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Interdiction du port du niqab : une tempête dans un verre d'eau
25/03/2016 | 19:59
6 min
Interdiction du port du niqab : une tempête dans un verre d'eau

Crise économique, prolifération du terrorisme, problèmes sociaux et querelles politiques à la tête du pouvoir, la polémique du port du niqab peut sembler totalement surfaite au vu de ce qui fait l’actualité en Tunisie. Cependant, cette question, remise récemment sur le tapis par les élus d’Al Horra, est plus que jamais d’actualité aujourd’hui et suscite moult réactions et parfois même des incompréhensions. Diversion ou réelle problématique actuelle ?

 

 

Le bloc parlementaire Al Horra a proposé, vendredi dernier, 18 mars 2016, un projet de loi interdisant le port du niqab dans les espaces publics.  Dans ce projet de loi, 15 jours de prison ainsi qu’une amende de 4DT et de 800 millimes sont prévus contre ceux qui portent un habit « dissimulant le visage » dans « les espaces publics ». Par espaces publics, le texte de loi cite : les lieux ouverts au public ; les endroits accessibles librement ; les institutions, centres commerciaux et industriels ; les établissements bancaires ; les ports et terminaux de transport terrestre ; et les transports en commun.

Les dépositaires de ce projet de loi invoquent des raisons sécuritaires. La multiplication des attaques terroristes, notamment celle de Ben Guerdène, justifierait selon eux que ce genre de problématiques soit de nouveau placé au centre du débat. Le député d’Al Horra, Walid Jalled, s’exprimant jeudi lors de l’émission de Hamza Belloumi le 8ème jour, a affirmé que l’interdiction du port du niqab servirait à aider les forces de l’ordre dans leur traque des terroristes étant donné que « plusieurs personnes ont utilisé cet habit pour passer les frontières sans être inquiétées ».

Selon le communiqué émis par Al Horra, ce projet de loi servirait à « développer un système pénal pour la lutte contre la criminalité et faciliter la détection de ses auteurs ». Il permettrait, aussi, de « renforcer la prévention contre les opérations terroristes ainsi que la préservation de la sécurité publique et des droits d’autrui » et aurait pour objectif « d’assurer la protection des enfants et des mineurs contre toutes les formes de violence, physique et mentale, et prévoit de sanctionner toute pratique contraire à ce principe ».

 

La présidente de l’Instance générale des martyrs et blessés de la révolution et des opérations terroristes, Majdoline Cherni, soutient la thèse de l’argument sécuritaire. Dans un post publié hier sur sa page Facebook, elle justifie le vote de cette loi par « des considérations sécuritaires » et appelle à « rester loin des surenchères ». Selon elle, tous doivent « faire des compromis afin de privilégier l’intérêt national ».  En effet, dans sa publication, elle rappelle que le leader de l’organisation terroriste Ansar Chariaa, Abou Iyadh, a réussi à quitter la mosquée Al Fath alors qu’elle était encerclée par les forces de l’ordre, en portant le niqab. Idem pour nombreux autres terroristes, selon ses dires, qui auraient réussi à fuir les forces de l’ordre en vêtant le niqab.

 

 

Cependant, pour nombreux politiques et observateurs de la scène politique, la question de l’interdiction du port du niqab est loin d’être une priorité aujourd’hui.

« Plusieurs lois sont en attente d’être votées au sein de l’ARP. Elles concernent l’investissement, la croissance, l’emploi, l’agriculture, le commerce, l’industrie… A mon avis, il est important que les élus du peuple s’intéressent à ces lois qui touchent directement la vie quotidienne du citoyen tunisien et touchent à l’économie nationale. Voter ces lois doit être la priorité absolue et on ne doit pas laisser les questions secondaires, qui n’intéressent pas le citoyen tunisien, devenir la priorité. Les récentes manifestations ont confirmé que les exigences du peuple tunisien sont l'économie et le développement, et non pas les considérations idéologiques. La Troïka nous a trainés, au cours des trois années, dans des questions idéologiques, tandis que les autres pays ont concentré leurs efforts sur l'économie et le développement ... On ne devrait pas reproduire cette erreur », avait écrit Faouzi Elloumi, cadre du parti Nidaa Tounes sur sa page Facebook, hier, jeudi 24 mars 2016, protestant contre cette loi émise par les dissidents de ce même parti. Il est à rappeler, en effet, qu’Al Horra rassemble des démissionnaires de Nidaa Tounes, parti au pouvoir en proie à une série sans fin de luttes intestines.

 

 

Un sondage Sigma, publié cette semaine, fait ressortir que 93% des sondés sont « globalement » contre le port du niqab. 84% d’entre eux sont « totalement » contre. Seulement 1% des sondés soutiennent totalement le port du niqab alors que 3% sont relativement pour. Le port du niqab serait-il réellement au cœur des préoccupations actuelles des Tunisiens ? Difficile à croire au vue de la crise sociale, économique et politique qui secoue le pays actuellement.

 

Les détracteurs de ce projet de loi estiment qu’il est tout simplement « anticonstitutionnel », la Constitution tunisienne votée en 2014 garantissant la liberté du culte et les libertés individuelles. Simplement, dans le texte proposé,  l’article 1er du projet de loi inclut le niqab dans « toute tenue susceptible de cacher le visage » et ne le mentionne pas directement.  En effet, le texte de loi, tel que proposé, ne fait pas la différence entre le port du niqab, d’une cagoule, d’un casque de moto, ou de tout autre habit pouvant cacher le visage. Au-delà de la question sécuritaire, cette loi pose un véritable problème idéologique, étant donné que le voile intégral est porté dans le cadre d’un exercice de foi, celle le portant estimant qu’il a été dicté par l’islam. Un exercice de foi qui, sans entrer dans les méandres de la religion, est protégé par la Constitution tunisienne qui garantit, dans son article 6, la liberté du culte et de la pensée. Selon cet article,  « L’État est le gardien de la religion. Il garantit la liberté de conscience et de croyance, le libre exercice des cultes et la neutralité des mosquées et des lieux de culte de toute instrumentalisation partisane. L’Etat s’engage à diffuser les valeurs de la modération et la tolérance et à la protection du sacré et l’interdiction de toute atteinte à celui-ci. Il s’engage également à l’interdiction et la lutte contre les appels au Takfir et l’incitation à la violence et à la haine ».

 

 

 

Ressusciter une question idéologique, longuement débattue au temps de la Troïka, commence à attiser la scène politique, déjà en proie à des crises. Si le parti Ennahdha ne s’est pas, encore, officiellement prononcé au sujet de ce texte de loi, tout semble croire qu’il ne le défendra pas farouchement. Egalement invité à l’émission de Hamza Belloumi, Samir Dilou, député du parti islamiste, a appelé à « aborder cette question dans le calme ». Selon les dires du député d’Ennahdha, l’appel à interdire le port du niqab ne se base sur aucune statistique réelle et ne propose pas de solution à une problématique réellement posée.

 

Par ailleurs, les détracteurs de cette loi, accusent le texte proposé par Al Horra d’être une pâle copie de la loi dite sur la burka, votée en France en 2010. Cette dernière interdit, dans l’espace public, de «dissimuler son visage» et ce, au moyen d'un masque, d'une cagoule ou d'un voile islamiste intégral. Une loi qui a fait polémique mais qui a été validée par la Cour européenne des droits de l'homme avec comme argument « la préservation des conditions du “vivre ensemble” ».

 

En Tunisie, les conditions du vivre ensemble divisent encore. Des niqabées ont organisé une conférence afin de crier à la « discrimination ». Les présentes se disent « prêtes à se soumettre aux contrôles policiers », balayant ainsi l’argument sécuritaire.

 

Compte tenu des multiples affaires récentes de terrorisme impliquant des personnes niqabées, ce projet de loi a de quoi faire mouche auprès de l’opinion publique. Ses dépositaires semblent vouloir profiter d’un contexte particulier afin de tabler sur l’argument de l’intérêt national autour d'une question d’apparence idéologique. Au niveau du parlement, c’est au parti islamiste Ennahdha de trancher, ayant désormais le plus grand nombre de sièges.

 

Synda TAJINE

25/03/2016 | 19:59
6 min
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Commentaires (53)

Commenter

Fehri
| 08-04-2016 23:25
La femme Tunisienne le plus instruite le plus niqabee. C'est la politique islamiste globale. Une Niqabee beneficie de droits et de privileges jamais obtenu par les femmes de l'Ouest. A leur cote on y trouve des feministes, des defendeuses de droit de l'homme. I really don't give a hoot!

pit
| 30-03-2016 10:16
...le niqab a encore de beaux jours devant lui. Comment a-t-on pu en arriver là? Bourguiba doit se retourner dans sa tombe!

Tunisienne
| 29-03-2016 11:48
Aychek Gg!

J'ai trouvé ton commentaire sur "pitchoune" particulièrement émouvant, et ton enthousiasme sincère à l'égard des paroles du Mufti Battikh authentiquement tunisien!

A titre indicatif et non limitatif...

Bonne journée cher ami!

tounsia2
| 28-03-2016 21:34
Bonsoir chère amie,

Avec une réplique aussi élégante, il me serait difficile de vous refuser votre droit à la "liberté d'expression", d'autant plus que vous avez mon amitié, mon soutien, ma confiance et bien plus encore. . .

Bonne soirée !

Gg
| 28-03-2016 19:40
J'ai envie de rire, alors...
"Tu t'en fiches réellement qu'à 17ans au lycée elle ai visité 3 ou 4 fois les toilettes en plein cours pour baisser son leggins etc ?"

Que faites vous dans les toilettes des filles?
Ha ha hhhhhhhhh...... mdr

Gg
| 28-03-2016 19:37
Le sens de la formule, magnifique! J'aurais pu citer tout le commentaire, tellement il est juste.
Mais cette formule : "Je veux qu'elle n'ait, ni le culte du corps, ni la honte du corps", j'admire!

WATANI
| 28-03-2016 17:39
Réponse à Abel Chater,
Prière de ne pas parler au nom de la Femme Tunisienne ! remarque: toute personne saine d'esprit et aimant la patrie pense que LE LEADER Habib BOURGUIBA incarne EZZA3IM et le vrai patriote et ce, malgré toutes les insinuations malsaines de certains !!
l'Histoire ne peut oublier ou omettre!Un jour tout sera notifié de cette période après "révolution" et des vérités seront dévoilées ... Quant à EZZA3IM c'est déjà fait ! Rien à faire pour ternir son image, qu'il en déplaise à certains :)
Quant au travail de la femme, et au delà de la liberté financière acquise, c'était l'unique moyen permettant de sortir la TUNISIE du marasme de la pauvreté et d'ailleurs, jusqu'à nos jours, l'apport financier de la femme, reste parfois l'unique appui pour la famille surtout dans les zones rurales.
L'esclavage le vrai pour n'importe quel Etre Humain, sexes confondus, c'est celui de devoir tendre la main même aux membres de sa famille pour subvenir à ses besoins, alors qu'il est tout à fait apte à gagner sa vie ... LA DIGNITE, Monsieur Abel, que vous semblez zapper tout au lent de votre périple d'attaque...et la LIBERTE qui inéluctablement passe à travers la liberté financière !!
Notre Chère PATRIE a toujours été forte et le restera grâce a ses ENFANTS Hommes et Femmes qui ont toujours fait sa fierté et qui continueront à la protéger contre tout intrus sans pour autant oublier de rêver à un avenir meilleur non rétrograde.

Tunisienne
| 28-03-2016 14:04
Bonjour chère amie,

Merci de votre amitié, de votre soutien et (j'espère!) de votre confiance !

Aujourd'hui et, pour ne pas vous gêner outre mesure, j'ai décidé de ne pas vous envahir de compliments. Mais connaissant vos qualités, je me réserve le droit de "revenir à la charge" en cas de besoin...

Excellente fin de journée chère tounsia2 !

URMAX UFGOBZ
| 28-03-2016 12:18
Si tu tiens de tels propos, c'est que tu le penses toi même et de tels propos ne peuvent être tenus que par une personne complexée et obsédée !
Un conseil :
Va voir un psy !

Crow
| 28-03-2016 08:30
Vous comptez sur Ennahdha et les vendus de Nidaa pour voter ça?? ça ne va pas plaire au gourou ghanouchi!