin de réaliser cette vente, étant donné que ces banques sont cotées à la bourse de Tunis. Pourquoi privilégier la BAT (banque d'affaires de Tunisie) et priver toutes les autres sociétés tunisiennes de services d'un gain de quelques centaines de millions de dinars?
Jamel Tazarki
C'est dans l'intensité, la régularité et le renouvellement du débat socio-politique que se forge le gouvernement du peuple. La bonne santé de notre jeune démocratie tunisienne se mesure à ses contre-pouvoirs. Voilà pourquoi l'indépendance des médias, de la justice, l'activité syndicale et la qualité du débat parlementaire concernent tous les Tunisiens.
Emeli Sandé - Read All About It:
https://www.youtube.com/watch?v=vaAVByGaON0
Le « système à deux piliers » : structure et évolution
1-les Banques Privees (banque commerciale banque d affaires,banque d investissemet.. ainsi que les succursales des banques etrangeres.
2-les Etablissements de droit public qui ne doit comporter qu une seule grande banque etatique avec ses succursales regionales, mais une multiplications de caisses d epargnes sur tout le territoire tunisien dont celui d epargne logement.
C est un systeme qui a fait ses preuves dans plusieurs autres pays.
Mais un conseil aux deputes a l ARP,il faut absolument mettre a leur ordre du jour la creation d une haute autorite de la transparence de la vie publique,et la levee du secret bancaire si la justice l exige pour permettre d instruire d´ eventuelles affaires de corruption ou de detrournement de fonds publics.Il faut donner a nos juges les moyens et les instruments pour enqueter sur des affaires louches tel que les 6 milliards evoques par Dr.Tazarki.
Qui est Mongi Rahoui ?
Je pose cette question parce que je connais très bien Rahoui pour avoir travaillé avec lui à la BNA. Il s'agit d'un simple agent flemmard, magouilleur, qui passait son temps à combiner avec le syndicat, en récompense ce dernier lui a permis d'accéder à la fonction de chef de la petite agence à la place Moncef Bey oú son passage était insignifiant et marqué par un problème de....
Quant à son CV il est vide: de niveau secondaire, il a gravi quelques échelons grâce aux cours bancaires et au soutien du syndicat.
Alors, pensez vous que ce Monsieur est apte à orienter la politique financière du pays à tel point qu'à un certain moment il a été sollicité pour un portefeuille ministériel ?
Pauvre Tunisie
https://www.lesechos.fr/25/04/2001/LesEchos/18391-165-ECH_la-malaisie-a-reussi-a-sortir-seule-de-la-crise-asiatique.htm
A mon avis
Et hop comme par hasard, on doit vendre! on doit privatiser!
Comme si de rien n'était, pourquoi cette baisse de valeur, comment s'est elle passé, comment la BNA qui se tape le salaire de la plus grosse part des fonctionnaires (ils sont prés d'un milliard) a t'elle réussit a atteindre la crise?
Quelle sont les décisions passé qui les ont menés à ca?
Donc non! les amis, restez vigilent, parce que bientôt ils nous diront que les facultés coutent très chère et qu'il faut privatiser, ensuite ca sera les écoles, puis les hopitaux et ensuite???
Ce ne sont pas des décisions d'un gouvernement qui favorise le bien de la nation, mais plutôt des décisions douteuse qui cache beaucoup!
Le gouvernement ne corrige pas! le gouvernement nettoie (je dirais même semble nettoyer les preuves de leur absurdité passés).

