
De la coexistence « imposée par les urnes », les deux plus grands partis de la Tunisie, en l’occurrence Ennahdha et Nidaa Tounes, semblent opter carrément pour l’alliance. Un choix sérieusement mis sur la table, notamment après la séance de travail entre des délégations des deux partis.
Après avoir comparé, lors du congrès des 9 et 10 janvier 2016, tenu par Nidaa et chapeauté par Hafedh Caïd Essebsi et Ridha Belhaj, Ennahdha et Nidaa aux « deux ailes d’un seul oiseau », Rached Ghannouchi a, savamment dosé les déclarations et les prises de position au point de parvenir à « présider » la récente « fameuse » réunion bilatérale entre les deux partis.
De la photo de la réunion Ennahdha-Nidaa, des observateurs perspicaces n’ont pas manqué de relever que Rached Ghannouchi jouait, encore une fois, son rôle de « big boss ». Ghannouchi était le seul parmi les présents à ne pas prendre des notes et n’avait aucune feuille devant lui, alors tous les autres s’activaient, avec leurs stylos, à enregistrer les remarques et les éventuelles consignes.
Bon à souligner que la délégation d’Ennahdha comprenait, également, le chef du bloc du parti à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Noureddine Bhiri, et l’homme qui monte, Noureddine Arbaoui. En face, on retrouve, Ridha Belhaj et Hafedh Caïd Essebsi, réunis pour première fois depuis longtemps, et Abderraouf Khammassi, l’ancien RCDiste et homme des missions difficiles au sein de Nidaa.
Selon un communiqué laconique d'Ennahdha, cette rencontre a permis « d’échanger les points de vue à propos de plusieurs questions en rapport avec l’action gouvernementale et la situation politique et économique du pays ».
Mais le patron d’Ennahdha, étant devenu direct et clair dans ses propos, depuis quelque temps, Rached Ghannouchi a été plus précis. « Les rencontres de concertation entre les composantes de la coalition au pouvoir sont un fait naturel et nécessaire en démocratie. Cela permet d’approfondir le dialogue et la concertation et favorise la rencontre entre deux grands partis représentant une locomotive essentielle pour le pays », a affirmé, en substance, le président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi.
Cette réunion constitue un événement qui a pris tout le monde au dépourvu, partenaires et opposition. Et en attendant de plus larges réactions, seul le parti Afek Tounes s’est exprimé sur la question par le biais de Yassine Brahim, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, qui a tenu à affirmer « qu’il n’était nullement au courant de la réunion qui s’est tenue lundi à Montplaisir entre les deux partis au pouvoir et que comme tout le monde il l’avait appris sur les réseaux sociaux ».
Et d’ajouter que : « notre vision aujourd’hui est que le pays n’est pas en de bonnes conditions pour la raison simple que la coalition au pouvoir à l’ARP s’est effondrée. Nous nous devons aujourd’hui de reformer une assise politique solide et pour y arriver, des discussions doivent être tenues entre les forces démocratiques et progressistes afin de former une nouvelle coalition forte pour guider le pays».
En d’autres termes, Yassine Brahim, homme fort d’Afek, estime que la coalition quadripartite n’est plus viable tout en laissant entendre l’émergence d’un nouveau rassemblement réunissant les forces démocratiques et progressistes du pays. Ceci est considéré comme étant un clin d’œil au nouveau parti de Mohsen Marzouk, à l’UPL, à l’Alliance démocratique et à d’autres indépendants en vue de former un nouveau bloc pouvant atteindre entre 60 et 70 députes.
Il faut dire que la tension est perceptible, ces derniers temps, avec les tentatives d’Al Horra de former un large bloc au sein du Parlement, comprenant, entre autres, celui d’Afek, et qui serait baptisé le bloc républicain.
Mohamed Fadhel Ben Omran, président du bloc de Nidaa Tounes, a affirmé qu’Afek Tounes « a poignardé la coalition au pouvoir dans le dos. ». Et d’ajouter que le parti se trouve, désormais, à l’origine d’un blocage dans le processus d’approbation du projet de loi sur la création du Conseil supérieur de la magistrature, sans oublier l’abstention de certains de ses députés lors du vote sur le projet de loi relatif au statut de la Banque centrale.
En dépit de ces évolution, il faudra attendre les réactions concrètes des autres partis concernés, sachant que l’Union Patriotique Libre de Slim Riahi se débat dans une crise inextricable émaillée de plusieurs démissions, alors que le Mouvement du projet de Tunisie semble marquer le coup en attendant de recevoir, officiellement, son visa et de se remettre de la déstabilisation subie par son chef Mohsen Marzouk, cité dans l’affaire des Panama papers.
Il est à rappeler qu’à Nidaa et au moment où BCE parlait de contrainte imposée par les urnes, son fils HCE disait clairement, dans une interview accordée au journal Le Monde en date du 3 mars 2016 qu’il était pour l’alliance avec Ennahdha. En effet, il répondait, ainsi à la question du média français pour savoir s’il était, « personnellement favorable à une alliance avec Ennahda ».
« Un homme politique est obligé de composer avec l’existant. Aujourd’hui, cette alliance est dans notre intérêt commun, c’est l’intérêt du pays. Il y va de sa stabilité et sa sécurité. La Tunisie est actuellement gérée avec des compromis. L’avenir dira si cette réconciliation est profonde ou superficielle. Personnellement, j’espère que, dans l’intérêt du pays, cette réconciliation sera profonde. Sinon, la bipolarité que nous avons connue en 2013 ressurgira », avait il indiqué textuellement.
Hafedh Caïd Essebsi a même laissé la porte ouverte à d’éventuelles listes communes pour les prochaines élections municipales. « La nouvelle direction dont se dotera le parti en juillet prendra une décision », avait-il affirmé.
Premières conséquences probables de ce nouveau rapprochement entre Ennahdha et Nidaa et des tensions publiques, seraient la sortie d’Afek de la coalition gouvernementale et l’atteinte d’un vrai point de non retour entre le « Projet » et Nidaa, car on voit mal le nouveau parti de Marzouk faire cause commune avec le parti de Rached Ghannouchi.
Au bout de la course, et selon les analystes, on va se retrouver avec une nouvelle bipolarisation. D’un côté, Ennahdha associé à l’aile RCDiste de Nidaa et de l’autre, un large front électoral centriste et dit « républicain » qui espère réussir le même effet provoqué en 2012 par l’initiative de Béji Caïd Essebsi avec la création de Nidaa.
On n’en est pas encore là, car entretemps, notamment d’ici le prochain scrutin municipal, beaucoup d’eau risque de couler sous les ponts des uns et des autres.

Commentaires (12)
CommenterPANAMA PAPERS .....
je suis présque d'accord avec "ces analystes" mais il a mieux
Je suis sur,sans rentrer dans les détails(pour l'instant),que nous ferons le meilleur score;et les islamistes seront marginalisés!
Cela peut paraitre simple et même simplet.Il faut se pencher et étudier le projet.C'est plus que faisable,les temps ont changé.
Kafafiches edalème
bas les masques
Il faut des nouvelles elections
L'albatros
Attention ! Si l'oiseau de la comparaison est un albatros, il risque fort de se retrouver «Exilé sur le sol au milieu des huées,/ Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.»(Charles Baudelaire, L'Albatros, in Les Fleurs du Mal).
Nidaa est une coquille vide dont la seule préoccupation de ses dirigeants est leurs propre survie
Il faut faire vite, le temps presse !
Quant au poignard dans le dos, qui l'a planté dans celui d'une bonne partie des électeurs ?